Voilà un petit bijou du cinéma indé’ américain, taillé pour les festivals, mais d’une originalité, douceur et mélancolie folle. L’écossaise Charlotte Wells, sans faire une autobiographie, a été puisée dans son histoire personnelle et la relation à son père pour écrire ce film époustouflant. Une jeune femme, dont on apprend très vite qu’elle vivait loin de son père, se remémore ce qui semble ses derniers moments avec son père ; elle avait 11 ans, et c’était lors d’une semaine de vacances estivale en Turquie. Pourquoi ce père a ensuite disparu de la circulation alors que leur relation semble si harmonieuse ? Mystère… pas tant que cela, car si rien ne sera dit frontalement, ce film est même justement économe en dialogue, on va comprendre par petites touches qui était ce père. Cette économie de paroles est judicieuse, puisque le parti pris de la réalisatrice est de nous faire plonger dans la mémoire de cette femme récemment devenue mère. A ce moment charnière de sa propre vie, sa relation paternelle ressurgit dans sa mémoire ; on la devine très vite complexe voire traumatisante. Quelle réussite de la réalisatrice de se mettre dans la peau de la fille qu’elle était à l’époque, comme si c’était la fille de 11 ans qui avait réalisé le film !!! En aparté, pourquoi faire de la jeune femme, une mère homosexuelle ? On ne voit pas ce que cela apporte, juste de la confusion par rapport au thème principal.
Ce film est donc centré sur les souvenirs ; et les souvenirs de nos 11 ans à 30 ans, peuvent être parcellaires, orientés ; mais ce sont toujours des sensations. Et c’est bien là où le film est un uppercut ; il s’intéresse plus à la perception, via des instantanés enchainés faisant récit, qu’à un script fourni. La mise en scène faite d’ellipses et le montage maitrisé donne une étrangeté, parfois cotonneuse comme notre mémoire à long terme, qui nous fait plonger dans des songes. Et d’hypothèses sur l’état de ce père, on finira par en avoir une image précise à la fin d’un film poignant et plein d’émotion mais jusqu’au bout plein de pudeur. Une douce mélancolie.
Un joli film très atypique dont on sort très ému ; faut-il malgré tout pouvoir entrer dans cette narration si particulière.
Sorti en 2023
Ma note: 16/20