Premier long métrage de cinéma pour Lluis Danès, qui jusqu'ici a essentiellement travaillé pour la télévision que ce soit pour la fiction ou le documentaire. Pour son projet il retrouve les scénaristes Maria Jaén et Lluis Arcarazo après le téléfilm "Laia" (2016). Ils reviennent sur des faits réels survenus au début du 20ème siècle à Barcelone, une histoire vraie mystérieuse qui a nourri son lot de légendes et rumeurs, il s'agit de l'affaire Enriqueta Marti (Tout savoir ICI !). Le film, interdit au moins de 12 ans, a connu un joli succès sur son territoire remportant notamment 5 prix dont meilleur film aux Gaudi - équivalent des Césars ou Oscars mais pour le cinéma catalan, à ne pas confondre avec les Goyas au niveau national espagnol... A Barcelone, vers les années 1909-1913, la région est en émoi après la disparition de plusieurs enfants. L'affaire fait grand bruit quand la dernière victime est issus d'une famille plus aisée qu'à l'accoutumée. La police trouve rapidement une suspecte, Enriqueta Marti. Mais des doutes subsistent, surtout pour le journaliste Sebastia Comas qui trouve bientôt des ramifications entre des personnalités importantes de la communauté et une maison close...
Enriqueta Marti est incarnée par Nora Navas vue dans "Citoyen d'Honneur" (2016) de Mariano Cohn et Gaston Duprat ou "Douleur et Gloire" (2019) de Pedro Almodovar, elle retrouve après "Pain Noir" (2010) de Agusti Villaronga son partenaire alias le journaliste joué par Roger Casamajor vu dans "Guerreros" (2002) de Daniel Calparsoro, "Henri 4" (2010) de Jo Baier ou "Everybody Knows" (2018) de Asghar Farhadi et retrouve de son côté après "Le Labyrinthe de Pan" (2006) de Guillermo Del Toro l'acteur Sergi Lopez, toujours aussi prolifique et globe-trotter avec notamment ces derniers mois "La Mariage de Rosa" (2020) de Iciar Bollain, "La Pièce Rapportée" (2021) de Antonin Peretjatko, "Rifkin's Festival" (2022) de Woody Allen ou "La Grande Magie" (2023) de et avec Noémie Lvovsky. Citons ensuite Bruna Cusi vue dans "Été 93" (2017) de Carla Simon, "Chez Moi" (2020) de David et Alex Pastor et "Irrésistiblement" (2022) de Borja de la Vega, Nuria Prims vue dans "Un Corps dans la Forêt" (1996) de Joaquin Jorda, "Inconscientes" (2004) de Joaquin Oristell et "Gloire Incertaine" (2017) de Agusti Villaronga, Francesc Orella vu dans "Land and Freedom" (1995) de Ken Loach, "Capitaine Alatriste" (2006) de Agustin Diaz Yanes, "Truman" (2016) de Cesc Gay, il retrouve Nora Navas après "Mirage" (2018) de Oriol Paulo, puis retrouve après "Les Yeux de Julia" (2010) de Guillem Morales son partenaire Pablo Derqui vu dans "Red Lights" (2014) de Rodrigo Cortès, "Neruda" (2017) de Pablo Larrain et "Les Lignes Courbes de Dieu" (2022) de Oriol Paulo, puis enfin citons Anna Alarcon remarquée dans "Insensibles" (2012) de Juan Carlos Medina... Le film débute avec des couleurs chaudes, avec la sensation d'une cité repliée sur elle-même, où les salons nantis et le luxe feutré sont à la fois intégrés et bien séparés des quartiers pauvres et miséreux. D'un côté le rouge est omniprésent, symbole de luxe calme et volupté mais aussi de sang, de l'autre la couleur presque monochrome de terre et de poussière dans l'ombre des ruelles façon coupe-gorge.
Le récit entre dans le vif du sujet, en quelques instants, la disparition des fillettes, la panique, l'effervescence dans les rédactions de la presse, l'arrestation... etc... donne le ton, d'abord avec un côté Hercule Poirot trompeur puisque très vite on va virer dans les bas-fonds catalans, dans un thriller aussi nébuleux que glauque. Sur le fond la bonne idée du film est d'être très fidèle aux événements sur ce qui est factuel, notamment tout ce qui entoure Enriqueta Marti, tandis que de l'autre le scénario joue avec les rumeurs de l'époque concernant les nantis qui auraient organisé un trafique mafieux sur la traite d'enfants. Le journaliste servant alors de lien fictionnel entre les deux facettes du récit. Sur la forme, le réalisateur marie de façon judicieuse la réalité terrifiante avec trafic et prostitution de jeunes enfants, et toute une fantasmagorie qui matérialise à la manière des fables l'horreur qui hante la ville, jouant avec nos peurs et notre imagination, mêlant les Noirs et Blancs avec la couleur la plus chatiyante. Une phrase du film marque les esprits, à savoir le prix d'une enfant, soit 70 pesetas ; une info à mettre en perspective et donc pour l'anecdote, ça équivaut à un mois de loyer en Espagne en 1910-1912 qui était de 75 pesetas - source livre "Consommateurs et Consommation XVIIe-XXIe siècle : Regards franco-espagnols" (2015) de Nicolas Marty et Antonio Escudero. Le film est donc réellement passionnant, d'abord parce qu'outre le journaliste et l'interprétation des légendes "urbaines", tout ce qui concerne la mise en cause est véridique, et que le scénario imbrique légendes et faits réels de façon intelligente avec une mise en scène inspirée et vivante. Une tragédie qui fait froid dans le dos quoi qu'il arrive...
Note :
16/20Pour info bonus, Note de mon fils de 13 ans :
12/20