Nouveau film du duo russe Natalya Merkulova et Aleksey Tchoupov, qui collabore ensemble (elle plus focalisée sur le réalisation, lui plus sur le scénario) depuis "Parties Intimes" (2013), suivi de "De l'Amour 2 : Seulement pour Adultes" (2017) et surtout "L'Homme qui a Surpris tout le Monde" (2018) avec entre temps un scénario à quatre mains pour un autre, "Salyut 7" (2017) de Klim Chipenko. La réalisatrice-scénariste précise : "La source (d'inspiration) a été notre peur de la violence et de l'agressivité - qui sont hélas des aspects fondamentaux de nore monde, au passé comme au présent." Les deux cinéastes ont situé leur histoire en 1938, lors des grandes purges (Tout savoir ICI !) commandées par Staline dans ses propres rangs, un événement aussi appelé la Grande Terreur qualifié par l'historien Nicolas Werth comme "le plus grand massacre d'Etat jamais perpétré en Europe en temps de paix." Malgré le contexte politique le duo ne voulait pas en faire un film historique mais "une parabole fantasmagorique située dans un contexte particulier de l'histoire, dans les années 30. Nous qualifions cette approche de"rétro-utopie". Evidemment, un tel sujet, une telle histoire avec la situation géo-politique actuelle de la Russie a poussé les deux cinéastes a quitté leur pays et à s'exiler. Notons que le film est interdit au moins de 12 ans avec avertissement... URSS, 1938, alors que les purges se poursuivent le capitaine Volkonogov pion armé du régime s'aperçoit que nul n'est à l'abri. Soupçonnant d'être dans le prochain wagon des "condamnés contraints" le jeune officier décide de fuir. Dans son errance, il est rattrapé par une vision qui l'effraie au point de vouloir désormais à tout prix obtenir le pardon d'au moins un membre de la famille d'une victime pour atteindre le Paradis tandis que son ancien service de sécurité le pourchasse...
Le rôle titre est incarné par Youri Borissov révélé dans "Elena" (2011) de Andreï Zviaguintsev, puis vu dans "Kalachnikov" (2020) de Konstantin Bouslov, "Compartiment n°6" (2021) de Juho Kuosmanen ou "Gerda" (2021) de Natalia Koudriachova. Son meilleur ami est interprété par Nikita Koukouchkine remarqué dans "Classe à Part" (2015) de Ivan I. Tverdovsky, tandis que l'antagoniste principal est incarné par Timofeï Tribountsev vu dans"The Last Warrior" (2021) de Dmitryi Dyachenko, "Siilverland : la Cité des Glaces" (2021) de Mikhaïl Lokhshin ou "La Fièvre de Petrov" (2021) de Kirill Serebrennikov. Citons encore Dmitri Podzonov vu dans "Seven Invisible Men" (2005) de Sharunas Bartas ou "Le Coeur du Monde" (2018) de Natalia Mescchaninova, puis retrouve après "La Brise-Glace" (2016) de Nikolay Khomeriki sonpartenaire Alexandre Yatsenko vu dans "La Horde" (2012) de Andreï Prochkine et "The Dueslit" (2016) de Alexeï Mizguirev après lequel il retrouve l'acteur Iouri Kouznetsov vu notamment dans "L'Île" (2006) et "Tsar" (2009) tous deux de Pavel Lounguine, et retrouve ces deux cinéastes et deux de ses partenaires après "L'Homme qui a Surpris tout le Monde" (2018), Natalya Koudriachova qui était aussi dans "Salyut 7" (2017), puis Igor Savotchine remarqué dans les films "Night Watch" (2004) et "Day Watch" (2006) tous deux de Timur Bekmambetov ou "L'Eclair Noir" (2009) de Aleksandr Voytinskiy. Et enfin n'oublions pas Vladimir Epifantsev vu dans "L'Eléphant Vert" (1999) de Svetlana Baskova, "Viking la Naissance d'une Nation" (2016) de Andrey Kravchuck et "Enemy Lines" (2021) de Anders Banke, puis Victoria Tolstoganova vue dans "Saison des Hommes, la Révolution de Velours" (2005) de Oleg Setchenko, "Rachmaninov" (2007) de