Premier long métrage de Ida Lupino, star avec des films comme "Peter Ibbetson" (1935) de Henry Hathaway, "Le Vaisseau Fantôme" (1941) de Michael Curtiz, "La Vie Passionnée des soeurs Brontë" (1946) de Curtis Bernhardt ou "La Femme aux Cigarettes" (1948) de Jean Negulesco. L'actrice a eu envie de se tourner vers la réalisation quand elle s'aperçut que "quelqu'un d'autre semblait faire tout le travail intéressant". Avec son époux, le producteur-scénariste Collier Young elle fonde une société de production indépendante, une des premières crées par une actrice, la Emerald Films qui va vite devenir The Filmmakers. Pour ce premier projet,  l'actrice-scénariste s'intéresse à un sujet difficile et très actuel, les filles-mères. C'est d'abord une histoire qui lui est proposée par Malvin Wald qui a écrit entre autre "La Fin d'un Tueur" (1948) de Rudolph Maté et "La Cité sans Voiles" (1948) de Jules Dassin, puis Paul Jarrico qui a signé des films tels que "Âmes Russes" (1944) de Gregory Ratoff et Laszlo Benedek ou "Les Anges Marqués" (1948) de Fred Zinnemann, ce dernier co-signe le scénario ensuite avec Ida Lupino. La réalisation est d'abord confiée à Elmer Clifton, réalisateur expérimenté mais peu connu avec des films comme "Her Official Fathers" (1917), "Le Harpon" (1923), "Skull and Crown" (1935) ou "Seven Doors to Death" (1944). Le choix de ce cinéaste est aussi un choix économique, un bon tehcnicien, un simple faiseur donc pas cher. Malheureusement (ou heureusement !) le cinéaste décède d'une crise cardiaque peu de temps après le début du tournage, ce qui poussa Ida Lupino à prendre les commandes...

Sally Kelton, jeune femme est arrêtée alors qu'elle enlève un bébé. Incarcérée, elle se remémore ses derniers mois qui l'ont amenée à cet ultime geste. Elle a 19 ans et rêve d'une autre vie, et donc peut-être trouver l'homme idéal qui lui ouvrirait de nouveaux horizons. Elle tombe amoureuse d'un pianiste... La jeune femme est incarnée par Sally Forrest dans son premier rôle principal après plusieurs petits rôles non crédités entre autre sur "La Pluie qui Chante" (1946) de Richard Whorf ou "Le Brigand Amoureux" (1948) de Laszlo Benedek et retrouvera sa réalisatrice plusieurs fois ensuite. Le pianiste est joué par un certain Leo Penn, qui verra sa carrière brisée plusieurs années à cause du Maccarthysme, puis deviendra un réalisateur réputé sur de nombreuses séries TV comme "L'Homme de Fer", "Gunsmoke", Columbo" ou "Kojak" mais il va surtout devenir le père de deux futures stars, Chris Penn et surtout Sean Penn. L'autre homme est interprété par Keefe Brasselle remarqué dans "L'Engrenage Fatal" (1947) de Anthony Mann et qui sera surtout vu ensuite dans "Le Droit de Tuer" (1951) de Richard Thorpe et "Une Place au Soleil" (1951) de George Stevens. Citons ensuite Dorothy Adams actrice de seconds rôles aperçue dans plusieurs chefs d'oeuvres comme "Ninotshka" (1939) de Ernst Lubitsch, "Laura" (1944) de Otto Preminger et plus tard "L'Ultime Razzia" (1956) de Stanley Kubrick ou "3h10 pour Yuma" (1957) de Delmer Daves, Ruth Clifford aperçue notamment dans "L'Image Aimée" (1923) et "Le Convoi des Braves" (1950) tous deux de John Ford, Lawrence Dobkin à ses débuts et vu ensuite dans "Mort à l'Arrivée" (1950) de Rudolph Maté, "La Mort aux Trousses" (1959) de Alfred Hitchcock ou "Patton" (1970) de Fraklin J. Schaffner, Anne O'Neal vue dans "La Splendeur des Amberson" (1942) de Orson Welles, "La Fosse aux Serpents" (1948) de Anatole Litvak et "Le Démon des Armes" (1950) de Joseph H. Lewis, puis enfin n'oublions pas Rita Lupino soeur de la réalisatrice-scénariste...

Le film s'ouvre sur une jeune femme aux yeux hagards, vides comme si la fin était proche, le drame imminent. Le flash-back débute ensuite, une jeune femme qui vit avec ses parents traditionnels et puritains bon genre dans l'Amérique d'après-guerre. Elle rêve évidemment d'une autre vie, plus heureuse, avec d'autres rêves et d'autres espoirs jusqu'à ce qu'un pianiste lui permet de croire à un avenir meilleur. Ida Lupino montre ainsi une jeune femme qui aspire au bonheur, comme toutes les jeunes femmes sans doute, et dans le même temps montre le danger le plus simple, le plus courant peut-être pour les jeunes femmes qui vivent encore dans une communauté patriarchale où l'avenir d'une femme est celle d'épouse et de mère au foyer. Mais surtout le film suggère que rien ne prépare une jeune femme aux assiduité des hommes, surtout de ceux qui ne promettent rien. Être fille mère est une voie sans issue qui mène à faire des rencontres, notamment celle d'une "amie" dans les instituts pour filles-mères, qui démontre une autre facette du problème avec toute son ambiguité. Le plus impressionnant dans ce film est son audace (1949 !), et sa modernité en abordant un tel sujet avec empathie, de façon humaine et optimiste tout pointant du doigt la réalité des choses. Certe on peut aujourd'hui trouver que c'est un peu sage, mais se remettre dans le contexte d'époque permet de voir que Ida Lupino ne manque ni de courage ni d'à-propos. Un film à voir et à conseiller.

Note :