Babylon (2023) de Damien Chazelle

Par Seleniecinema @SelenieCinema

5ème long métrage de Damien Chazelle après "Guy and Madeleine on a Park Bench" (2009), "Whiplash" (2014), "La La Land" (2016) et "First Man : le Premier Homme sur la Lune" (2018). Un projet que le cinéaste a dans ses cartons depuis une quinzaine d'années, une durée qui lui aurait été nécessaire pour ses recherches sur la naissance de Hollywood : "Je voulais examiner au microscope les débuts d'une forme d'art et d'une industrie, lorsque toutes deux étaient encore en train de trouver leurs marques et, plus profondément, j'aimais l'idée d'observer une société en mutation. Hollywood a connu une série de changements rapides, aux allures cataclysmiques pour l'époque, dans les années 20. Certaines personnes en sont sortis indemnes, mais beaucoup n'ont pas réussi. Dans des termes contemporaons, nous appellerions cela une rupture. En s'intéressant de plus près à ce que ces gens ont eu à traverser, on se sait une idée du coût humain qui accompagnait ce genre d'ambition à L.A." Damien Chazelle est réalisateur-scénariste de son film comme il en a l'habitude, exception faite de "First Man"... Dans les années 20, alors que le cinéma est en pleine mutation entre le Muet et le parlant, le jeune Manny Torres débute sa carrière d'assistant. Il va être témoin de l'effervescence autour de la création de ce qui va devenir Hollywoodland, et de l'ascension ou la décadence des individus qui y gravitent...

Le jeune assistant est incarné par un inconnu, Diego Calva, acteur mexicain vu dans le film "Te Prometo Anarquia" (2015) de Julio Hernandez Cordon et depuis aperçu dans quelques épisodes de séries TV américaines. Les deux autres rôles principaux sont tenus par deux stars qui se retrouvent après avoir été à l'affiche de "The Big Short" (2015) de Adam McKay et "Once Upon a Time... in Hollywood" (2019) de Quentin Tarantino, deux films où ils ne se donnaient pas la réplique au contraire de cette troisième collaboration, ils explorent donc à nouveau la Cité des Anges 40 ans plus tôt que dans le film de Tarantino. Il s'agit donc de Brad Pitt vu récemment dans "Le Secret de la Cité Perdue" (2022) des frères Nee et "Bullet Train" (2022) de David Leitch, puis Margot Robbie vue dernièrement dans "Amsterdam" (2022) de David O. Russell, l'actrice retrouve aussi trois autres partenaires après "Le Loup de Wall Street" (2013) de Martin Scorcese, P.J. Byrne vu dans "Soyez Sympa, Rembobinez" (2008) de Michel Gondry ou "Scandale" (2019) de Jay Roach avec encore Margot Robbie, Ethan Suplee vu dans "Brooklyn Affairs" (2019) de et avec Edward Norton et "The Hunt" (2020) de Craig Zobel, puis Eric Roberts qui retrouve de son côté après "Inherent Vice" (2014) de Paul Thomas Anderson l'actrice Katherine Waterston vu dernièrement dans "Les Animaux Fantastiques : les Secrets de Dumbledore" (2022) de David Yates et "The World to Come" (2020) de Mona Fastvold, puis retrouve après "Spun" (2002) de Jonas Akerlund son partenaire Patrick Fugit  qui retrouve Damien Chazelle après "First Man" (2018) à l'instar de Lukas Haas qui retrouve lui aussi, après "Alpha Dog" (2006) de Nick Cassavetes l'actrice Olivia Wilde vue dernièrement dans son propre film "Don't Worry Darling" (2022), elle retrouve également Spike Jonze réalisateur de "Her" (2013). Citons ensuite Jean Smart vue dans "L'Ombre d'Emily" (2018) de Paul Feig et "Superintelligence" (2020) de Ben Falcone, Jovan Adepo vu dans "Fences" (2017) de et avec Denzel Washington et "Overlord" (2018) de Julius Avery, Li Jun Li vue dans "Casse-Tête Chinois" (2013) de Cédric Klapisch ou "Ricki and the Flash" (2015) de Jonathan Demme, Tobey Maguire de retour semble-t-il après "Spider-Man : No Way Home" (2021) de Jon Watts alors qu'on ne l'avait plus vu depuis "Le Prodige" (2015) de Edward Zwick, Max Minghella vu entre autre dans "Horns" (2013) de Alexandre Aja et "Spirale : l'Héritage de Saw" (2021) de Darren Lynn Bousman, Samara Weaving vue dans "Three Billboards" (2017) de Martin McDonagh et "Wedding Nightmare" (2019) de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillet, Flea leader du groupe Red Hot Chili Peppers mais aussi acteur depuis les films "Retour vers le Futur" (1989-1990) de Robert Zemeckis vu aussi dans "The Big Lebowski" (1998) des frères Coen ou "Baby Driver" (2017) de Edgar Wright, puis enfin n'oublions pas Jennifer Grant fille de la star Cary Grant, et Kaia Gerber fille de la top model Cyndi Crawford... Notons que la musique est signée de Justin Hurwitz, compositeur fidèle de tous les films de Damien Chazelle. Les deux artistes retrouvent aussi Mandy Moore, la chorégraphe de "La La Land" (2016) qui a eu pour consigne essentielle d'occulter le charleston, danse toujours associée aux années 20 dites "années folles" : "Quand nous avons évoqué le film pour la première fois, Damien a clarifié qu'il ne voulait pas que la danse ressemble à ce qu'on attend des années 20. Sortez donc de votre tête tout ce qui a à voir avec le charleston, le swing, les jazz band ou les flappers." Le film s'ouvre sur un grand prologue déjanté dans une folie et un style presque anachronique, seul quelques éléments nous informent que nous sommes bel et bien en 1926. La musique ou les danses sont occultent effectivement les classiques d'époque ou les clichés trop évidents. Tout est donc modernisé jusque dans l'extrême pour dynamité le rythme autant que le propos. Un prologue sur une des fêtes les plus folles, orgiaques et déjantées du cinéma tout en s'inspirant de fêtes ayant réellement existées dans les années folles et donc certains drames ont défrayé la chronique. Il est important de rappeler que c'est justement ces scandales des années 20 qui ont amené à une morale puis à la censure du début des années 30, jusqu'à l'établissement du tristement célèbre Code Hays (Tout savoir ICI !). Une période 1926-1932 judicieusement et logiquement au centre de ce film, car en parallèle de cette évolution des moeurs à Hollywood le Parlant détrônait le Muet.

