Un grand merci à M6 Vidéo pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Decision to leave » de Park Chan-Wook.
« Qu’elle soit jeune, belle et d’origine étrangère, ça en fait une coupable selon toi ? »
Hae-Joon, détective chevronné, est appelé à enquêter sur la mort suspecte d’un homme survenue au sommet d’une montagne.
Bientôt, il commence à soupçonner Sore, la femme du défunt, tout en étant déstabilisé par son attirance pour elle.
« Tuer, c’est comme fumer : il n’y a que la première fois qui fait tourner la tête »
Censuré et brimé pendant la dictature, le cinéma sud-coréen est longtemps resté quasi absent des écrans occidentaux et des festivals internationaux. Il faut attendre la libéralisation politique du pays, au début des années 90, pour voir émerger progressivement une jeune génération de cinéastes bien décidée à bousculer les habitudes des producteurs locaux. Cette « Nouvelle vague » coréenne explose littéralement au début des années 2000 sous la houlette d’une poignée de réalisateurs tels que Kim Jae-Won (« A bittersweet life », « Le bon, la brute et le cinglé »), Hong Sang-Soo (« La femme est l’avenir de l’homme », « Un jour avec, un jour sans ») et, bien sûr, le prodige Bong Joon-Ho (« Memories of murder ») qui devient le premier cinéaste coréen à obtenir la Palme d’or cannoise et l’Oscar du meilleur réalisateur grâce à son film « Parasite ». Un succès qui éclipserait presque la réussite de l’autre prodige de cette génération dorée, à savoir Park Chan-Wook, qui fit sensation avec son thriller politique « Joint security area » (2000) ainsi qu’avec sa trilogie de la vengeance composée de « Sympathy for Mister Vengeance » (2002), « Old boy » (2003) et « Lady vengeance » (2005). Après six années d’absence (et son excellent « Mademoiselle »), il nous revient avec son douzième film, « Decision to leave ».
« Est-ce que votre femme sait que vous m’espionnez jusque tard dans la nuit ? »
Cela ne devait être qu’une enquête ordinaire. Un cadavre découvert en montagne après une chute mortelle. La seule question qui devait prévaloir étant de savoir s’il s’agissait d’un accident ou d’un meurtre. Rien a priori que de très routinier pour le détective Hae-Joon, flic intègre, méthodique et quelque peu obsédé par son travail. Rien si ce n’est la rencontre de la veuve du défunt. Une femme mystérieuse à la délicatesse bouleversante. A l’évidence, Park Chan-Wook s’offre ici son « Vertigo » en signant un polar aux accents ouvertement hitchcockiens. L’enquête en elle-même comptant d’ailleurs assez peu, tout l’intérêt du scénario résidant dans cette étrange relation qui se noue progressivement entre ce flic irréprochable et sa suspecte qui, de troublante devient de plus en plus ambigüe à mesure pourtant que sa culpabilité devient évidente. Au point même de remettre en cause la probité morale du héros. Et de faire vaciller à son tour sa suspecte. Sur la base d’un scénario d’une grande subtilité, où l’émotion repose avant tout sur les non-dits et les échanges de regard, le cinéaste fait montre d’un sens de la mise en scène qui frôle la maestria en jouant constamment sur les focales et les effets de miroirs (à l’image de ce plan où le héros apparait puis disparait dans le rétroviseur d’une portière qui se ferme) pour créer une atmosphère à la fois raffinée, ouatée et, en même, extrêmement froid, qui marque profondément. Un très grand film sur la passion impossible qui fait perdre la raison et vaciller les convictions les plus intimes.
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Le DVD : Le film est présenté en version originale coréenne (5.1) ainsi qu’en version française (5.1). Des sous-titres français sont également disponibles.
Côté bonus, le film est accompagné de « Entre terre et mer… Le cinéma de Park Chan-Wook » par Philippe Rouyer (2022, 37 min.) et de « Moments of Decision to Leave » : making of (9 min.).
Édité par M6 Vidéo, « Decision to leave » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 16 novembre 2022.
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