© 1985 - Columbia Pictures
Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'œuvres de la Hammer que des pépites du cinéma bis transalpin, en passant par les slashers des 70's/80's (et même les plus récents); mais surtout montrer un brin la richesse des cinémas fantastique et horrifique aussi abondant qu'ils sont passionnant à décortiquer. Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !#82. Vampire, vous avez dit vampire ? de Tom Holland (1985)
Il est logique qu’un film transpire l’époque de sa date de conception. C’est évidemment le cas de Vampire, vous avez dit vampire ?, sorti sous le titre VO de Fright Night. Pourtant, bien que sa nature d’œuvre des 80’s participe à sa réussite et son intérêt artistique, il y a quelque chose de fascinant à voir ce qu’il apporte encore de moderne au mythe vampirique et à son idée du regard spectatoriel, quelque chose qui se ressent beaucoup moins dans son remake sorti en 2011. Rien que le début du film amène cette idée du regard de l’audience avec cette entrée par la fenêtre d’une chambre d’adolescent. Alors que la télévision diffuse une série B fantastique à base de vampires, un couple s’embrasse et se bécote. De là naît déjà une opposition entre cinéma de genre et teen movie, deux domaines qui vont inévitablement se rencontrer au vu du propos du long-métrage.
Mais revenons à cette ouverture : le passage par la fenêtre peut être vu comme l’entrée dans un monde de fiction, étant donné la possibilité de regard amené. Cela reviendra d’ailleurs très rapidement quand notre héros, Charlie, va d’abord observer en plongée l’arrivée de son voisin en cercueil puis sa rencontre, sur un même niveau d’égalité dans le choix du plan. Cette décision va créer une opposition entre ce voisin trop charmant pour ne pas être dangereux et Charlie par leur rapport même à la sexualité. Le premier est dans une maîtrise totale de sa sensualité et de son charisme, bien aidé par la prestation de Chris Sarandon, tandis que le second est dans le tiraillement inconscient entre une fascination télévisuelle quasi enfantine et les injonctions envers sa copine pour passer à l’acte.
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Des oppositions de style, il y en aura fréquemment, notamment dans les relations établies entre les personnages, comme une forme de dualité constante qui renforce l’idée de pair qui va se dessiner encore et encore, aussi bien dans ses tonalités que dans son écriture globale. Il faut dire que le long-métrage de Tom Holland arrive à convoquer une véritable optique horrifique avec un ton comique qui ferait croire à la légèreté de l’ensemble. Ceci n’est qu’illusion car derrière l’humour efficace se cache une violence peu surprenante quand on constate le sérieux de l’approche horrifique. Il est à voir un amour sincère porté pour le cinéma vampirique dans sa réappropriation des codes sans les moquer alors même que le postmodernisme 90’s approche. Ainsi, si le film est sincèrement drôle, ce n’est jamais au détriment de sa mythologie fantastique, Jerry constituant un véritable danger quasi animal, prédateur nocturne auquel il est impossible de s’échapper.
Là encore se dessine une crainte d’un âge adulte qui repousse constamment le fantastique sous prétexte de son impossibilité. De cela, Vampire, vous avez dit vampire ? se dresse comme un récit de frustration justifié par sa nature de teen movie : frustration de la sexualité, de ne pas être compris par les adultes ou de voir la personne qu’on aime se comporter de façon puérile. Il faudra donc que la fiction traverse l’écran pour pouvoir régler le problème par le biais du personnage génial qu’est Peter Vincent. Derrière le chasseur de vampire se cache un acteur médiocre qui aura connu le renvoi entre temps. Pourtant, c’est en réendossant son costume mais dans un réel que ce dernier connaîtra son accomplissement, le faux héros et vrai loser devenant la solution par son rôle de cinéma. La bonhommie de Roddy McDowall apporte alors une vraie affection à ce protagoniste qui finira par réintégrer avec bonheur le domaine de la fiction.
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Dans cette ambivalence naît alors le cœur d’un long-métrage fantastique en tous points au vu de l’amour qui se dégage de la part de Tom Holland dans chacun de ses plans. Rieur mais jamais moqueur, le réalisateur de Jeu d’enfant apporte une vraie affection dans tous les aspects de son film, véritable lettre d’amour à la cinéphilie et la fiction tout en fonctionnant justement par son traitement du réel. Il ressort alors de ce Vampire, vous avez dit vampire ? la satisfaction de l’œuvre qui aime aussi bien ses personnages que son audience, tout en n’hésitant pas à faire un mélange homogène des codes du fantastique et du teen movie. Le tout est toujours aussi réussi, transpirant bon les 80’s sans jamais tomber dans le ringard du regard condescendant amené par d’autres productions du genre bien moins sincères dans leurs intentions.
Liam Debruel