Réalisatrice : Teona Strugar Mitevska
Avec : Jelena Kordić Kuret, Adnan Omerovic, Labina Mitevska, …
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Romance
Nationalité : Macédonien, Belge, Slovaque, Danois, Croate, Bosniaque.
Durée : 1h35min
Synopsis :
Sarajevo, de nos jours. Asja, 40 ans, célibataire, s’est inscrite à une journée de speed dating pour faire de nouvelles rencontres. On lui présente Zoran, un banquier de son âge. Mais Zoran ne cherche pas l’amour, il cherche le pardon.
Critique :
Dans le titre du nouveau film de Teona Strugar Mitevska, L’homme le plus heureux du monde, se niche toute l’ironie de son dispositif narratif. Alors que Asja, quarante-cinq ans, se rend à une journée pour célibataire, elle découvre que son prétendant n’est autre que celui qui lui a tiré dessus presque trente ans auparavant, lors de la guerre en Bosnie. Quand l’amertume rejoint des séquences caustiques de speed-dating, le nouveau film de la réalisatrice macédonienne ne laisse pas de marbre.
Teona Strugar Mitevska aime secouer les branches des codes sociétaux et appuyer là où ça fait mal. Son précédent long métrage, Dieu existe, son nom est Petrunya, était comme un coup de pied dans la fourmilière des traditions religieuses. Ici, son récit est moins revanchard. Inspirée par la vie de sa co-scénariste, Elma Tataragić, la réalisatrice contourne les impératifs de la fiction se basant sur des faits réels. Le public ne sait qu’à la fin du film que L’homme le plus heureux du monde ne sort pas uniquement de l’imagination des deux scénaristes. Le film joue de cela en plaçant son action dans un lieu suranné, une sorte d’hôtel grandiloquent où les salles possèdent un nom de ville européenne. Les hôtesses sont mielleuses, tirées à quatre épingles. Les activités pour célibataires sont faussement joviales et joliment à côté de la plaque. La guerre semble loin et pourtant …
La cinéaste choisit d’éviter la frontalité. Elle morcelle son héroïne pour nous la présenter. Des jambes. Des cheveux. Une bouche. Des yeux. Elle ne l’objectifie pas pourtant. Au contraire, c’est comme si elle respectait la barrière que met Asja a toutes ses interactions sociales. Elle ne regarde pas ses interlocutrices dans les yeux. Elle est presque invisible aux yeux des autres. La mise en scène privilégie des champs/contre-champs pris de côté lorsqu’elle fait face à Zoran, son date. Les questions fusent, parfois futiles, parfois trop profondes pour un premier rendez-vous, chapeautées par les hôtesses. Mais Zoran tremble. Lui aussi fuit le regard. Serait-il trop stressé par ce dispositif de dating ? Quelque chose cloche en tout cas. La caméra s’attarde trop souvent sur les couples qui les entourent. Elle s’attarde trop sur les yeux d’Asja, sur les tremblements de Zoran. Et puis, comme un bouchon de champagne sous pression, tout explose. Ou plutôt Zoran explose. Une colère qui fait tâche dans l’atmosphère bon enfant du speed-dating.
Comme un puzzle, qui se forme dans la douleur, la narration assemble ses petits bouts de récits et délivre bien plus qu’une comédie mordante sur l’industrie du célibat. L’homme le plus heureux du monde dévoile les cicatrices béantes d’une ville encore traumatisée par la guerre. Celle-ci a créé un fossé qui peine à se refermer. Les questions de religions, de nationalités, de frontières, sont au cœur des discussions, même dans un environnement de rencontres amoureuses. On se souvient encore du goût des rations. On se souvient de l’odeur après une explosion. Une mémoire qui se transmet aux générations d’après. Une mémoire qui fait rejaillir la guerre lors de flash-back aussi rapides que violents. Dans une séquence d’affrontement, Asja et Zoran rejouent la séquence traumatique. La lumière diffusée par les rideaux blancs apporte un doux contrepoint à la scène, peut-être pour montrer qu’il fallait en arriver là pour avancer. Asja et Zoran ont gâché une journée mais les personnages ont su déterrer une vérité. Que l’harmonie, apportée par les différentes activités de la journée, n’est que factice. Qu’il ne faudrait qu’un feu de paille pour embraser le chaos. Que les cicatrices de chair sont peut-être guéries, mais que celles de l’âme continuent de chercher la résilience.
L’homme le plus heureux du monde s’apparente à une valse en trois temps, rencontre, colère, absolution. Le lieu incongru de l’action couplé à l'explosion de violence quand l’amertume est trop forte en font un film imprévisible qui le sauve d’une émotion un peu en retenue. Cependant, on préfère la réalisatrice quand elle ne prend pas de gants, quand elle bouscule l’ordre établi, avec humour et ironie.
Laura Enjolvy
Avec : Jelena Kordić Kuret, Adnan Omerovic, Labina Mitevska, …
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Romance
Nationalité : Macédonien, Belge, Slovaque, Danois, Croate, Bosniaque.
