(Critique - avec spoilers - de la saison)À une heure où les médias théorisent autant qu'ils alimentent la popote de l'extrême droite, sur un potentiel " ensauvagement " de la société hexagonale, il y a quelque chose de pourtant vrai dans l'idée que notre monde post-Covid-19 et en pleine crise économique, est embaumé dans une anxiété générale profondément inquiétante qui menace à tout moment d'exploser.
À tel point que la violence devient, pour une très légère frange de la population, l'unique moyen d'expression face à une angoisse d'aujourd'hui comme de demain, face à laquelle on se sent tous si ce n'est impuissant, au minimum furieusement démuni pour l'affronter.
C'est dans cette humeur mâtinée d'angoisse du présent, de frustration et de colère, que s'inscrit totalement la série Acharnés chapeautée par Lee Sung Jin, sorte de variation/relecture mixte et étirée du Dérapages incontrôlés de Roger Michell avec une pointe de mood vachard à la Alex de la Iglesias, qui annonce la couleur des ses dix premières minutes montées comme un ventilateur qui soufflera le chaud comme le froid pour son auditoire.
Dix minutes écrasantes comme une valeur étalon, un avertissement dont le groove séduira où laissera sur le carreau celui qui la regarde : une introduction intense où un homme littéralement au bord du gouffre, Danny Cho, sorte de cousin pas si éloigné du William Foster de Falling Down, au quotidien engoncé dans un mélange de rage contenue et d'impuissance (dont l'issue sera soit un pétage de câbles mignon, soit une tentative de suicide), voit dans la conduite aggresive d'Amy Lau et la poursuite immédiate de celle-ci du parking d'un magasin de vente en détails (où il vient d'ailleurs d'échouer à se faire rembourser plusieurs produits) jusqu'à plusieurs pâtés de maisons plus loin, un put*** de soulagement cathartique.
Dix minutes qui annoncent la couleur comme dit plus haut, un échantillon in fine inoffensif en comparaison aux multiples comportements terriblement cataclysmiques qui égrainent les dix épisodes de ce qui peut se voir comme une mise en images jubilatoire d'un cri primaire follement empathique face à la dureté et l'égoïsme d'un monde impitoyable, sel d'un feel bad show toujours plus malin et imprévisible qu'il n'en à l'air.
Car loin de n'être qu'un bête et interminable affrontement entre deux âmes aux classes sociales bien distinctes, aussi têtues qu'épuisées physiquement et spirituellement, Beef en V.O fait constamment évoluer leur relation conflictuelle, les faisant passer d'ennemis à alliés, de némésis buttés et détestés à seuls êtres capable de comprendre l'autre comme personne, plus même que des entourages respectifs qu'ils vont également apprendre à connaître.
Un " nous ne sommes pas si différents " so Bondien mais résolument plus rock'n'roll et surtout loin d'être ringard ni bardé de clichés dans sa manière de puiser dans les rages respectives de ses personnages (dont on croît crédibles toutes leurs prises de décisions, même les plus démentes), victimes conscientes d'un capitalisme qui les force à se laisser aller à leurs pires comportements tout en les punissant ensuite pour avoir cédés.
Lui est homme fatigué de perdre mais qui, paradoxalement, ne peut s'empêcher de faire des erreurs de plus en plus grosses dans un effort désespéré de changer la donne.
C'est un immigrant coréen qui s'est cassé le popotin en tant qu'entrepreneur pour faire venir ses parents aux États-Unis, mais qui n'a jamais réussi à le faire.
Il est même un père de substitution pour un frère pantouflard, qui ne fait qu'augmenter son stress déjà conséquent au quotidien.
Elle aussi subit les pressions familiales et professionnelles, se demandant si elle n'a pas trop sacrifié son équilibre vie personnelle/vie professionnelle dans l'éducation de sa fille, si les femmes qui tournent autour de son mari artiste - mais pas vraiment populaire - peuvent le faire vaciller, si elle fait bien de se séparer de son entreprise.
Beef, c'est l'histoire de deux personnes qui en ont marre de prendre des détours dans la vie et qui coupent cette fois à travers champs, même si un ravin les attend à l'arrivée, deux personnes qui bousculent pour ne plus être bousculés.
Alternant constamment entre la comédie, le drame et le thriller avec une maîtrise rare, véritable cocktail intense de cynisme et d'indignation vertueuse où deux êtres foncièrement bons mais laissant s'exprimer leur côté obscur (formidable tandem Ali Wong/Steven Yeun, déjà dans deux des performances télévisées les plus marquantes de récente mémoire), se transforment lentement mais sûrement comme deux miroirs de nous-mêmes; Acharnés se fait un audacieux moment de télévision sauvage et imprévisible tant tout y est possible - surtout le pire.
