Journal d'une femme en blanc

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Gaumont pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Journal d’une femme en blanc » de Claude Autant-Lara.

« Pourquoi vous marriez-vous si vous ne voulez pas avoir d’enfants ? »

Claude Sauvage termine son internat de gynécologie. Elle veut aider les femmes à avoir des enfants « désirés ». Un jour, elle se trouve face à Mariette victime d’un avortement clandestin. Bouleversée par sa mort, enceinte à son tour, Claude décide de lutter pour les femmes, l’amour de la vie et de la liberté.

« Ce n’est pas l’affaire des hommes »

Il est toujours un peu difficile d'évoquer Claude Autant-Lara tant le personnage parait à la fois contrasté et contesté. D'un côté, il y a donc le cinéaste, tenant d'un classicisme rigoureux et auteur d'une filmographie riche, d'inspiration littéraire, et dont certains films au demeurant très réussis font incontestablement parties de la culture populaire (« La traversée de Paris », « L'auberge rouge », « Le rouge et le noir »). Son classicisme lui vaudra d'ailleurs d'être la bête noire des jeunes turcs de la nouvelle vague, ciblé notamment par François Truffaut dans son célèbre article manifeste « Une certaine tendance du cinéma français ». Et puis de l’autre côté, il y a l’homme public qui, sur la fin de sa vie du moins, restera tristement célèbres pour ses prises de position antisémites et révisionnistes, et son accointance avec l’extrême droite qui le fera même élire au Parlement européen. Mais avant disparaitre des écrans et de se faire remarquer par ses frasques à la fin des années 80, il signe encore quelques films au cours des années 60 qui ne connaitront pas le succès comme ceux de la décennie précédente. Parmi eux, « Le journal d’une femme en blanc », antépénultième film du cinéaste, est sans doute celui qui présente le plus d’intérêt.

« Ce qu’il faut aux femmes, ce sont des enfants qu’elles désirent et qu’elles attendent dans la joie. Et j’ai honte de cet avortement que je n’ai pas su prévenir. »

En effet, avant d’étaler sur le tard ses opinions très conservatrices et rétrogrades, Claude Autant-Lara sut aussi, en marge de ses comédies (« La jument verte ») et de sa participation à des films à sketches (« Humour noir », « Le plus vieux métier du monde »), aborder courageusement des sujets de société alors tabous dans cette vieille France gaulliste aux mœurs encore très rigides. Ainsi, après « Tu ne tueras point » (1961) film traitant de la question des objecteurs de conscience censuré dans le contexte de la Guerre d’Algérie, il s’attaque avec « Journal d’une femme en blanc » à la question de libération sexuelle et de ses corolaires que sont la légalisation de la contraception et de l’avortement. Adaptation du roman éponyme d’André Soubiran (lui-même médecin), le film suit le quotidien de Claude, jeune interne en gynécologie, qui se retrouve tiraillée entre les obligations du code de déontologie médical et ses propres convictions, elles-mêmes renforcée par la détresse des patientes qui se succèdent dans son service. En cela, le cinéaste réussit un tour de force : celui de montrer qu’une grossesse n’est pas forcément « heureuse » dès lors qu’elle n’est pas désirée et qu’elle peut engendrer la plus grande des souffrances morale et physique. Les avortements – clandestins qui plus est – ne se font jamais de gaité de cœur. Mais répondent aussi à une réalité qui est que les femmes ne sont alors pas libres de disposer comme elles le souhaitent de leur corps. Le plaisir sans contrainte n’étant dès lors qu’un privilège masculin. Pour le coup Autant-Lara signe là un manifeste féministe et libertaire courageux en faveur de la légalisation de la contraception et de l’avortement. Tout juste regrettera-t-on le côté un peu trop appuyé (et donc lacrymal) du calvaire de la jeune Mariette. Une volonté de réalisme qui aurait sans doute gagné à être un peu modérée. Mais rien de cela ne saurait véritablement amoindrir l’audace ni la force de film, qui porte un débat précurseur. Car pour rappel, la contraception ne sera légalisée que deux ans plus tard, alors qu’il faudra encore dix pour l’avortement le soit également.  

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Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master restauré Haute-Définition et proposé en version originale française (2.0). Des sous-titres français pour malentendants sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une interview de l’acteur Robert Benoit.

Édité par Gaumont, « Journal d’une femme de chambre » est disponible en blu-ray depuis le 13 avril 2022.

Le site Internet de Gaumont est ici. Sa page Facebook est ici.