La chaine

Un grand merci à L’Atelier d’Images pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « La chaine » de Stanley Kramer.

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« Ne vous méprenez pas : la chasse aux lapins et la traque de deux hommes sont des choses très différentes ! »

Joker Jackson et Noah Cullen sont deux prisonniers en cavale. Evadés d’un camp de travaux forcés du sud des Etats-Unis, les deux hommes, attachés l’un à l’autre par une chaîne d’acier, sont néanmoins séparés par une haine féroce. Implacablement poursuivis par des gardiens et des chiens, ils vont devoir mettre de côté leurs différences s’ils veulent survivre…

« Le gardien dit que ça ne vaut pas la peine de se tracasser : un blanc et un noir attachés ensemble… Ils s’entretueront avant de faire dix kilomètres ! »

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Après avoir occupé divers métiers (scénariste, monteur, producteur) au sein des studios MGM et Columbia, Stanley Kramer fonde sa propre société de production cinématographique au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Démocrate et progressiste convaincu, il trouve dans sa qualité de producteur indépendant l’opportunité de produire des films dont les sujets seraient sans doute jugés trop audacieux (ou trop politiques) par les grands studios. Il acquiert ainsi une certaine notoriété en produisant des films dirigés par Mark Robson (« Le champion »), Fred Zinnemann (« C’étaient des hommes »), Edward Dmytryk (« Ouragan sur le Caine », « L’homme à l’affût ») ou encore John Cassavetes (« Un enfant attend »). Le « Cyrano de Bergerac » de Michael Gordon qu’il produit vaudra même à José Ferrer l’Oscar du meilleur acteur. En parallèle à ses activités de producteur (qu’il finira par abandonner au début des années 60), il se lance également dans une carrière de réalisateur qui sera fortement marquée par ses convictions politiques, son humanisme et par les grands évènements de son époque. Ainsi, après « La chaine » (1958), il traitera notamment du péril nucléaire (« Le dernier rivage », 1959), de l’obscurantisme et du racisme (« Procès de singe » en 1960, « Devine qui vient diner » en 1967) ou encore du nazisme (« Jugement à Nuremberg » en 1961, « La nef des fous » en 1965). De façon plus marginale, il s’essayera aussi à des registres plus légers (« Un monde fou, fou, fou » en 1963, « Le secret de Santa Vittoria » en 1969).

« Dans la vie, t’es exploité ou t’es requin. Et moi j’aime le luxe ! »

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« La chaine » est ainsi l’histoire d’une cavale qui se transforme en grande fuite en avant. Profitant de l’accident du car pénitentiaire qui les transporte vers leur prison, deux prisonniers partent en courant à travers la campagne du vieux sud américain dans l’espoir de retrouver la liberté dans la clandestinité. Seulement voilà, les deux hommes se retrouvent liés l’un à l’autre par une chaine qui entrave leurs mouvements, les obligeant bien malgré eux à collaborer et à fuir dans la même direction.  Une gageure tant ces deux-là se révèlent profondément antagonistes : l’un, noir, apparait plutôt prudent et sage quand le second, blanc, se montre aussi impulsif que raciste. Mais comme souvent chez Kramer, l’aventure elle-même se double d’une aventure humaine. Et à mesure qu’ils seront confrontés à des péripéties toujours plus périlleuses (notamment une possible pendaison dans une communauté de rednecks), les deux hommes devront apprendre à se faire confiance et à dépasser leurs propres préjugés, comprenant que la solidarité est la condition impérative à un éventuel succès de leur folle entreprise. En creux, Kramer esquisse le portrait d’une Amérique rurale et profonde gangréné par un racisme ordinaire (la jeune veuve qui envoie sciemment le prisonnier noir vers une mort certaine dans les marais) et par une violence largement institutionnalisée (le recours à des miliciens qui considèrent davantage la traque comme une chasse à l’homme). Les deux héros ne devant leur (relatif) salut qu’à la retenue de quelques personnages raisonnables (le shérif, le chef des rednecks). Et même s’ils ne gagnent pas leur liberté à la fin, ils auront le mérite de sortir grandi de cette aventure en ayant gagné respect et amitié. « La chaine » devenant alors non plus une entrave mais un lien indéfectible. A l’évidence, Kramer signe là un plaidoyer humaniste contre les préjugés et la violence de la société américaine. Porté par un tandem d’acteurs formidables (Sidney Poitier et Tony Curtis) ainsi que par quelques seconds rôles savoureux (Theodor Bikel, Lou Chaney Jr.), « La chaine » reste sans doute l’une des charges politiques et morales les plus puissantes à l’encontre du la société américaine du cinéma hollywoodien des années 50. D’autant plus puissante même que l’Amérique sort alors traumatisée de la chasse aux sorcières et qu’elle s’apprête à faire face au mouvement des droits civiques. Toujours aussi fort sept décennies plus tard, dans l’Amérique post-George Floyd.

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Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master restauré Haute-Définition et proposé en version originale américaine (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de « Stanley Kramer, l’éveil de la conscience » par Sylvain Lefort co-fondateur de Revus et Corrigés (35 min.), d’une analyse de séquence par Sylvain Lefort (11 min.), d’une Bande-annonce originale (2 min., VOST) ainsi que de Bandes-annonces L’Atelier d’Images.

Édité par L’Atelier d’Images, « La chaine » est disponible en éditions collector blu-ray ou DVD depuis le 8 novembre 2022.

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