Après quelques expériences en tant qu'actrice comme dans "Jean-Philippe" (2006) de Laurent Tuel et "J'attends Quelqu'un" (2007) de Jérôme Bonnell, Jeanne Herry (fille de Miou-Miou et de Julien Clerc) est devenue une réalisatrice qui compte après "Elle l'Adore" (2014) et surtout le très réussie "Pupille" (2018). Après ce dernier film la cinéaste cherchait un projet avec deux thématiques en tête, le fonctionnement du cerveau et le milieu de la justice : "J'ai toujours été passionnée par les faits divers, les procès, les grandes figures du banditisme, les ténors du barreau... Un jour, je suis tombée par hasard sur un podcast autour de la justice restaurative. Ca m'a intriguée, puis captivée : ce qui m'intéressait dans ce processus était précisément ce qui motivait mes recherches sur le cerveau : la réparation." Pour ses recherches la réalisatrice-scénariste n'a pas pu participer à l'une de ses rencontres car c'est contraire au principe de base que les agresseurs peuvent se raconter en toute liberté et dans le secret. Jeanne Herry a donc à la place suivi des formations d'animateurs et de médiateurs dont le but est d'ensuite intégrer le programme. Jeanne Herry rajoute : "Au cours de mes recherches, un des interlocuteurs que j'ai rencontré m'a dit : "l'objectif de la justice restaurative c'est la libération des émotions par la parole." C'est cette libération que j'ai voulu mettre en scène."... Depuis 2014 en France, la Justice Restaurative propose à des personnes victimes et auteurs d'infraction de dialoguer dans des dispositifs sécurisés, encadrés par des professionnels et des bénévoles. Des condamnés et des victimes s'engagent dans ce programme où les colères, l'espoir, les silences, les déchirements, les prises de conscience se bousculent par le dialogue en espérant qu'au bout il y ait la réparation...
Au casting, la réalisatrice a fait appel à nouveau à trois de ses interprètes de "Pupille" (2018), sa mère Miou-Miou vue depuis dans "Murder Party" (2022) de Nicolas Pleskof ou "Maestro(s)" (2023) de Bruno Chiche, Elodie Bouchez Bruno Chiche, Elodie Bouchez vue dans "Simone, le Voyage du Siècle" (2022) de Olivier Dahan ou "Amore Mio" (2023) de Guillaume Gouix, et Gilles Lellouche vu tout récemment dans "Astérix et Obélix : l'Empire du Milieu" (2023) de et avec Guillaumet Canet et qui retrouve après "Fumer fait Tousser" (2022) de Quentin Dupieux sa partenaire Adèle Exarchopoulos vue dans "Rien à Foutre" (2022) de Emmanuel Marre et Julie Lecoustre et "Les Cinq Diables" (2022) de Léa Mysius. Citons ensuite Leïla Bekhti vue entre autre dans "Comment je suis devenu Super-Héros" (2021) de Douglas Attal, "Les Intranquilles" (2021) de Joachim Lafosse et "La Troisième Guerre" (2021) de Giovanni Aloi, Jean-Pierre Darroussin vu dernièrement dans "Rumba la Vie" (2022) de et avec Franck Dubosc et "L'Ecole est à Nous" (2022) de Alexandre Castagnetti, Denis Podalydès toujours aussi prolifique avec ces derniers mois "Le Monde d'Hier" (2022) de Diastème, "En Corps" (2022) de Cédric Klapisch, "Le Tourbillon de la Vie" (2022) de Olivier Treiner et "La Grande Magie" (2023) de Noémie Lvovsky, Dali Benssalah vu dans "Mourir Peut Attendre" (2021) de Cary Joji Fukunaga ou "La Ligne" (2022) de Ursula Meier et retrouve après "Athena" (2022) de Romain Gavras son partenaire Birane Ba aperçu dans "La Prière" (2018) de Cédric Khan, Suliane Brahim vu dans "Libre et Assoupi" (2014) de Benjamin Guedj, "Hors Normes" (2019) du duo Nakache-Toledano et "La Nuée" (2020) de Just Philippot, puis enfin Fred Testot dans un de ses rares rôles sérieux depuis "Gardiens de l'Ordre" (2010) de Nicolas Boukhrief et le récent "Les Volets Verts" (2022) de Jean Becker... Le film débute avec un court moment de formation des agents de Justice Restaurative. Puis ensuite on alterne entre deux "affaires", la constitution d'un groupe de discussion entre 3 détenus pour des vols violences et 3 victimes brisées, puis la préparation entre une victime d'inceste et son frère désormais de retour dans sa ville. À l'image de son précédent film "Pupille", le réalisatrice-scénariste reprend un peu la même construction narrative où on suit très précisément la démarche de ce système qui fait penser un peu aux organisation "Vérité et Réconciliation" vu par exemple en Afrique du Sud ou au Burundi.
Ainsi on est en immersion dans des dialogues parfois lourds émotionnellement, avec des victimes qui sont brisées après un court instant violent dans leur vie tandis que des agresseurs tentent une rédemption plus ou moins sincère. Les trois victimes du groupe offrent un panel de ce qui est le plus courant dans nos faits divers, les trois condamnés le sont aussi, mais plus que leurs méfaits c'est la façon dont ils s'expliquent qui frappent les esprits, le "coupable mais non responsable" qui s'accommode à toutes les sauces est particulièrement insidieux. Sur l'inceste, cette partie se démarque de par même la singularité et le tabou qui entoure ce genre d'affaire. Le face à face final très malaisant fait mystérieusement écho à celui du parloir dans le film "Dalva" (2023) de Emmanuelle Nicot également en salles en ce moment. La qualité des dialogues est essentielle, réaliste et cohérente, mais on reste un peu perplexe sur les agents du service Justice Restaurative dont le fonctionnement et leur méthode est très, trop voir excessivement didactique ou scolaire, à tel point que ça paraît mécanique, et donc peu naturel voir même peu humain bien qu'on comprenne que ces agents évitent les maladresses ou les erreurs dans le choix des mots ou dans leur réaction. C'est notamment frappant dans une scène entre l'agent et la victime d'inceste. Les personnages sont des rôles difficiles, où les acteurs offrent des performances épatantes, fortes d'émotion et de justesse, d'authenticité. Certains y trouvent peut-être même leur meilleur rôle comme Leïla Bekhti époustouflante, un Gilles Lellouche fragile ou une Adèle Exarchopoulos aussi forte que touchante. Jeanne Herry signe un nouveau film dramatique intelligent, précis et émotionnellement aussi difficile qu'émouvant. Surtout la cinéaste choisit une fin optimiste, pleine d'espoir mais on sent aussi malgré tout que les agresseurs font leur choix, et qu'ils n'ont pas vraiment envie de changer... Un magnifique film à voir et à conseiller et même à montrer dans les prisons !
Note :
16/20