Pavel Lounguine ou "Soleil Trompeur 2" (2010) de Nikita Mikhalkov... Le film s'ouvre sur de jeunes soldats à l'apogée de leur beauté et de leur force, qui font penser à une propagande fasciste du culte du corps et du don de soi. Tout de rouge vêtu comme un étendard, on devine qu'ils sont les bons soldats du régime soviétique, de bons soldats qui aident à mener les grandes purges qui sèment la terreur et l'effroi dans la population, l'aveuglement ou le doute dans les rangs mêmes des persécuteurs obéissants. On fait donc connaissance avec le capitaine Volkonogov, soldat qui a tout du militaire zélé au corps d'athlète, qui impose le respect ou la simple peur et au vu de son uniforme ou de ses fonctions on n'est pas enclin à lui offrir l'absolution. Sans doute un peu plus malin que ses camarades il fuit sur un coup de tête. Une fuite qui l'amène à une première révélation, puis une autre plus perturbante... ATTENTION SPOILER !... La première est une trahison d'une jolie femme, mais comment le sait-il ?! Surtout pourquoi l'aurait-elle dénoncé, d'autant plus qu'elle n'était pas connue ?! La dimension fantasmagorique de la seconde révélation est un tournant dans le récit... FIN SPOILER !...
Pris d'une frayeur viscérale, Volkonogov n'a plus qu'une obstination, obtenir le pardon d'une victime collatérale afin de sauver son âme, le jeune russe part donc en quête de rédemption tandis qu'il reste une cible pour ses anciens camarades. Première excellente idée d'un point de vue psychologique, vouloir le pardon n'est ici jamais une question de regrets ou de remords, même pas une question de culpabilité l'officier déchu se souvient du passé (quelques flash-backs) mais ne remet rien en cause, il n'a pas le temps d'ailleurs, et puis finalement c'est fait, c'est trop tard, il a obéi aux ordres... etc... Et c'est sans doute plus facile d'obtenir le pardon d'une victime que de se pardonner soi- même ?! On constate alors que Volkonogov est capable de cruauté, qu'il a un sang froid à toute épreuve mais il a aussi une once d'humanité qui s'éveille petit à petit, subrepticement, qui s'échappe de sa carapace trop formatée. Par là même, l'autre personnage intéressant reste celui qui doit le trouver, son ancien officier, le Major Golovnia dont la situation nous oblige à se demander ce qu'il va faire. Pourrait-il finalement sauver Volkonogov ?! La violence du film n'est pas démonstrative, elle est à l'image d'une machine impitoyable mais très bureaucratique où la simplicité doit être l'efficacité, en témoigne la science du bourreau, le détail de la paille sur le sol ou encore une torture inédite, peu impressionnante visuellement mais qui dont l'iconographie nauséeuse ébranle à coup sûr. Outre ces paramètres humains, psy et voir mystiques, ce qu'on apprécie c'est aussi toute la reconstitution autour, historique et sociale. Les décors sont austères et froids dans les locaux de l'armée, miséreux et gris chez les bougres de la population, on sent aussi le poids de l'industrie, l'omniprésence des usines, le poids des silences, la peur insidieuse qui s'instille partout. Les deux réalisateurs-scénaristes signent un thriller à multiples facettes, un drame historique, social, psychologique qui renvoie de surcroît à un contexte contemporain brûlant. Plusieurs passages sont marquants, du père patriote jusqu'à l'aveuglement à la fillette plus lucide que la plupart des adultes en passant évidemment à cette fin et ce bain purificateur. Un très bon film prenant et intelligent, d'une densité remarquable à voir et à conseiller malgré quelques maladresses.
Note :