Mort du réalisateur Carlos Saura

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Apprenons la mort d'un des plus grands réalisateurs espagnols, Carlos Saura survenu ce jour du 10 février à l'âge de 91 ans.

Né en 1932 à Huesca, le jeune Carlos Saura Atarès est le fils d'une mère pianiste et d'un père avocat pour le ministère de l'Intérieur. Il a quatre frère et soeurs dont l'ainé, Antonio qui deviendra un célèbre peintre expressionniste. La famille déménage à Barcelone. L'enfance de Carlos est surtout marquée par la Guerre civile (36-39) dont il se souviendra pour ses films, alliant souvent des jeux d'enfants ou des chansons aux tragédies de l'époque. Les enfants reçoivent une éducation libérale très ouverte sur le monde, ils apprennent à lire avec un parent prêtre protégé par les parents des anticléricaux. À la fin de la guerre en 39 il est envoyé chez des parents à Huesca où il reçoit a contrario une éducation de droite cléricale qui va à l'encontre de la tolérance inculquée par ses parents. Carlos Saura réalisateur se souviendra aussi de cette période pour nourrir ses films. Il rejoint ensuite sa famille qui par le travail du père déménage plusieurs fois, dont Valence puis Madrid en 1953.

Il est alors étudiant en cinéma et signe ses premiers courts métrages avec "El Pequeno Rio Manzanares" (1956) et "Après-Midi de Dimanche" (1957). Il obtient son diplôme de réalisateur de l'Institut de Recherches et d'Etudes cinématographiques en 1957 et en devient aussitôt professeur jusqu'en 1963 tout en signant un premier court métrage documentaire avec "Cuenca" (1958), puis son premier long métrage avec "Les Voyous" (1962 - ci-dessous) sur de jeunes délinquants à Madrid.

Il quitte alors son poste de prof et se lance dans un film plus ambitieux avec "La Charge des Brigands" (1964 - ci-dessous) ou "Les Bandits" où il situe son histoire dans l'Espagne après la défaite de Napoléon. Mais c'est avec "La Chasse" (1966) où trois amis vont se revoir après la Guerre civile avec les rancoeurs qui vont avec, le film est bien accueilli et reçoit l'Ours d'Argent du meilleur film au Festival de Berlin 1966.

Après ce succès le réalisateur réitère avec un second Ours d'Argent pour "Peppermint Frappé" (1967 - ci-dessous) avec Géraldine Chaplin dans le rôle principal dont le cinéaste va tomber amoureux. Devenu amant et logiquement sa muse ils enchaînent avec "Stress es Tres Tres" (1968), "La Madriguera" (1969), "Le Jardin des Délices" (1970) dans lequel l'actrice est en simple apparition non créditée, et "Anna et les Loups" (1972).

Ses premiers films montrent un réalisateur assez intelligent pour critiquer l'aristocratie franquiste tout en évitant la censure, grâce au symbolisme ambiant et aux allusions politiques plus ou moins fortes.

Il poursuit avec "La Cousine Angélique" (1974 - ci-dessous) sans sa muse Géraldine Chaplin (ci-dessus) qui accouche de leur enfant ce qui ne l'empêche pas de recevoir le Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes 1974. L'actrice revient au premier avec "Cria Cuervos" (1976) pour de nouveau être lauréat du Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes 1976, "Elisa, mon Amour" (1977), "Les Yeux Bandés" (1978) et "Maman a Cent Ans" (1979) nommé à l'Oscar du meilleur film étranger qui est une suite de "Anna et les Loups" (1972).

La fin des années 70 est un tournant, d'abord Carlos Saura et Géraldine Chaplin se sépare, puis arrive la fin de la fin de la dictature franquiste qui ouvre la voie à de nouvelles libertés mais pas que, c'est ainsi qu'il tourne "Vivre Vite !" (1981 - ci-dessous) sur une jeunesse qui perd ses repères pour lequel il obtient l'Ours d'Or au Festival de Berlin.

Il tourne ensuite "Noces de Sang" (1981) sur le thème du flamenco, enchaîne avec "Doux Moments du Passé (1982) et surtout "Antonieta" (1982 - ci-dessous) avec Isabelle Adjani et Hanna Schygulla qui confirme une chose, c'est que désormais Carlos Saura s'ouvre à d'autres horizons, ses films peuvent aussi raconter autre chose que la dictature franquiste.