Où comment la vie peut littéralement changer sur un simple coup de klaxon...
Jonathan Chevrier
À tel point que la violence devient, pour une très légère frange de la population, l'unique moyen d'expression face à une angoisse d'aujourd'hui comme de demain, face à laquelle on se sent tous si ce n'est impuissant, au minimum furieusement démuni pour l'affronter.
C'est dans cette humeur mâtinée d'angoisse du présent, de frustration et de colère, que s'inscrit totalement la série Acharnés chapeautée par Lee Sung Jin, sorte de variation/relecture mixte et étirée du Dérapages incontrôlés de Roger Michell avec une pointe de mood vachard à la Alex de la Iglesias, qui annonce la couleur des ses dix premières minutes montées comme un ventilateur qui soufflera le chaud comme le froid pour son auditoire.
Copyright Netflix
Dix minutes écrasantes comme une valeur étalon, un avertissement dont le groove séduira où laissera sur le carreau celui qui la regarde : une introduction intense où un homme littéralement au bord du gouffre, Danny Cho, sorte de cousin pas si éloigné du William Foster de Falling Down, au quotidien engoncé dans un mélange de rage contenue et d'impuissance (dont l'issue sera soit un pétage de câbles mignon, soit une tentative de suicide), voit dans la conduite aggresive d'Amy Lau et la poursuite immédiate de celle-ci du parking d'un magasin de vente en détails (où il vient d'ailleurs d'échouer à se faire rembourser plusieurs produits) jusqu'à plusieurs pâtés de maisons plus loin, un put*** de soulagement cathartique.
Dix minutes qui annoncent la couleur comme dit plus haut, un échantillon in fine inoffensif en comparaison aux multiples comportements terriblement cataclysmiques qui égrainent les dix épisodes de ce qui peut se voir comme une mise en images jubilatoire d'un cri primaire follement empathique face à la dureté et l'égoïsme d'un monde impitoyable, sel d'un feel bad show toujours plus malin et imprévisible qu'il n'en à l'air.
Car loin de n'être qu'un bête et interminable affrontement entre deux âmes aux classes sociales bien distinctes, aussi têtues qu'épuisées physiquement et spirituellement, Beef en V.O fait constamment évoluer leur relation conflictuelle, les faisant passer d'ennemis à alliés, de némésis buttés et détestés à seuls êtres capable de comprendre l'autre comme personne, plus même que des entourages respectifs qu'ils vont également apprendre à connaître.
Copyright Netflix
Un " nous ne sommes pas si différents " so Bondien mais résolument plus rock'n'roll et surtout loin d'être ringard ni bardé de clichés dans sa manière de puiser dans les rages respectives de ses personnages (dont on croît crédibles toutes leurs prises de décisions, même les plus démentes), victimes conscientes d'un capitalisme qui les force à se laisser aller à leurs pires comportements tout en les punissant ensuite pour avoir cédés.
Lui est homme fatigué de perdre mais qui, paradoxalement, ne peut s'empêcher de faire des erreurs de plus en plus grosses dans un effort désespéré de changer la donne.
C'est un immigrant coréen qui s'est cassé le popotin en tant qu'entrepreneur pour faire venir ses parents aux États-Unis, mais qui n'a jamais réussi à le faire.
Il est même un père de substitution pour un frère pantouflard, qui ne fait qu'augmenter son stress déjà conséquent au quotidien.
Elle aussi subit les pressions familiales et professionnelles, se demandant si elle n'a pas trop sacrifié son équilibre vie personnelle/vie professionnelle dans l'éducation de sa fille, si les femmes qui tournent autour de son mari artiste - mais pas vraiment populaire - peuvent le faire vaciller, si elle fait bien de se séparer de son entreprise.
Beef, c'est l'histoire de deux personnes qui en ont marre de prendre des détours dans la vie et qui coupent cette fois à travers champs, même si un ravin les attend à l'arrivée, deux personnes qui bousculent pour ne plus être bousculés.
Copyright Netflix
Alternant constamment entre la comédie, le drame et le thriller avec une maîtrise rare, véritable cocktail intense de cynisme et d'indignation vertueuse où deux êtres foncièrement bons mais laissant s'exprimer leur côté obscur (formidable tandem Ali Wong/Steven Yeun, déjà dans deux des performances télévisées les plus marquantes de récente mémoire), se transforment lentement mais sûrement comme deux miroirs de nous-mêmes; Acharnés se fait un audacieux moment de télévision sauvage et imprévisible tant tout y est possible - surtout le pire.
Où comment la vie peut littéralement changer sur un simple coup de klaxon...
Jonathan Chevrier