Production franco-belge pour ce premier long métrage de la réalisatrice belge Emmanuelle Nicot qui s'était faite remarquée avec ses courts métrages "Rae" (2012) et surtout "A l'Arraché" (2016), ce dernier ayant été un premier élément qui l'amené à son projet puisque le court avait comme contexte un centre d'accueil d'urgence pour adolescents : "Ce qui m'a frappée là-bas, c'est que tous ces enfants qui étaient là pour maltraitance avérée continuaient à faire bloc avec leurs familles considérant que la justice était injuste de les avoir placés." Suite à cette expérience, elle a suivi deux jeunes sur des années, ce qui a nourri son scénario, ainsi qu'un éducateur qui lui a raconté son expérience délicate avec une fillette hyper-sexualisée. Emmanuelle Nicot signe son scénario, et étant aussi directrice de casting elle a mis en place un énorme casting sauvage sur la Belgique et la France afin de trouver sa Dalva...
Dalva a 12 ans, mais s'habille et agit comme la femme qu'elle croit être. Mais un soir, la justice décide son retrait du domicile familial. Dalva est alors en colère et dans une incompréhension totale alors qu'elle fait la connaissance de Jayden un éducateur, et qu'elle entre dans une procédure judiciaire dont elle ne comprend pas le cheminement. Dalva va devoir apprendre à grandir autrement, comme une jeune fille de son âge... Suite au casting sauvage, le rôle titre est donc revenu à la jeune Zelda Samson pour son premier rôle, ajoutons à ses côtés la tout aussi jeune et novice Fanta Guirassi. L'éducateur est joué par Alexis Manenti vu dans "Les Misérables" (2019) de Ladj Ly, "Athéna" (2022) de Romain Gavras et "Enquête sur un Scandale d'Etat" (2022) de Thierry de Peretti. La fillette va aussi croiser des adultes joués par Marie Denarnaud vue dans "Les Adoptés" (2011), "Respire" (2014) et "Plonger" (2017) tous de Mélanie Laurent ainsi que dans "Slalom" (2020) de Charlène Favier, Jean-Louis Coulloc'h vu dans "Lady Chatterley" (2006) de Pascale Ferran, "Elles" (2012) de Malgorzata Szumowska ou "La Fracture" (2022) de Catherine Corsini, Maïa Sandoz vue dans "L'Apollonide : Souvenirs de la Maison Close" (2011) et "Saint-Laurent" (2014) tous deux de Bertrand Bonello, Babetida Sadio vu dans "Neuf Mois Ferme" (2013) de Albert Dupontel ou "The Paradise Suite" (2015) de Joost Van Ginkel, Gilles David essentiellement acteur de théâtre aperçu dans "RRRrrrr !!!" (2004) de et avec Alain Chabat ou "Selon Charlie" (2006) de Nicole Garcia, puis enfin Sandrine Blancke vue dans "Survivre avec les Loups" (2007) de Véra Belmont, "Yves Saint-Laurent" (2013) de Jalil Lespert ou "Un Monde" (2021) de Laura Wandel... Le film débute avec effroi et force, dans le noir du générique et des cris qui nous plonge dans une interpellation qui se passe mal, mais surtout qui nous donne quelques clefs en quelques dizaines de secondes. Une jeune fille qui est vêtue de façon "adulte" qui appelle un homme comme si c'était son conjoint, Jacques hurle-t-elle. Un prologue qui sonne et désarçonne tant il nous force a imaginé tout le passé de ce "couple" pour en être arrivé là. Un homme qui a façonné la jeune fille comme sa femme idéale, sorte de lavage de cerveau et d'éducation sexuelle at home.
On débute le film avec des tonnes d'images qui nous viennent, désagréables et malaisantes. La réalisatrice use de la caméra à l'épaule, nerveuse et proche de Dalva/Samson. On la suit en gros plan, collé-serré qui symbolise aussi son angoisse et sa peur alors que petit à petit la caméra va élargir son horizon, parallèlement à Dalva qui va s'affranchir d'un passé qu'elle n'aurait pas dû connaître. Le récit suit donc une fillette qui a grandit trop vite et qui doit raccrocher le wagon de sa jeunesse, de son innocence et ce même si tout n'est pas parfait et notamment dans le système d'aide social. Par exemple, réunir des enfants de tous âges et de tous horizons avec les effets pervers ou néfastes qui vont avec (jeunes adultes plus "éveillés", drogues et alcool...), mais aussi le travail des éducateurs ; sur ce dernier point on peut rester un peu perplexe sur le personnage de Jayden/Manenti, qui accueille Dalva de façon un peu abrupte, presque agressive et en tous cas très maladroitement avec des réactions pas toujours adéquates (serrer dans se bras la fillette). Par là même on peut rester encore perplexe sur le fait que ce soit un éducateur homme qui soit chargé de Dalva ?! Pas très grave a priori mais ça oblige à un questionnement qui éloigne de ce qui nous intéresse, à savoir l'évolution de Dalva et son retour à une vie normale. Mais la réalisatrice aborde des facettes inédites et difficiles de façon intelligente et subtile comme le fait que Dalva se sente femme ou sur la question du consentement, mais surtout sur la notion qui différencie le sentiment amoureux et le fait de faire l'amour. La cinéaste a d'ailleurs rappelé : "Les enfants placés sont retirés de leur famille non pas parce qu'ils ne sont "pas" aimés, mais parce qu'ils le sont "mal"." La cinéaste place des passages marquants, comme la scène terrible du parloir ou l'ultime face à face au tribunal. Un film juste et réaliste, crédible et profond avec une jolie révélation en prime. A conseiller.
Note :