[CRITIQUE] : Rewind & Play

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Alain Gomis

Acteurs : -
Distributeur : JHR Films
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français.
Durée : 1h05min
Synopsis :
Décembre 1969, Thelonious Monk arrive à Paris. Avant son concert du soir, il enregistre une émission pour la télévision française. Les rushes qui ont été conservés nous montrent un Thelonious Monk rare, proche, en proie à la violente fabrique de stéréotypes dont il tente de s’échapper. Le film devient la traversée de ce grand artiste, qui voudrait n’exister que pour sa musique. Et le portrait en creux d’une machine médiatique aussi ridicule que révoltante.


Critique :

#RewindAndPlay où la représentation efficace de comment brillamment recontextualiser les ressources existantes sous un jour - presque - totalement nouveau, pour mieux offrir une perspective fascinante à des images dont on n'aurait pas perçue la vérité sous leur forme originelles pic.twitter.com/vgXOemM8t8

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 15, 2023

L'anatomie d'un échec qui n'en est, finalement, pas totalement un... voilà comment pourrait se définir le nouvel effort d'Alain Gomis (Aujourd'hui, Félicité), Rewind & Play, fruit d'une volonté de vouloir produire un documentaire sur la vie de la légende du jazz Thelonius Monk, et pour lequel il a mis la main sur deux heures et demie de rushes de l'émission française " Jazz Portrait ", où Monk fut interviewé par le pianiste (et producteur de l'émission), Henri Renaud, quelques heures avant de se produire salle Pleyel.
L'échec, c'est le malaise qui transparaît de ce cauchemar télévisuel où le calvaire du musicien est palpable, soumis au jeu répétitif et douloureux des questions-réponses d'une interview voulant percer les secrets de son génie sans s'intéresser un minimum à l'humain derrière l'artiste.
Le non-échec, c'est la manière dont le cinéaste déconstruit la manipulation/simplification voulue par cette interview pour mieux sublimer la personnalité opaque d'un artiste qui ne se raconte jamais mieux que lorsqu'il joue, et qui ne veut exister que par sa musique.

Copyright JHR Films


Une interprétation volontairement dissonante voire un poil déstabilisante dans sa forme (comme si le cinéaste cherchait par quelques petits gestes de montage subtils, à nous placer dans la même situation inconfortable que son sujet), autant dans toute sa crudité inconfortable que dans toute sa beauté artisitique, entre la revendication socialo-raciale proposée par le Monk et le remodelage simplifié et tyrannique recherché par Renaud et l'émission (où le premier fait taire la superficialité des mots du second par la profondeur de son expressivité et de son génie musicale), Gomis pointe la malhonnêteté de l'entreprise d'exploitation et de dévaluation/mépris des artistes opérée par la vanité abjecte d'une machine médiatique cherchant coûte que coûte à obtenir ce qu'elle veut (quitte à agir arbitrairement où a se laisser aller à diverses micro-agressions), où l'inclusion des (magiques) moments musicaux ne font que pointer avec puissance l'insensibilité et la nature réductrice de l'interview.
Rewind & Play où la représentation efficace de comment brillamment recontextualiser les ressources existantes sous un jour - presque -  totalement nouveau, pour mieux offrir une perspective fascinante à des images dont on n'aurait pas perçue la vérité sous leur forme originelles.
Jonathan Chevrier