Souvent considéré comme le premier grand film sur 14-18, exception faîtes de "Charlot Soldat" (1918) de Charles Chaplin qui en reprendra des éléments pour son chef d'oeuvre "Le Dictateur" (1940), cette production américaine est adaptée du roman éponyme (1929) de Erich Maria Remarque ; précisons alors que le livre est un succès littéraire mondial mais le film est censuré tandis que l'auteur fuit dès 1932 en Suisse. Le film est brûlé par les nazis en 1933 lors d'autodafés. Pourtant dans la foulée de sa sortie en librairie Hollywood acquiert les droit pour le réalisateur Lewis Milestone qui s'est fait un nom avec entre autre "Les Sept Larrons en Quarantaine" (1925) ou "Les Nuits de New-York" (1929) mais qui deviendra un cinéaste majeur avec des films plus connus comme "L'Emprise du Crime" (1946), "L'Inconnu de Las Vegas" (1960) et "Les Révoltés du Bounty" (1962). Il co-signe le scénario avec Maxwell Anderson qui retrouvera Milestone sur "Pluie" (1932), et qui écrira plus tard pour "Jeanne d'Arc" (1948) de Victor Fleming, "Le Faux Coupable" (1956) de Alfred Hitchcock ou "Ben-Hur" (1959) de William Wyler, Del Andrews qui retrouve Milestone après "The Racket" (1928) et qui a réalisé et écrit "Le Mauvais Chemin" (1925), George Abbott réalisateur-scénariste de plusieurs films dont "Une Belle Brute" (1930) et "The Sea God" (1930), C. Gardner Sullivan auquel on doit les scénaris de "Matrimony" (1915) de Scott Sidney, "Dulcy" (1923) de Sidney Franklin ou "L'Infernale Poursuite" (1935) de Charles Barton, puis Walter Anthony qui a écrit "L'Enfant des Flandres" (1924) de Victor Schertzinger, "L'Etrange Aventure du Vagabond Poète" (1927) de Alan Crosland ou "Tarzan l'Intrépide" (1933) de Robert F. Hill. Le film est un succès qui remporte deux Oscars du meilleur film et du meilleur réalisateur. Un succès qui va ouvrir la voie à d'autres projets sur le même sujet avec dans la foulée entre autre "Quatre de l'Infanterie" (1931) de P.W. Pabst et "Les Croix de Bois" (1932) de Raymond Bernard. Mais surtout la postérité rendra hommage à ce monument, en 1990 il est choisi pour une conservation à la Bibliothèque du Congrès des Etats-Unis en raison de son "importance culturelle, historique ou esthétique". Un monument du cinéma mais aussi littéraire qui connaîtra deux autres adaptations, un téléfilm (1979) de Delbert Mann, et un nouveau long métrage (2022) de Edward Berger...
1917, alors que la guerre s'enlise, Paul Bäumer et ses camarades décident de s'engager après avoir été convaincu par les harangues patriotiques et bellicistes de leur professeur du lycée. Volontaires et exalté par leur nouvelle aventure les jeunes soldats déchantent très vites à leur premier mort, à leur premier bombardement. La réalité des tranchées est une vision d'horreur à laquelle ils n'étaient pas préparé... Paul Bäumer est incarné par Lew Ayres déjà vu dans "L'Etudiant" (1929) de Leo McCarey ou "Le Baiser" (1929) de Jacques Feyder, et plus tard dans "L'Homme de Fer" (1931) de Tod Browning ou "Vacances" (1938) de George Cukor. Son plus proche camarade "Kat" est interprété par Louis Wolheim vu dans "Docteur Jekyll and Mister Hyde" (1920) de John S. Robertson, "Les Deux Orphelines" (1921) de D.W. Griffith, retrouvant aussi Lewis Milestone après "Two Arabian Knights" (1927) et "The Racket" (1928). Le professeur est joué par Arnold Lucy vu dans "Les Deux Compères" (1920) de Roy William Neill, plus tard dans "Le Juif Errant" (1933) de Maurice Elvey ou "L'Homme qui en savait Trop" (1934) de Alfred Hitchcock, il retrouve après "L'Intruse" (1930) de F.W. Murnau son partenaire Richard Alexander vu ensuite dans "Les Temps Modernes" (1936) de Charles Chaplin ou "La Rivière d'Argent" (1948) de Raoul Walsh. Citons