[CRITIQUE/RESSORTIE] : L'Aventure de Mme Muir

Réalisateur : Joseph L. Mankiewicz
Avec : Gene Tierney, Rex Harrison, George Sanders,…
Distributeur : Swashbuckler Films
Budget : -
Genre : Drame, Fantastique, Romance.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h45min
Date de sortie : 26 mai 1948
Date de ressortie : 1er février 2023
Synopsis :
En Angleterre, au début du XXe siècle, Lucy Muir, une ravissante et jeune veuve, décide de s'installer au bord de la mer avec sa fille et sa servante dans un cottage réputé hanté par le fantôme du capitaine Gregg. Loin d'être terrorisée, elle est au contraire fascinée à l'idée d'habiter avec ce fantôme. Un soir, il lui apparaît...

Critique :

Brisant les limites du fantastique tout autant que les codes du mélodrame, #LAventuredeMmeMuir se fait une bouleversante fable sur la désillusion et l'acceptation cruelle de la mort, un beau pastiche où la légèreté épouse le drame au travers d'une romance sincère mais impossible. pic.twitter.com/hTjFi3V4kJ
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) February 4, 2023

Impossible de ne pas louer le courage de certains distributeurs qui s'échinent à offrir des expériences inédites aux spectateurs, en restaurant des pépites d'antan dans l'espoir de voir affluer des foules d'amateurs passionnés dans des salles obscures qui en manquent cruellement.
Un acte de résistance en somme, prônant l'amour et l'importance du septième art même si elle se heurte sensiblement à une réticence au mieux absurde (une méconnaissance que l'on refuse - souvent - de corriger), au pire totalement débile (les films d'époque c'est caca, le noir et blanc c'est nul) de la part d'un auditoire résolument jeune qui ne jure que par la production contemporaine (et qui dégainent aveuglément des " chefs-d'œuvre " avec une frénésie rare à chaque blockbusters ricains).
Comme si le cinéma d'antan avait fait son temps - là où le cinéma est un art intemporel -, que le noir et blanc aliénait et que tout ce pan de la production cinématographique n'était finalement plus digne d'intérêt.
Quelle chance alors pour qu'un film tel que L'Aventure de Mme Muir de Joseph L. Mankiewicz, qui renoue avec les salles obscures dans une restauration pimpante presque soixante-quinze ans après les avoir épouser pour la première fois, puisse attirer, en partant du principes que Mankiewicz n'est pas forcément un cinéaste dit " populaire ".

[CRITIQUE/RESSORTIE] : L'Aventure de Mme Muir

Pourtant la modernité de ses dialogues et l'usage sibyllin de la dialectique cinématographique, l'élégance de sa mise en scène couplée à une ironie souvent mordante (sans oublier une histoire personnelle passionnante au sein même de l'histoire du cinéma ricain), en ont fait un faiseur de rêves important du vieil Hollywood et pourtant, paradoxalement, cruellement oublié aujourd'hui.
Pas si éloigné des oeuvres de Powell et Pressburger, The Ghost and Mrs. Muir en V.O incarne l'effort le plus fantastique de son auteur, lui qui tente ici de se faire rencontrer et de lier avec justesse la comédie, le mélodrame (dont il transgresse avec malice la majorité des codes) et le gothique pour mieux croquer un merveilleux pastiche au nombreux niveaux de lecture où la légèreté épouse le drame en narrant les contours d'une romance sincère mais impossible entre deux âmes dont l'une, décédée, est même née avant l'autre, déjà veuve (magnifique Gene Tierney).
Brisant les limites du fantastique, Mankiewicz crée une aventure subliminale et incroyablement bouleversante sur la désillusion et l'acceptation douloureuse de la mort où l'impossible devient envisageable, où le surnaturel naturel.
Embaumé dans la partition extraordinaire de Bernard Herrmann, le film se fait un chef-d'oeuvre de poésie et de romantisme aussi cruel que doux-amer, un songe onirique et évanescent dont on ressort aussi ébloui que bouleversé.
Jonathan Chevrier

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