Passé quasi inaperçu, on apprend un peu tard la mort du réalisateur Michel Deville qui nous a quitté ce 16 février 2023 à 91 ans.
Né en 1931 est le fils d'un patron d'une petite usine de poterie de jardin dont il a hérité à Boulogne-Billancourt. La famille vit dans une maison attenante à cette petite usine, le jeune Michel Deville va y grandir et y vivra toute sa vie.
Habitant non loin des studios de cinéma il trouve quelques petits jobs sur des tournages et grimpe les échelons petit à petit notamment sur les films de Henri Decoin jusqu'à devenir son 1er assitant-réalisateur de "Les Amants de Tolède" (1952) à "La Chatte" (1958) en passant par "Razzia sur la Chnouf" (1955).
Il se lance dans son premier film avec "Une Balle dans le Canon" (1958) co-réalisé avec Charles Gérard qui sera surtout connu comme un second couteau souvent aux côtés notamment de Belmondo. Il décide de faire cavalier seul et fonde sa propre société de production Éléfilm en 1961 et signe son premier long métrage en solo "Ce Soir eu Jamais" (1961 - ci-dessous) qu'il co-écrit avec Nina Companeez.
C'est une longue décennie de collaboration entre Deville et Companeez. Ils enchaînent avec "Adorable Menteuse" (1962 - ci-dessous) avec Marina Vlady et Macha Méril, "À Cause, à Cause d'une Femme" (1963) et "L'Appartement des Filles" (1963) tous deux avec Mylène Demongeot, puis "Lucky Jo" (1964), des films qui tranchent avec les productions de l'époque de par leur style une peu suranné, de marivaudage fantaisiste et léger jusqu'au maniérisme mais toutefois bien reçu par la critique comme par le public.
Les deux artistes continuent avec "On a Volé la Joconde" (1966) ou "Bye Bye, Barbara" (1969) mais surtout ils signent une trilogie qui va donner ses lettres de noblesse à leur art, entre élégance et finesse avec un soupçon d'"érotico-soft" avec des titres évocateurs "Benjamin ou les Mémoires d'un Puceau" (1968) avec Michèle Morgan qui reçoit le Prix Louis-Delluc 1967, Michel Piccoli et Catherine Deneuve, "L'Ours et la Poupée" (1970) avec Brigitte Bardot et Jean-Pierre Cassel puis enfin "Raphaël ou le Débauché" (1971 - ci-dessous) avec Françoise Fabian, Maurice Ronet et Brigitte Fossey.
Malgré le succès de cette trilogie, ce dernier film signe la dernière collaboration entre Deville et Nina Companeez qui se lance de son côté à la réalisation. Le réalisateur revient avec une histoire de Leo L. Fuchs, producteur auparavant de "Un Hold-Up Extraordinaire" (1966) de Ronald Neame ou "Evasion sur Commande" (1968) de Jack Smight, qui écrit "La Femme en Bleu" (1973 - ci-dessous) donc avec Michel Piccoli et Léa Massari.
Il tourne ensuite "Le Mouton Enragé" (1974) une variation de "Bel Ami" dans les années 70 avec Jean-Lois Trintignant et Romy Schneider, réalise et écrit en solo "L'Apprenti Salaud" (1977), aborde l'espionnage avec "Le Dossier 51" (1978) tourné en caméra subjective pour lequel il reçoit le César du meilleur scénario 1979, signe "Le Voyage en Douce" (1980 - ci-dessous) avec Géraldine Chaplin et Dominique Sanda, signe le film noir "Eaux Profondes" (1981) avec Isabelle Huppert et Jean-Louis Trintignant puis "La Petite Bande" (1982) tourné sans dialogue.
A partir de 1984, il collabore avec sa nouvelle épouse, Rosalinde Deville (née Damamme) qui va devenir productrice et/ou scénariste de quasi tous ses films jusqu'à la fin. Leur premier film est le film noir "Péril en la demeure" (1985 - ci-dessous) avec Christophe Malavoy, Nicole Garcia et Michel Piccoli tourné par des enchaînement en ellipses. Michel Deville reçoit le César du meilleur réalisateur.
Suit ensuite "Le Paltoquet" (1986 - ci-dessous) entre rêve et réalité avec Piccoli une fois encore, Fanny Ardant ou Daniel Auteuil, puis "La Lectrice" (1988) avec Miou-Miou et Patrick Chesnais pour un nouveau Prix Louis-Delluc, "Nuit d'Été en Ville" (1990) avec Jean-Hugues Anglade et Marie Trintignant, "Toutes Peines Confondues" (1992) avec Patrick Bruel et Mathilda May, "Aux Petits Bonheurs" (1993) avec Anémone et Nicole Garcia, "La Divine Poursuite" (1996) avec Antoine de Caunes, Emmanuelle Seigner et Elodie Bouchez.
Cette même année il joue l'acteur dans son propre rôle dans "Le Fils de Gascogne" (1996) de Pascal Aubier.
Il tourne ensuite "La Maladie de Sachs" (1999 - ci-dessous) avec Albert Dupontel, film où on entend les pensées des protagonistes. Il tourne ensuite l'unique film sans son épouse avec "Un Monde Presque Paisible" (2002) avec un casting quatre étoiles dont Simon Abkarian, Zabou Breitman, Lubna Azabal, Denis Podalydès ou Clotilde Courau.
Puis enfin celui qui restera son dernier film, "Un Fil à la Patte" (2005), monument du vaudeville adapté de Georges Feydeau avec Emmanuelle Béart, Charles Berling et Dominique Blanc.
Avec une filmographie qu'on peut qualifier de très littéraire, on n'est pas surpris de voir le cinéaste écrire. On lui doit plusieurs recueils de poésie, de "Poèmes Zinopinés" (1972) à "Les Haïkus du Loup Hilare" (2011), mais aussi des essais, ses derniers livres étant "Prends-Moi" (2014) et "Keske tu Lis" (2016).
Michel Deville est mort à son domicile de Boulogne-Billancourt ce jeudi 16 février 2023 à l'âge de 91 ans.