ensuite John Wray qui tourne ce film entre deux autres Milestone "Les Nuits de New-York" (1929) et "Le Capitaine déteste la Mer" (1934), mais vu aussi dans "L'Extravagant Mr. Deesd" (1936) de Frank Capra ou "J'ai le Droit de Vivre" (1937) de Fritz lang, Ben Alexander vu auparavant dans "L'Honneur de la Famille" (1920) de King Vidor ou "Les Deux Gosses" (1923) de Maurice Tourneur, William Bakewell au près de 200 films entre 1925 et 1975 souvent dans de petits rôles mais on peut citer le dyptique "Davy Crockett Roi des Trappeurs" (1955) et "Davy Crockett et les Pirates de la Rivière" (1956) tous deux de Norman Foster, Harold Goodwin acteur vu dans près de 270 films de "L'Attrait du Cirque" (1917) de Charles Miller et Paul Powell à "Morituri" (1965) de Bernhard Wicki en passant par "Les Mousquetaires de l'Air" (1929) de Frank Capra ou "Spartacus" (1960) de Stanley Kubrick, Slim Summerville vu dans "Un Béguin de Charlot" (1914), "Spéciale Première" (1931) de Milestone ou "La Route du Tabac" (1941) de John Ford, Beryl Mercer vue dans "Calvaire d'Apôtre" (1923) de Maurice Tourneur, et plus tard dans "L'Ennemi Public" (1931) de William A. Wellman ou "Le Secret Magnifique" (1935) de John M. Stahl, et enfin Edmund Breese vu dans "The Master Mind" (1914) de Oscar Apfel, "Le Démon de la Mer" (1930) de Lionel Barrymore et Wesley Ruggles, "La Blonde Platine" (1931) de Frank Capra ou "la Soupe au Canard" (1933) de Leo McCarey...
Le film débute en milieu scolaire, loin des affres de la guerre, encore innocents jusqu'au discours de leur professeur qu'il respecte. Un prof qui se lance comme un tribun qui va tout faire pour convaincre ses ouailles à aller combattre au front. Une séquence qui fait déjà froid dans le dos. À tout juste 18 ans, les jeunes galvanisés par un patriotisme qui jusque là ne les avait pas effleuré s'engage aussitôt à quelques détails près, les uns sont enthousiastes, les autres plus circonspects mais qui sont happés par l'engouement collectif, finalement comme l'étaient la grande majorité des soldats en 1914. Le temps n'apprend rien. Le film met donc en image un livre sans concession, qui montre frontalement toutes les horreurs de la guerre et en premier lieu les doutes et la peur qui assaillent dès les premières violences. Puis la mort bien sûr, mais aussi les difficultés du quotidien entre l'ennui, le froid, la faim, l'insalubrité. Le film rend hommage au livre tant il y est fidèle, on peut alors citer l'auteur qui a écrit dans son livre : "Ils auraient dû être pour nos dix-huit ans des médiateurs et des guides nous conduisant à la maturité, nous ouvrant le monde du travail, du devoir, de la culture et du progrès - préparant l'avenir. Parfois, nous nous moquions d'eux et nous leur jouions de petites niches, mais au fond nous avions foi en eux. La notion d'une autorité, dont ils étaient les représentants, comportait à nos yeux, une perspicacité plus grande et un savoir plus humain. Or, le premier mort que nous vîmes anéantit cette croyance. Nous dûmes reconnaître que notre âge était plus honnête que le leur. Ils ne l'emportaient sur nous que par la phrase et l'habileté. Le premier bombardement nous montra notre erreur et fit écouler la conception des choses qu'ils nous avaient inculquée." Le réalisateur prend le temps de poser sa caméra, les gros plans sur les visages entre angoisse ou résiliation, les combats sans hystérie ou rage juste le devoir puis surtout l'instinct de survie dans les tranchées sur lesquelles le travail entre ombre et lumière est remarquable. Un film comme dénonciation des aveugles qui crient à la victoire et qui ne voient toujours rien malgré la défaite. Un grand film à voir, à conseiller, à diffuser même dans les écoles...
Note :