Ce film revient sur un fait divers qui est devenu ce qui est sans doute l'événement tragique et fondateur du Mouvement pour les Droits Civiques aux Etats-Unis, à savoir le calvaire de Emmett Till (Tout savoir ICI !). Il est d'ailleurs assez incroyable que ce drame atroce n'est pas encore été porté à l'écran tant ce meurtre a marqué son époque et que son importance aussi bien culturelle que judiciaire est majeur ; d'ailleurs précisons qu'en cette année 2022 la loi fédérale américaine interdisant le lynchage a été nommée "Emmett Till Antilynching Act" en mémoire du jeune ado. On peut pourtant noter la coïncidence que ce film sort à la même période que la série TV "Women of the Movement" (2022) qui retrace aussi le parcours de Mamie Till en tant qu'activiste pour les Droits Civiques. Le film est justement adapté de la biographie de Mamie Tiil, la maman de la victime, "Death of Innocence : the Story of the Hate Crime that Changed America" (2003) de Mamie Till, ainsi que sur la pièce de théâtre qui en est tirée "The Face of Emmett Till" (2003). En 2015, la productrice-actrice Whoopi Goldberg annonce le lancement du projet, et précisons qu'on trouve aussi à la production une certaine Barbara Broccoli, productrice de la saga 007 lancé par son père qu'elle a repris avec "Tuer n'est pas Jouer" (1987) de John Glen. Le scénario a été écrit par Michael JP Reilly qui est surtout producteur de quelques séries TV et courts métrages, et surtout par Keith Beauchamp qui connaît bien le sujet pour avoir déjà signé le documentaire "The Untold Story of Emmett Louis Till" (2005). Le film est dirigé par réalisatrice nigérianne Chinonye Chukwu à laquelle on doit les films méconnu chez nous "AlaskaLand" (2012) et "Clemency" (2019)... Jeune veuve élevant seul son fils de 14 ans, Mamie Till est l'unique femme noire à travailler pour l'US Air Force à Chicago. Elle envoie son fils en vacances dans la famille au Missisippi en insistant bien sur le fait de faire attention à son comportement dans un état ségrégationniste mais Mamie Till ne reverra jamais son enfant. Elle apprend que son fils a été lynché et assassiné de manière atroce parce qu'il aurait dragué ou peut-être sifflé une jeune femme blanche. Le visage de son fils Emmett est si déformé par les coups qu'il a reçu que Mamie Till décide d'ouvrir le cercueil lors de ses funérailles : "Je voulais que le monde voit ce qu'ils ont fait à mon bébé."...
Mamie Till est incarnée par Danielle Deadwyler assez méconnue mais vue dans plusieurs séries TV et récemment dans le film "The Harder they Fall" (2021) de Jeymes Samuel tandis que son fils est joué par le jeune Jalyn Hall remarqué dans la série TV "All American" (2018-...) et vu depuis dans "All Day and a Night" (2021) de Joe Robert Cole et "La Voie Rebelle" (2021) de Nabil Elderkin. N'oublions pas une productrice engagée qui s'octroie un petit rôle, la star Whoopi Goldberg révélée dans le chef d'oeuvre "La Couleur Pourpre" (1985) de Steven Spielberg, au sommet du box-office avec "Ghost" (1990) de Jerry Zucker et "Sister Ac" (1992) de Emile Ardolino, mais qui est en traversée du désert depuis des années et qu'on n'avait d'ailleurs plus vu sur grand écran depuis "Pas si Folle" (2018) de Tyler Perry. Citons Frankie Faison vu dans "6ème Sens" (1986) de Michael Mann, "Un Prince à New-York" (1988) de John Landis ou "Mississippi Burning" (1989) de Alan Parker, et qui retrouve après "Do the Right Thing" (1989) de Spike Lee son partenaire Roger Guenveur Smith vu notamment dans "American Gangster" (2007) de Ridley Scott et "The Birth of a Nation" (2016) de et avec Nate Parker mais surtout acteur fétiche de Spike Lee jusqu'au rôle principal de "Rodney King" (2017) de Spike Lee, Jayme Lawson remarquée coup sur coup dans "The Batman" (2022) de Matt Reeves et "The Woman King" (2022) de Gina Prince-Bythewood, Kevin Carroll aperçu dans de nombreuses séries TV et vu sur grand écran entre autre dans "Blindspotting" (2018) de Carlos Lopez Estrada, Sean Patrick Thomas vu entre autre dans "Sexe Intentions" (1999) de Roger Kumble, "Save the Last Dance" (2001) de Thomas Carter, "The Fountain" (2006) de Darren Aronofsky, "La Malédiction de la Dame Blanche" (2019) de Michael Chaves ou "The Tragedy of Macbeth" (2022) de Joel Coen, John Douglas Thompson vu dans "Jason Bourne : l'Héritage" (2012) de Tony Gilroy, "A Most Violent Year" (2014) de J.C. Chandor ou "355" (2021) de Simon Kinberg, et enfin Tosin Tole vu dans "Conspiracy" (2017) de Michael Apted et "Burning Sands" (2019) de Gerard McMurray, puis n'oublions pas une des rares "blanches" au casting, l'actrice Haley Bennett vue entre autre dans "Kaboom" (2009) de Gregg Araki, "Les Sept Mercenaires" (2016) de Antoine Fuqua, "Swallow" (2019) de Carlo Mirabella-Davis ou "Cyrano" (2021) de Joe Wright... Le film débute à Chicago, sorte de paradis américain vis à vis du Mississippi, état sudiste recordman des lynchages. Une partie pré-vacances où on nous montre un Emmett ado idéal, un vrai petit ange ce qui n'est pas si vrai si on reprend quelques détails racontés par ses propres cousins lors de l'incident de l'épicerie. Mais surtout le film insiste sur la peur de la maman de l'envoyer dans le sud, au point même que cela insinue une certaine prémonition de la maman qui n'est pas sereine. Cette prémonition n'est pas franchement pertinente. Une première partie un peu longue qui prépare à notre empathie tant cet Emmett est adorable.
Entre Emmett, et l'incident lui-même, on constate que le film occulte quelques détails qui n'en sont pas pour un tel récit, par exemple Emmett aurait été bègue (ce qui aurait pu expliquer une mauvaise compréhension de l'épicière), à l'inverse d'où sort l'éventuelle ressemblance de la commerçante avec une star de ciné ?! Les pompes funèbres ont refusé d'ouvrir le cercueil obligeant la mère à retirer les clous elle-même, ou le fait que le passé du père Till (condamné à mort pour des meurtres et viols de femmes italiennes à la fin de la Seconde Guerre Mondiale) ait assurément influencé le jury. Le meurtre en lui-même reste hors champs, judicieux si on pense qu'il reste des zones d'ombres, retire pourtant au film la dimension d'horreur du lynchage (dixit mon fiston !). Le film ne s'attarde pas sur l'incident ou le meurtre, et préfère s'appliquer à montre le courage et la dignité d'une mère, la récupération politique par le NAACP qui voit là une occasion de bouger les lignes, et surtout la portée essentielle du drame, mais aussi de l'action de la mère pour réveiller les consciences. La reconstitution est soignée, le scénario reste fidèle dans les grandes lignes de cette histoire aussi déchirante qu'effrayante, et on peut noter la performance respectueuse de Danielle Deadwyler. Malgré un Emmett un peu trop angelot cela reste un film hommage solide et nécessaire à conseiller.
Note :
14/20Pour info bonus, Note de mon fils de 13 ans :
13/20