[CRITIQUE] : Music

Par Fuckcinephiles

Réalisatrice : Angela Schanelec
Acteurs : Aliocha Schneider, Agathe Bonitzer, Marisha Triantafyllidou,...
Distributeur : Shellac
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Allemand, Français, Serbe.
Durée : 1h48min.
Synopsis :
Trouvé à sa naissance par une nuit de tempête dans les montagnes grecques, Jon est recueilli et adopté, sans avoir connu ni son père, ni sa mère. Adulte, il rencontre Iro, surveillante dans la prison où il est incarcéré à la suite d’un drame. Elle recherche sa présence, prend soin de lui tandis que la vue de Jon commence à décliner… Désormais, à chaque perte qu’il subira, le jeune homme gagnera quelque chose en contrepartie. Ainsi il deviendra aveugle, mais vivra sa vie plus que jamais.
Librement inspiré du mythe d’Œdipe.


Critique :

Si la libre interprétation de la tragédie sophocléenne Œdipe Roi qu'incarne #Music peut parfois s'avérer intéressante, difficile de vraiment s'attacher à la radicalité de la vision sensorielle de Shanelec, extrêmement elliptique et qui ne suscite jamais d'empathie pour ses persos pic.twitter.com/09mulgJ1cj

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) March 12, 2023

Malgré son récit férocement elliptique où le flou (volontaire ?) distillé autour de son unité de lieu et de temps - même si quelques bribes d'indices sont jetés à la sauvette -, il n'est pas vraiment ardu de très vite déceler que le nouveau long-métrage de la cinéaste Angela Shanelec (J'étais à la maison, mais... avait atteint nos salles il y a à peine un an), Music, s'inspire librement du mythe d'Œdipe et de la tragédie sophocléenne Œdipe Roi, à l'instar d'un Pasolini avec lequel il ne vaut mieux pas jouer la carte de la comparaison sous peine de vite déchanter.
Car à la différence du chef-d'oeuvre du cinéaste italien, le Shanelec nouveau se fait une expérience bien moins heureuse, aussi déroutante que frustrante, engoncée dans un minimalisme profondément radical qui voit ses dialogues épuré à l'extrême et sa musique - principalement de l'opéra - servir de seul guide où presque (d'où le titre au fond) au coeur d'une histoire qui suit, tout dû moins dans ses deux premiers tiers, la trame originale malgré sa réinvention (très) contemporaine, avant de voguer vers sa propre voie innovante.

Copyright Shellac Distribution


Une disgression pour le coup, il est vrai, intéressante, tant son Iro/Jocastene dit rien à personne et décide de se suicider dans le silence en sautant d'une falaise, là où Œdipe ne découvre rien sur la vérité de ses origines et n'a pas à s'arracher les yeux de désespoir, le bonhomme continuant même à vivre avec sa fille et bien qu'il perde la vue au fil des ans, il trouvera une compensation/rédemption dans le chant (le parallèle avec l'Œdipe de Pasolini est évident, tant son héros campé par Franco Citti, terminait son existence en jouant de la flûte dans les rues de Bologne).
Mais la radicalité de la vision de Shanelec, extrêmement elliptique et sensorielle (prix du scénario à la dernière Berlinale, quand même), ne suscite nullement d'empathie pour ses personnages autant qu'elle nous perd plus que de raison, au point même que le spectateur est tout du long appelé à interpréter/sonder le moindre détail pour en comprendre le sens et l'insérer dans le puzzle qu'incarne l'intrigue (tout non-initié au mythe se retrouvera vite aux fraises).
Music laisse donc un sacré goût amer même si, paradoxalement, le film justifie pourtant sa vision, notamment pour la mise en scène dépouillée et puissante de la cinéaste, dont la plume aurait sensiblement mérité autant de précision.
Jonathan Chevrier