Martin Mc Donagh, réalisateur de l’OVNI grandiose « Three billboards… », récidive avec un nouveau chef d’œuvre. Partant d’un postulat simple comme chou, un homme veut rompre une vieille histoire d’amitié avec un autre homme, car il n’y trouve plus son compte. Ce dernier est désarçonné, ne comprend pas et le vit très mal. Si on n’était pas sur une île du bout du monde où les centres de vie sont limités à l’Eglise, le port et le pub ; on ne comprendrait pas pourquoi ces deux-là si dissemblables se sont choisis. On est en 1923, ils sont coupés du monde, et pour la victime de cette rupture amicale, c’est tout son univers et son équilibre qui s’écroule. Aussi un 3ème personnage important vient rebattre les cartes ; la sœur du malheureux largué par son ami. Cette dernière, vivant seul avec son frère, aspire à une autre vie ; et son propre départ pour le continent symbolisant la fin d’une existence mortifère car sans perspective ; sonne le glas du frère. Et ce film avec trois fois rien traite déjà de çà : que fait-on de nos vies ?
Martin Mc Donagh via un traitement par l’absurde, à chaque film, sonde en profondeur l’âme humaine. Dès les premières minutes du film, on a l’impression que tout est dit ; et c’est de là que le film tire sa force, car il renouvelle sans cesse son traitement durant 1h50 sans jamais se répéter ou se détourner du centre de son propos ; il questionne l’humanité. Et le vase clos, sorte de huis clos insulaire se prête bien à cet exercice et donne un ton de conte théâtrale à son propos. Les paroles sont comptées mais toujours percutantes. On est donc à nouveau dans une fable grinçante tout aussi drôle que tragique, tendre que pathétique ; le genre de film inclassable dont on sort en se disant que le cinéma peut être réellement nommé 7ème art.
Et puis le trio (les deux ex-amis et la sœur de l’un d’entre eux) auraient mérités un prix d’interprétation conjoint à Venise, d’où Colin Farrel partira vainqueur. Ensuite, les paysages grandioses, arides et battus par la pluie et le vent se prêtent à merveille à la rugosité de ces vies irlandaises en 1923 ; la musique est aussi toujours juste et à sa place. Le tout n’est jamais dramatique.
Un film avec une personnalité folle dans lequel si peu de choses sont dites pour tant de messages suggérés ; un chef d’œuvre.
Sorti en 2022
Ma note : 19/20