[CRITIQUE] : El Agua

Par Fuckcinephiles
Réalisatrice : Elena Lopez Riera
Acteurs : Luna Pamies, Bárbara Lennie, Nieve de Medina,...
Distributeur : Les Films du Losange
Budget : -
Genre : Drame, Romance.
Nationalité : Espagnol, Suisse, Français.
Durée : 1h44min
Synopsis :
C'est l'été dans un petit village du sud-est espagnol. Une tempête menace de faire déborder à nouveau la rivière qui le traverse. Une ancienne croyance populaire assure que certaines femmes sont prédestinées à disparaître à chaque nouvelle inondation, car elles ont « l'eau en elles ». Une bande de jeunes essaie de survivre à la lassitude de l’été, ils fument, dansent, se désirent. Dans cette atmosphère électrique, Ana et José vivent une histoire d'amour, jusqu'à ce que la tempête éclate...


Critique :

Sans doute un poil trop surchargé pour son bien (le lot récurrent de tout premier effort ambitieux), #ElAgua n'en est pas moins un captivant récit initiatique entre réalisme et poésie fantastique, embaumé dans une atmosphère mystique et un féminisme aussi subtil que percutant. pic.twitter.com/4SHE68cw59

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) March 1, 2023

Si l'on s'amusait à jouer la carte de la métaphore " aquatique " comme tout bon critique amateur de jeux de mots faciles entre deux " lettre d'amour au cinéma " dégainés à l'aveugle, le premier long métrage d'Elena López Riera pourrait sensiblement être qualifié de film déluge, tant il est comme un raz-de-marée surgit de nulle part mais qui laisse solidement sa marque sur la rétine de son auditoire; comme le fleuve qui est au coeur de son histoire, rau bouillonnante et capricieuse qui peut sacrifier une âme féminine lors de ses terribles crues, si tel est sa volonté.
L'exemple parfait d'un cinéma qui se découvre comme une force attentive aux stimuli qui l'entourent, et qui entraîne avec elle tout ce qu'elle trouve sur son chemin.
Un objet en constante évolution, qui s'adaptent aux caractéristiques changeantes de ses personnages et de son cadre, prenant à la fois les courbes d'un instantané estival léger et enivrant (pas si éloigné des deux premiers efforts de la nouvelle next big thing du cinéma espagnol, Carla Simón - Été 93 et Nos Soleils), d'un documentaire-vérité suspendu à des gestes coutumiers dans une belle union intergénérationnelle, où même d'un teen movie lyrique et vintage à l'énergie tellurique.

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Dans la veine des histoires de la romancière argentine Mariana Enríquez, tant elle fait preuve d'une capacité étonnante à transmettre et à rendre palpable des tissus de croyances fantastiques qui semblaient n'être comprises que pour ceux qui y sont coutumiers depuis toujoues, Elena López Riera dépeint une captivante et lancinante fable sous fond de passage à l'âge adulte d'une jeune adolescente (formidable Luna Pamiés, LA révélation du film), héritière de deux générations de femmes dîtes maudites, questionnant avec sa caméra complice et sensuelle le poids du folklore autant dans un cadre provincial retirée des affres urbains, que dans les relations et les dynamiques familiales où l'union sororale est la seule réponse aux tensions et aux attaques dévastatrices du patriarcat.
Sans doute un poil trop surchargé pour son bien (le lot de tout premier effort d'une cinéaste ambitieuse), El Agua n'en est pas moins un captivant récit initiatique entre réalisme et poésie fantastique, embaumé dans une atmosphère mystique et un féminisme aussi subtil que percutant.
Vivement la suite.
Jonathan Chevrier