Premier long métrage de Jimmy Laporal-Tresor, très méconnu mais qui s'est pourtant fait un petit nom en signant les scénarios de "La Cité Rose" (2012) et "Mon Frère" (2019) tous deux de Julien Abraham. Entre temps il a réalisé quelques courts métrages dont "Le Baiser" (2013) mais le tournant vient après sa rencontre avec le producteur Manuel Chiche président des sociétés Les Bookmakers et surtout l'excellent The Jokers. Il lui expose l'idée sur une histoire de guerre des gangs dans les quartiers parisiens dans les années 80. Pour donner une idée du projet il parvient à obtenir un budget plus que confortable de 80000 euros pour son court métrage "Soldat Noir" (2021) sur un jeune antillais qui devient un "chasseur de skinheads" dans les années 80. Ce court métrage est remarqué au Festival de Cannes 2021 où il obtient le Prix Canal+ du meilleur court métrage avec en prime une nomination au César du court métrage 2022. Le projet de long métrage est alors définitivement lancé, le réalisateur-scénariste co-signe le scénario avec Sébastien Birchler et Virak Thun qu'il retrouve donc après leur collaboration sur "Soldat Noir" (2021). Précisons que le cinéaste travaille actuellement sur une série TV adaptée du court métrage, et qu'il a commencé à écrire son prochain long métrage qui s'intitulera "Mé 67" dans le cadre de l'Atelier scénario de La Fémis...
Paris 1984, une bande de jeunes de banlieue les Rascals profite au maximum de la vie. En passant chez un disquaire, l'un d'eux reconnaît un skinhead qui l'avait agressé il y a longtemps et décide de se venger. Parmi les témoins la soeur de la victime et un autre skin qui promet une vengeance. Le gang des Boneheads va alors chercher la confrontation avec les Rascals, ils ont tous pieds dans une engrenage alors que le pays voit justement la montée de l'extrême droite... Au casting plusieurs jeunes assez peu connus mais déjà aperçus, en premier lieu Jonathan Feltre déjà à l'affiche du court "Soldat Noir" (2021), puis citons Taddeo Kufus qui a eu la chance d'apparaître furtivement dans le film américain "1917" (2020) de Christopher Nolan, Jonathan Eap aperçu dans "Tu mérites un Amour" (2019) de Hafsia Herzi, Marvin Dubart remarqué dans "Les Invisibles" (2019) et "La Brigade" (2022) de Louis-Julien Petit, Angelina Woreth vue dans "Just Kids" (2020) de Christophe Blanc, "Cette Musique ne joue pour Personne" (2021) de Samuel Benchetrit et "Ma Nuit" (2022) de Antoinette Boulat. Citons ensuite Victor Meutelet vu entre autre dans "Éternité" (2016) de Tran Anh Hung, "MILF" (2018) de et avec Axelle Laffont et "Barbaque" (2021) de et avec Fabrice ÉBoué, Guillaume Marquet vu dans "Un Peuple et son Roi" (2018) de Pierre Schoeller, "Boîte Noire" (2021) de Yann Gozlan ou "Choeur de Rockers" (2023) de Ida Techer et Luc Bricault, Théo Cholbi vu dans "Coup de Chaud" (2015) de Raphaël Jacoulot, "Aurore" (2017) de Blandine Lenoir ou "La Nuit du 12" (2022) de Dominik Moll, Rachid Yous aperçu dans "Geronimo" (2014) de Tony Gatlif et "Fatima" (2015) de Philippe Faucon, Mark Grosy vu dans "Santa et Cie" (2019) de et avec Alain Chabat et "Mon Frère" (2019) de Julien Abraham, et enfin Noémie Noémie Zeitoun vue dans "Miss" (2020) de Ruben Alves, "Stella est Amoureuse" (2022) de Sylvie Verheyde et "Simone, le Voyage d'un Siècle" (2022) de Olivier Dahan... Le film reprend un sous-genre qui a surtout connu une popularité aux Etats-Unis comme "Les Seigneurs" (1978) de Philip Kaufman, "Les Guerriers de la Nuit" (1980) de Walter Hill, "Outsiders" (1983) de F.F. Coppola ou "Les Princes de la Ville" (1993) de Taylor Hackford sans compter évidemment le mode musical avec "West Side Story" (1961) de Robert Wise ou la version (2021) de Steven Spielberg. Mais avec ce film la dimension politique et l'époque choisie fait écho au récent "Nos Frangins" (2022) de Rachid Bouchareb. Le film débute avec un petit prologue qui annonce la couleur de façon vite fait bien fait avant une ellipse : l'histoire se focalise sur l'année 1984. On sourit d'emblée devant un style de bande qui semble plutôt anachronique, le blouson Les Rascals renvoyant plutôt aux blousons des gangs universitaires outre-Atlantique, on peut aussi remarquer la coupe banane façon rockabilly ou Les Forbans bien qu'on n'entende aucune musique en raccord. D'ailleurs on peut regretter un manque d'inspiration et même de travail sur la bande originale qui reste sous-exploitée.
Néanmoins Les Rascals sont intéressants grâce à l'intercommunauté de la bande même si cela ne semble pas franchement juste ou cohérent avec la thématique. L'intervention justement du gang antillais est bien maladroit, à la fois rappelle l'importance des origines dans les groupes d'appartenance, et on se demande le pourquoi du comment sur cette intervention qui paraît ni utile ni constructive. Mais surtout le film manque totalement de nuance, il est d'un manichéïsme flagrant, omettant un minimum de crédibilité. Ainsi, les noirs, arabes etc... sont innocents, gentils, "ça traîne" mais ils font rien de mal, ça vole simplement des voitures mais surtout on ne traite pas ce point on le survole (!), ça ne pense qu'à baiser mais c'est la nature des choses... Par contre les blancs sont forcément des nazis, les skins chantent la Marseillaise, les skins tous des gros bourrins violents même entre eux sauf un ; un bourreau devenu victime dont on se demande pourquoi et comment ce skin est si peu nazi comparé à ses semblables. Un propos manichéen qui manque totalement de finesse symptomatique de cet encart racoleur "1984 les skins ont pris le coeur de Paris". Dommage car Jimmy Laporal-Tresor offre une mise en scène plutôt inspirée, les acteurs forment un joli panel de révélations, le propos reste pertinent et quelques passages sont particulièrement touchants ou sous tension, mais toujours parasités par d'autres très dirigés et/ou caricaturaux. Une petite déception tant le potentiel est évident, un cinéaste un peu plus subtil aurait pu donner un grand film. Note indulgente.
Note :