[CRITIQUE] : Animals

[CRITIQUE] : AnimalsRéalisateur : Nabil Ben Yadir
Acteurs : Soufiane Chilah, Gianni Guettaf, Vincent Overath,...
Budget : -
Distributeur : JHR Films
Genre : Drame, Policier.
Nationalité : Belge.
Durée : 1h32min
Synopsis :
Brahim est un jeune homme, la joie de vivre de sa mère. Un jour il trouvera l'amour de sa vie. il deviendra père de famille et les rendra tous fiers. Un jour, il sera mûr et comblé. Un jour...

Critique :

Dans l'ombre de Gaspar Noé,#Animals questionne avec + où - d'adresse autant les racines de l'escalade d'une violence sans limite qui se banalise dans notre quotidien, que la manière de la représenter au sein d'un 7ème art qui prend (souvent) les contours d'un miroir de son époque pic.twitter.com/IndEcYrspE

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) February 19, 2023

Tout part d'un fait divers sordide comme on en voit pourtant de plus en plus, et pas uniquement dans le cadre limité de nos propres frontières - la preuve, on est ici sur une tragédie se déroulant chez nos voisins belges.
Celui de l'assassinat brutal et homophobe de Ihsane Jarfi, un belge musulman de trente-deux ans kidnappé, torturé, violé et finalement mort suite de ses nombreuses blessures et sévices à Liège en 2012, tué par quatre jeunes hommes pour la simple raison de son orientation sexuelle.
Si la réalité a plus où moins rendu justice à sa famille (ils furent tous condamnés, trois à la réclusion à perpétuité et le quatrième à trente ans d'emprisonnement), le réalisateur et scénariste Nabil Ben Yadir lui, décide avec Animals d'en faire un long-métrage pour ne pas que le spectateur, finalement baigné dans une décrépitude sociétale quotidienne (mais surtout une banalisation effrayante de la violence, et encore plus à une époque où les féminicides s'enchaînent à une cadence infernale), n'oublie pas l'horreur de ce crime monstrueux et abject tant il le catapulte au plus près de ce déchaînement de haine et d'hyper-violence proprement insoutenable, parfois même beaucoup trop, aussi louables soient ses intentions.

[CRITIQUE] : Animals

Copyright JHR Films


Scindé en trois parties bien distinctes dont la tension grimpe crescendo, la caméra reste continuellement vissée sur son personnage vedette, Brahim (les noms ont été évidemment changés), dont les longs et immersifs plans-séquences introductifs au coeur d'une soirée d'anniversaire - celui de sa mère - viennent laisser poindre la vérité d'un rejet des siens face à son homosexualité pourtant cachée, alors qu'il espérait leur permettre de faire connaissance avec son compagnon, Thomas, qui manque à l'appel.
La seconde partie, plonge frontalement dans le funeste et douloureux destin qui l'attend lui qui, après avoir pris la défense d'une jeune femme agressée par quatre jeunes hommes, devient leur cible dont l'hystérie barbare est décuplée lorsqu'ils ont connaissance de son homosexualité.
Et c'est là que le cinéaste justifie son entreprise en filmant, sans complaisance (quittant le format 4:3 pour des plans capturés à l'Iphone, pour renforcer le réalisme de la situation), le calvaire de Brahim commençant d'une façon physiquement " inoffensive " (des commentaires condescendants et insultants) avant de basculer dans un déchaînement incontrôlable où le spectateur n'est privé en rien de la cruauté des faits.
Sa dernière partie, sans doute plus discutable mais pas moins évocatrice (pertinente même pour l'architecture du puzzle qu'incarne le film), suit d'une manière similaire à Brahim le plus jeune des bourreau, Loic, dont la présence au remariage de son père avec un autre homme, viendrait laisser poindre un motif - dégueulasse, évidemment - à son crime de la veille et à sa déshumanisation croissante (un éclairage controversé il est vrai sur ce qui serait, en partie, le fruit d'une incompréhension père-fils jamais résolue, le plaçant lui aussi dès lors comme une victime).

[CRITIQUE] : Animals

Copyright JHR Films


Continuellement dans les pas d'un Gaspar Noé dont le puissant Irréversible reviendra souvent en tête, Animals questionne avec plus où moins d'adresse autant les racines de l'escalade d'une spirale haineuse et violente sans limite qui semble se banaliser dans notre quotidien, que la manière de la représenter au coeur d'un septième art qui prend souvent les contours d'un miroir de son époque et/où d'un instant T.
Doit-on tout montrer dans une salle obscure, quitte à se perdre parfois dans un hyper-réalisme complaisant ? Où doit-on préserver un spectateur qui est confronté au pire tous les jours ?
Chacun est libre de voir ce dont il a envie, mais ne pas fermer les yeux sur une telle oeuvre démontre que l'on est ouvert à l'idée de voir ce qu'est le monde d'aujourd'hui, dans toute sa violence, sa haine et sa masculinité  toxique constante.
Impitoyable et insoutenable autant qu'il peut paraître moralement douteux dans son dernier tiers, Animals n'est définitivement pas fait pour tout le monde dans sa reconstitution de l'horreur même si son fond lui, est d'une puissance et d'une importance capitale.
Jonathan Chevrier
[CRITIQUE] : Animals