Premier long métrage de Charlotte Le Bon, actrice vue notamment dans "L'Ecume des Jours" (2013) de Michel Gondry, "Libre et Assoupi" (2014) de Benjamin Guedj ou "The Walk : Rêver plus Haut" (2015) de Robert Zemeckis. Son projet est en fait une idée de son ami et réalisateur-acteur Jalil Lespert qui lui a offert la bande dessinée "Une Soeur" (2017) de Bastien Vivès (artiste aux nombreux scandales voir ICI !) en lui suggérant d'en faire un film avec son soutien comme producteur si elle le souhaitait. Elle précise : "Ce récit très sensible et subtil m'a paru comme une évidence car porteur d'un immense potentiel cinématographique. Au départ, Bastien Vivès était lui-même surpris par l'idée de l'adaptation. Il était convaincu que cette histoire ne pouvait être transposable au cinéma. Pour moi, le réel défi était de me réapproprier le récit, d'en faire une oeuvre intime. Avec la collaboration de François Choquet à la scénarisation, nous avons réussi à lui trouver une nouvelle identité qui m'a satisfaite. C'est une adaptation libre." Précisons que l'auteur a déjà été adapté avec le film "Polina, Danser la Vie" (2016) de Valérie Müller et Angelin Preljocaj. La productrice-réalisatrice-scénariste Charlotte Le Bon co-signe donc son histoire avec François Choquet réalisateur des courts métrages "Amarelinha" (2007), "Swing Absolu" (2013) et "Petit Lait" (2014), ainsi que des longs "La Femme de mon Frère" (2019) de Monia Chokri et "Ma Nuit" (2021) de Antoinette Boulat. Elle collabore aussi effectivement avec Jalil Lespert à la production avec qui elle avait tourné dans "Yves Saint Laurent" (2014) et "Iris" (2016). Par là même, elle retrouve aussi Dany Boon à la production, qu'elle avait croisé alors débutante et révélation dans "Astérix et Obélix : au Service de sa Majesté" (2012) de Laurent Tirard. Premier essai premier succès d'estime (malheureusement moins de 30000 entrées France) pour la cinéaste, un premier film multi-primé dans plusieurs festivals de Cannes à Bucarest, en passant par Deauville, Chicago ou Vancouver et le Prix Louis-Delluc 2022... 

Bastien 13 ans bientôt 14 est invité avec sa famille à passer les vacances d'été dans la région des Laurentides au bord d'un lac, chez Louise une amie de sa mère. Il y rencontre la fille de Louise, Chloé 16 ans avec qui il doit partager la chambre. Au bord du lac, les jeunes évoquent une légende sur un enfant qui serait mort noyé ce qui éveille un souvenir douloureux à Bastien qui a peur de l'eau. Mais Bastien tombe amoureux de Chloé qui va le pousser à se baigner... Bastien est incarné par Joseph Engel vu dans les films "L'Homme Fidèle" (2018) et "La Croisade" (2021) de et avec Louis Garrel. Sa mère est interprétée par Monia Chokri révélée dans "Les Amours Imaginaires" (2010) et "Laurence Anyways" (2012) tous deux de Xavier Dolan et réalisatrice de "Babysitter" (2022). Chloé est jouée par Sara Montpetit aperçue dans "Maria Chapdelaine" (2021) de Sébastien Pilote, sa mère Louise est interprétée par Karine Gonthier-Hyndman vue dans "Starbuck" (2010) de Ken Scott et "Le Trip à Trois" (2016) de Nicolas Monette. Citons encore Arthur Igual vu notamment "Cherchez l'Hortense" (2012) de Pascal Bonitzer, "Mal de Pierres" (2016) de Nicole Garcia et "L'Homme Fidèle" (2018) retrouvant ainsi Joseph Engel, Anthony Therrien vu dans "Insoumis" (2015) de Mathieu Denis et "Charlotte à 17 ans" (2021) de Sophie Lorain, puis enfin Pierre-Luc Lafontaine vu dans "Le Poil de la Bête" (2010) de Philippe Gagnon, "La Vérité" (2011) de Marc Bisaillon ou "Ma Vie avec John F. Donovan" (2018) de Xavier Dolan... Charlotte Le Bon adapte librement le roman graphique, et notamment transpose le récit de la Bretagne au Québec et plus au bord d'un lac de la ville de Gore dans les Laurentides. Ca ne s'invente pas, une ville dont le nom et les paysages renvoie évidemment à quelques films d'horreur, une coïncidence qui a d'ailleurs plu à la cinéaste : "Quand j'étais gamine au Québec avec des copines on se faisait des soirées Scream, Souviens-toi l'Eté Dernier" ou plus tard Shining, mortes de trouille mais ravies de l'être." Par contre, la réalisatrice-scénariste occulte quelques paramètres du libre, en premier lieu le fait que l'amie qui accueille la famille de Bastien a fait une fausse-couche peu de temps avant ces vacances, et que sa fille de 16 ans est une fille un peu paumée et solitaire, il n'est pas question une seule fois de cette perte douloureuse, et Chloé/Montpetit n'est pas franchement solitaire.

La réalisatrice instaure aussitôt une atmosphère aussi onirique que mystérieuse, jouant avec le vent dans les arbres, le remou des flots mais c'est évidemment le lien entre Chloé/Montpetit et la légende qu'elle aime à raconter qui intrigue et impose cette dimension fantastique. La première partie est en cela assez réussie, entre onirisme et énigme, avec cette ado qui semble parler à quelqu'un quand elle nage épiée par un Bastien tout en émoi du haut de ses 13 ans. Malheureusement, petit à petit la légende prend de moins en moins d'importance, la réalisatrice s'attarde de moins en moins sur les paysages, sur les temps suspendus, les instants énigmatiques s'estompent jusqu'à disparaître et finalement on arrive à une chronique estivale sur les amours adolescentes classiques et sans réelles surprises. On constate que la dimension autour de la légende n'était qu'un prétexte ou une sorte de mise en bouche d'où une petite déception voir de frustration. L'acte final est attendu car logique vu le speech et la bande-annonce, mais son côté "accidentel" atténue la portée du geste et l'importance du lien entre les sentiments et la légende. Néanmoins, si on accepte la chronique adolescente Charlotte Le Bon signe un joli film sur les premiers émois exception faîte de quelques passages qui restent peu crédibles (du mal à croire qu'une ado de 16 ans soit si "libérée" avec un "petit de 13 ans). Le climax est très bon, avec un magnifique travail autour du lac et de la forêt, une jolie photographie et deux belles révélations, pour au final un teen movie séduisant mais qui ne tient pas ses promesses de genre.

Note :