À l'Ouest Rien de NOuveau (2022) de Edward Berger

Après le téléfilm (1979) de Delbert Mann, le film originel éponyme "À l'Ouest Rien de Nouveau" (1930) de Lewis Milestone, voici une troisième adaptation du fameux roman (1929) de Erich Maria Remarque, une oeuvre qui malgré son succès verra le film de 1930 censuré en Allemagne, et le livre victime d'un autodafé en 1933 tandis que l'auteur devra fuir en Suisse dès 1932. Cette fois, après deux adaptations américaines, il s'agit d'une co-production américaine, britannique et à majorité allemande comme si cette fois l'Allemagne était prête. Néanmoins, le film reste siglé Netflix. Ainsi la grande majorité de l'équipe devant et derrière la caméra est allemande, en premier lieu le réalisateur Edward Berger dont c'est le 5ème long métrage  après entre autre "Gomez - Kopf Oder Zahl" (1998) et "Jack" (2014). Il co-signe le scénario avec deux américains Lesley Paterson et Ian Stokell, ces deux hommes se connaissant bien puisque le premier à produit les deux courts réalisés par le second, "The Bike Ride" (2004) et "The Negociation" (2005). Le film a reçu un très bon accueil au point de représenter l'Allemagne pour l'Oscar du meilleur film étranger mais aussi nommé à l'Oscar du meilleur film grâce à la co-production... 1917, Paul Bäumer imite la signature de son père pour pouvoir s'engager avec ses camarades pour le front. Presque euphoriques, près à aller combattre les français, ils s'aperçoivent vite que la réalité du front n'a rien à voir avec ce qu'ils s'imaginaient. Le courage et l'enthousiasme laisse vite place à la peur, à l'épouvante et au désespoir...

À l'Ouest Rien de NOuveau (2022) de Edward Berger

Cette version laisse une place de choix à un événement en parallèle, à savoir les coulisses de l'Armistice du 11 novembre 2018 (Tout savoir ICI !) qui se déroule dan un train à Compiègne. Ainsi, le premier rôle officiel est Matthias Erzberger, diplomate allemand qui sera assassiné en 1921 par vengeance par des ex-militaires d'extrême-droite  incarné par la star Daniel Brühl qui retrouve la même époque franco-allemande que dans "Joyeux Noël" (2005) de Christian Carion et même récemment et dans un tout autre genre avec "The King's Man : Première Mission" (2022) de Matthew Vaughn. Mais de fait, le rôle principal reste bel et bien Paul Bäumer incarné par Felix Kammener dans son premier rôle après avoir impressionné durant plusieurs mois d'audition le producteur Malte Grunert. Parmi ses camarades citons l'acteur Albrecht Schuch vu dans "Paula" (2016) de Christian Schowchow ou "Berlin Alexanderplatz" (2020) de Burhan Qurbani, Moritz Klaus surtout connu outre-Rhin pour la série TV "Post-Mortem" (2007-...), Aaron Hilmer vu dans "Les Ferrailleurs" (2016) de Max Zähle et dans la série TV "le Dernier Mot" (2020-...), Edin Hasanovic vu dans "L'Étrangère" (2011) de Feo Aladag, "Sarajevo" (2014) de Andreas Prochaska ou "Herbert" (2021) de et avec Thomas Stuber. Vu l'importance de l'Armistice, n'oublions pas le général belliciste interprété par Devid Striesow vu entre autre dans "Le Perroquet Rouge" (2006) de Dominik Graf, "Les Faussaires" (2007) de Stefan Ruzowitsky ou "Le Temps des Cannibales" (2014) de Johannes Naber, puis le Maréchal Foch incarnépar le frenchy Thibault de Montalembert vu ces dernières années dans "Le Portrait Interdit" (2016) de Charles de Meaux, "Le Roi" (2019) de David Michôd ou "Miss" (2020) de Ruben Alves... Premier constat, ce film est bien moins fidèle au livre que la version (1930), si par certains côtés il montre d'autres facettes de la guerre il en perd l'essence même du livre. La dimension pacifiste est ainsi atténuée. D'abord ici la partie scolaire et le discours "fondateur" du prof est complètement occulté ce qui reste problématique car retire tout un message essentiel du livre (pour en savoir plus voir l'article sur le film de 1930 ICI !). Dans cette version il est fait un autre choix comme entrée en matière, une partie qui nous fait irrémédiablement penser à ce qui se passera une génération après dans les Camps de concentration nazis. Les jeunes soldats sont tout aussi enthousiastes que leurs aînés l'étaient au moment de partir en 1914, on retrouve ensuite tout ce qui fait l'apprentissage du front. Des jeunes qui soudain s'aperçoivent des horreurs de la guerre, que tuer n'est pas un jeu ni même facile, que si il y a la violence inhérente à la guerre il y a aussi la boue, le sang, le froid, la faim et aussi le fait qu'on meurt sans avoir connu l'amour.

À l'Ouest Rien de NOuveau (2022) de Edward Berger

Mais on constate encore que cette adaptation occulte tout un pan du livre qui a pourtant son importance, ainsi toute les parties familiales et/ou de permission sont ici absentes alors qu'elles sont essentielles pour soutenir le propos et le message comme l'incompréhension de ceux qui sont restés à l'arrière, sans compter lorsque Paul revoir son prof après plus de deux ans au front remettant en cause les références morales inculquées. Plusieurs morts emblématiques sont aussi modifiés comme une amputation ou un gazage qui n'en sont plus ici ; mais sur cela pourquoi pas ?! Par là même, le film donne une importance non négligeable à la partie "Armistice", qui est malheureusement faussée, montrant un Foch aussi dur et irrespectueux que le sont les conditions de l'Armistice ce qui est erroné. La scène suggère dans le même temps que toutes ces conditions sont dictées par les français. Faux, ces conditions étaient celles des alliés et Foch était entouré de représentants américains et britanniques. Et enfin, l'Armistice ne signe pas la fin de la guerre, il ne s'agit que d'une trêve, un cessez-le-feu qui sera prolongé trois fois avant le Traité de Versailles en 1919. On sent donc une volonté politique derrière cette nouvelle adaptation ce qui nuit forcément au message pacifiste originel du livre. Heureusement, le reste est assez marquant. Une reconstitution forte et réaliste des tranchées, qui ne fait pas les mêmes erreurs un peu bêtes de "1917" (2019) de Sam Mendes malgré quelques détails comme les chars français qui ne ressemblent en rien à ce qu'on aurait dû voir, soir le le FT-17 surnommé dit "char de la victoire". Le réalisme est glaçant ce qui est bien appuyé aussi par une photographie cohérente, aux couleurs froides qui permet de ressentir la crasse, les odeurs. Gros point aussi pour les scènes de combat efficaces qui montrent les atrocités comme les absurdités d'un bourbier pareil. Notons la belle révélation de Felix Kammener, dont le visage sur certains plans nous font penser à ce qu'aurait pu être l'enfant du chef d'oeuvre "Requiem pour un Massacre" (1985) de Elem Klimov. Cette nouvelle adaptation ne manque donc pas de qualités, ça reste un très bon film de guerre mais il est dommage que certains passages "obligés" soit occultés ou que d'autres soient si maladroits vis à vis de certaines vérités. Un film à conseiller même si on lui préférera la version (1930). 

Note :  

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15/20