Il signe ensuite "Carmen" (1983 - ci-dessous) qui s'avère suivre le fil conducteur du flamenco avec une seconde nomination à l'Oscar du meilleur film étranger, puis tourne "Los Zancos" (1984) avec Laura Del Sol et Antonio Banderas, puis tourne "L'Amour Sorcier" (1986) qui clôt ce qui est dénommé ensuite comme sa "trilogie flamenca".

Il tourne ensuite "El Dorado" (1988 - ci-dessous) qui n'est que sa vision sur les événements déjà porté sur grand écran avec le chef d'oeuvre "Aguirre la Colère de Dieu" (1972) de Werner Herzog avant de clôturer les années 80 avec un biopic sur le mystique Jean de la Croix avec "La Nuit Obscure" (1989).

Les années 90 débutent fort avec "Ay, Carmela !" (1990 - ci-dessous) qui fait une razzia au Goya (équivalent espagnol des Césars ou Oscars) avec pas moins de 13 statuettes. Le réalisateur est toujours aussi prolifique et enchaîne les tournages et les genres avec "El Sur" (1992), un documentaire pour les Jeux Olympiques de Barcelone "Marathon" (1992), deux documentaires sur le flamenco "Sevillanas" (1992) et "Flamenco" (1995), avec entre temps la fiction "Les Voyous" (1993) sur lequel il retrouve Antonio Banderas...

Il tourne ensuite "Taxi de Noche" (1996) sur des taxis justiciers racistes, "Pajarico" (1997 - ci-dessous) fable sur un enfant qui découvre la complexité des adultes, "Tango" (1998) avec une nouvelle nomination à l'Oscar du meilleur film étranger, et un biopic sur le célèbre peintre dans "Goya à Bordeaux" (1999).

L'année 2000 est un nouveau tournant, le réalisateur si prolifique (quasiment 1 film par an) ralenti fortement la cadence. Il signe une fable surréaliste avec "Bunuel et la Table du Roi salomon" (2001 - ci-dessous) où le cinéaste Luis Bunuel, le peintre Salvador Dali et le poète Federico Garcia Lorca recherchent la fameuse Table qui permettrait de voir le passé, le présent et l'avenir.

Il retourne au flamenco avec un film qui revisite le mythe de "Salomé" (2002), il s'inspire d'un fait divers sanglant avec "Le Septième Jour" (2004), puis il signe un film musical dansé avec "Iberia" (2005), et une fois n'est pas coutume il trahit le flamenco pour un autre film musical sur "Fados" (2007 - ci-dessous) sur la danse du fado.

Il revient sur une oeuvre mythique avec "Don Giovanni, Naissance d'un Opéra" (2010), revient encore et toujours à la danse avec "Flamenco Flamenco" (2010) ou "Beyond Flamenco" (2016), signe aussi des courts métrages, tourne encore plusieurs longs métrages restés plus confidentiels sur sa fin de carrière avec "Argentina" (2015), "Le Roi du Monde" (2021) et son ultime oeuvre "Las Paredes Hablan" (2022).

Le réalisateur a également écrit, la plupart de ses scénarios d'abord, mais aussi des oeuvres littéraires dans sa dernière partie de carrière comme les romans "Esa Luz !" (2000) et "Elisa, Vida Mia" (2004), un livre d'art "Flamenco" (2004) ou un livre de photographies "Fotografo, Anos de Juventud (1949-1962)" (2000).

L'artiste a d'abord été marié avec l'actrice Adela Medrano (deux enfants en 1958 et 1960), puis a été longtemps avec Géraldine Chaplin (un enfant en 1974), s'est remarié avec Mercedes Pérez (trois enfants en 1980, 1984 et 1987) puis un 3ème mariage avec la réalisatrice Eulalia Ramon (un enfant en 1994).

Carlos Saura aura été un des meilleurs représentants du cinéma espagnol durant plus de 6 décennies, un artiste majeur qui a créé le lien entre la dictature franquiste et l'Espagne moderne.

Carlos Saura est mort ce jour du vendredi 10 février 2023 à Madrid à l'âge de 91 ans.