C'est évidemment ce parallèle aussi brusque que différent qui allait changer le monde du cinéma. Pour mieux nous immerger à cette époque, plusieurs personnages réels apparaissent comme le milliardaire Randolph Hearts et Marion Davies ou le producteur Irving Thalberg, tandis que les personnages principaux sont inspirés de stars du Muet, Nellie/Robbie est par exemple inspiré de Clara Bow, tandis que Lady Fay Zhu est inspirée de la première star asiatique Anna May Wong. On voit aussi que la technique prend une importance encore plus forte en passant au parlant, on passe ainsi d'un cinéma artisanal à une industrie comme la liberté, la chance, la fête, la tolérance laisse place au contrôle de l'image, à la publicité, aux convenances et à la morale. L'usine à rêve s'achète une conduite et une conscience en sacrifiant aussi des stars sur l'autel du son et des vocalises. C'est toutes ses modifications, ses changements de pensées que le film explore et nous explose à l'image entre décadence et luxe, entre orgie et déchéance. La mise en scène est flamboyante et explosive au début du film, devient plus nettement plus sombre et mélancolique vers la fin. Un "Gatsby le Magnifique" en mode film choral dans le cinéma et sous stupéfiants. C'est peut-être là la limite du film d'ailleurs, le réalisateur ne fait pas dans la dentelle et pousse tous les curseurs à outrance ; tous se droguent et sont alcooliques, tous pervers ou portés sur la chose, tous hystériques, dangereux ou égoïstes ce qui est parfois assommant. Heureusement ils sont tous humains, ils cherchent tous a être aimé c'est même ça qui frappe le plus, l'amour d'un homme ou d'une femme, comme l'amour du public ou d'un public. Par là même, le réalisateur pousse jusqu'à des séquences plus hasardeux ou maladroits, vulgaires et de mauvais goûts mais pas surprenants sur le fond plus sur la forme parfois trop grotesques mais c'est à chaque fois contre-balancé par des scènes d'une grâce folle, parfois même ne manquant pas d'onirisme. Parlons de la sensualité brûlante de Nellie/Robbie ou de son adieu dans l'ombre, des dialogues intimistes avec Jack Conrad/Pitt comme ses délires hilarants, la caméra fluide et inspirée de Damien Chazelle, les larmes de Manny/Cava et de la larme de Nellie/Robbie... Des passages dont la fulgurance nous happe et nous fait pardonner quelques excès plus ou moins malaisants. Bémol surtout pour la partie mafieuse, et un petit sur la musique, trop souvent tiré de la partition "La La Land". En conclusion Damien Chazelle est un grand réalisateur, qui s'est peut-être un peu laissé déborder par son sujet mais l'ampleur de sa mise en scène est au service d'un récit riche et foisonnant qui ne  peut laisser insensible avec un fond passionnant emmené par des personnages de cinéma, de pur cinéma.

Note :                 

16/20