Durée : 1h35min
Synopsis :
Sarajevo, de nos jours. Asja, 40 ans, célibataire, s’est inscrite à une journée de speed dating pour faire de nouvelles rencontres. On lui présente Zoran, un banquier de son âge. Mais Zoran ne cherche pas l’amour, il cherche le pardon.
Critique :
#LhommeLePlusHeureuxDuMonde s’apparente à une valse en 3 temps, rencontre, colère, absolution. Le lieu incongru de l’action couplé à l'explosion de violence quand l’amertume est trop forte en font un film imprévisible qui le sauve d’une émotion un peu en retenue. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/Ry6TRjA6nH
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) February 27, 2023
Dans le titre du nouveau film de Teona Strugar Mitevska, L’homme le plus heureux du monde, se niche toute l’ironie de son dispositif narratif. Alors que Asja, quarante-cinq ans, se rend à une journée pour célibataire, elle découvre que son prétendant n’est autre que celui qui lui a tiré dessus presque trente ans auparavant, lors de la guerre en Bosnie. Quand l’amertume rejoint des séquences caustiques de speed-dating, le nouveau film de la réalisatrice macédonienne ne laisse pas de marbre.
Copyright Pyramide Distribution
Teona Strugar Mitevska aime secouer les branches des codes sociétaux et appuyer là où ça fait mal. Son précédent long métrage, Dieu existe, son nom est Petrunya, était comme un coup de pied dans la fourmilière des traditions religieuses. Ici, son récit est moins revanchard. Inspirée par la vie de sa co-scénariste, Elma Tataragić, la réalisatrice contourne les impératifs de la fiction se basant sur des faits réels. Le public ne sait qu’à la fin du film que L’homme le plus heureux du monde ne sort pas uniquement de l’imagination des deux scénaristes. Le film joue de cela en plaçant son action dans un lieu suranné, une sorte d’hôtel grandiloquent où les salles possèdent un nom de ville européenne. Les hôtesses sont mielleuses, tirées à quatre épingles. Les activités pour célibataires sont faussement joviales et joliment à côté de la plaque. La guerre semble loin et pourtant …
La cinéaste choisit d’éviter la frontalité. Elle morcelle son héroïne pour nous la présenter. Des jambes. Des cheveux. Une bouche. Des yeux. Elle ne l’objectifie pas pourtant. Au contraire, c’est comme si elle respectait la barrière que met Asja a toutes ses interactions sociales. Elle ne regarde pas ses interlocutrices dans les yeux. Elle est presque invisible aux yeux des autres. La mise en scène privilégie des champs/contre-champs pris de côté lorsqu’elle fait face à Zoran, son date. Les questions fusent, parfois futiles, parfois trop profondes pour un premier rendez-vous, chapeautées par les hôtesses. Mais Zoran tremble. Lui aussi fuit le regard. Serait-il trop stressé par ce dispositif de dating ? Quelque chose cloche en tout cas. La caméra s’attarde trop souvent sur les couples qui les entourent. Elle s’attarde trop sur les yeux d’Asja, sur les tremblements de Zoran. Et puis, comme un bouchon de champagne sous pression, tout explose. Ou plutôt Zoran explose. Une colère qui fait tâche dans l’atmosphère bon enfant du speed-dating.
Copyright Pyramide Distribution
Comme un puzzle, qui se forme dans la douleur, la narration assemble ses petits bouts de récits et délivre bien plus qu’une comédie mordante sur l’industrie du célibat. L’homme le plus heureux du monde dévoile les cicatrices béantes d’une ville encore traumatisée par la guerre. Celle-ci a créé un fossé qui peine à se refermer. Les questions de religions, de nationalités, de frontières, sont au cœur des discussions, même dans un environnement de rencontres amoureuses. On se souvient encore du goût des rations. On se souvient de l’odeur après une explosion. Une mémoire qui se transmet aux générations d’après. Une mémoire qui fait rejaillir la guerre lors de flash-back aussi rapides que violents. Dans une séquence d’affrontement, Asja et Zoran rejouent la séquence traumatique. La lumière diffusée par les rideaux blancs apporte un doux contrepoint à la scène, peut-être pour montrer qu’il fallait en arriver là pour avancer. Asja et Zoran ont gâché une journée mais les personnages ont su déterrer une vérité. Que l’harmonie, apportée par les différentes activités de la journée, n’est que factice. Qu’il ne faudrait qu’un feu de paille pour embraser le chaos. Que les cicatrices de chair sont peut-être guéries, mais que celles de l’âme continuent de chercher la résilience.
L’homme le plus heureux du monde s’apparente à une valse en trois temps, rencontre, colère, absolution. Le lieu incongru de l’action couplé à l'explosion de violence quand l’amertume est trop forte en font un film imprévisible qui le sauve d’une émotion un peu en retenue. Cependant, on préfère la réalisatrice quand elle ne prend pas de gants, quand elle bouscule l’ordre établi, avec humour et ironie.
Laura Enjolvy