Second film de la norvégienne Yngvild Sve Flikke après "Women in Oversized Men's Shirts" (2015). Pour ce nouveau projet la cinéaste a voulu aborder et comprendre la "peur de la maternité" chez les jeunes norvégiennes : "Nous sommes à une époque où tomber enceinte avant 30 ans est inhabituel". Pour son histoire elle a décidé d'adapter le roman graphique "Fallteknikk" (2011) de Inga Saetre, artiste qui est auteur, animatrice, dessinatrice et illustratrice qui s'est impliquée directement en tant que co-scénariste avec John Fasting et pour l'animation. La cinéaste précise à propos de Inga Saetre : "L'accent est mis sur la relation entre Rakel et sa meilleure amie. Je suis partie de là, et en accord avec Inga, j'ai revu l'âge, les ambitions, et la situation sociale des personnages. Je n'aurais jamais pu faire ce film sans Inga."... À 23 ans Rakel a des projets plein la tête et tous les rêves lui semblent accessibles mais quand elle découvre qu'elle est enceinte de 6 mois c'est une catastrophe, voilà un projet auquel elle n'avait pas pensé ! Elle prend la décision de recourir à l'adoption, c'est alors que Ninjababy apparaît pour la tourmenter...
Le rôle de Rakel est incarné par Kristine Kujath Thorp peu connue à part quelques apparitions et petits rôles dans de nombreux courts métrages et séries TV et surtout deux films récents avec "Betrayed" (2020) de Eirik Svensson et "The North Sea" (2021) de John Andreas Andersen inédits chez nous. Le plus connu de ce casting 100% norvégien, Arthur Berning vu dans "Jackpot" (2012) de Magnus Martens, "Refroidis" (2014) de Hans Petter Moland et "The Wave" (2016) de Roar Uthaug. Puis citons ensuite des acteurs surtout vus à la télévision norvégienne avec Nader Khademi vu dans des séries TV dont "Beforeigners" (2019-2021), Tora Christine Dietrichson vu entre autre dans la série TV "Ollie" (2020), Silya Nymoen vue dans la série TV "Mammon" (2016), Evelyn Rasmussen Osazuwa vue notamment dans les séries TV "Hotel César" (2015-2016) ou "The Machinery" (2020), Herman Tommeraas qui incarne le rôle titre vu dans les séries TV "Skam" (2015-2016) et "Ragnarok" (2020-2021), puis enfin Morten Svartveit vu dans plusieurs séries TV et vu récemment au cinéma dans "Rosemari" (2016) de Sara Johnsen, "La Traversée" (2020) de Johanne Helgeland et "The Innocents" (2022) de Eskil Vogt... Le film est un peu différent du roman graphique, il ne s'agit plus d'une lycéenne de 16 ans mais d'une jeune femme de 23 ans, il n'y a plus de notion de solitude mais au contraire une jeune femme moderne, libre et indépendante. L'auteure étant la scénariste cela permet de garder l'esprit de l'oeuvre originelle, entre le dessin et graphisme simple voir primaire et des dialogues libres et surtout non censurés. Dès le début on nos présente donc Rakel, jeune femme célibataire en co-location, au chômage, rêveuse, libre et indépendante et notamment en ce qui concerne les fêtes et le sexe. Rarement on aura vu une jeune femme aussi libérée jusque dans sa façon de parler, parlant sans réfléchir ou plutôt sans tabou mais en même temps sans être vulgaire ni dans la provocation.
Le récit prend son envol surtout quand Rakel apprend la grossesse, et donc quand s'éveille le bébé dessiné par Rakel. Un bébé qui prend vie comme un petit génie qui harcèle sa maman par procuration. Dans le genre on pense un peu au bébé de la série TV "Ally McBeal" (1997-2002), dans une sorte d'anti-thèse puisque Ally voulait justement un bébé alors que Rakel n'en veut pas. Rakel se retrouve obligé de subir sa grossesse tandis qu'elle se retrouve aussi à gérer un homme dont elle tombe amoureuse dans un timing peu idéal, un ex futur papa, une soeur qui n'arrive justement pas à avoir d'enfant, et tout ça avec le soutien de sa meilleure amie. Alors que Rakel se pose des questions, réfléchie, la fantaisie et la légèreté s'impose grâce aux interactions entre Rakel et son bébé de papier et aussi grâce à ses relations avec les deux "hommes de sa vie" qui se retrouvent également un peu au pied du mur. Mais évidemment, une grossesse c'est aussi important, un accouchement arrive et le sérieux commence à prendre le pas sur l'humour jusqu'à cette séquence qui bouscule, réveille, secoue, une Rakel paumée à un point de non retour. On rit un peu, on sourit beaucoup, malgré ses nombreux défauts Rakel reste touchante et surtout femme avant tout qui a droit de choisir ce qu'elle veut pour sa vie et pour son corps. Rakel est un symbole qui renvoie très loin la ménagère du 20ème siècle. Puis arrive la dernière partie, un bébé est une choses sérieuse qui rattrape Rakel et tout repose sur le choix ultime : que va faire Rakel ?! L'émotion se fait plus forte, la question de la féminité laisse place à celle de la maternité, les sourires laissent placent aux larmes et aux angoisses. La réalisatrice signe un film d'une belle acuité, d'une justesse et d'une modernité qui fait du bien avec en prime une superbe actrice, Kristine Kujath Thorp qui, pour l'anecdote, a aussi écrit un livre avec "Help the Small Bugs" (2020) dont elle a aussi signé les dessins et illustrations. Un bon moment.
Note :
14/20