[CRITIQUE] : Showing Up

[CRITIQUE] : Showing Up
Réalisatrice : Kelly Reichardt
Avec : Michelle Williams, Hong Chau, Maryann Plunkett,...
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Comédie
Nationalité : Américain
Durée : 1h48min
Synopsis :
Avant le vernissage de son exposition, le quotidien d'une artiste et son rapport aux autres, le chaos de sa vie va devenir sa source d'inspiration…
Critique :

Outre la création, #ShowingUp est tout entier consacré aux interactions sociales, qu'elles soient une corvée ou non. Le monde artistique que nous dépeint Kelly Reichardt se positionne aux antipodes de l'univers aseptisé et opportuniste des galeries new-yorkaises. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/u6R7oS99O3

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) April 10, 2023

En 2021, la France avait célébré Kelly Reichardt avec une rétrospective au Centre Pompidou à Paris, mais surtout avec un box-office impressionnant pour son précédent long métrage, First Cow (plus de 105 000 entrées, en comparaison avec ses autres films qui tournaient autour de 50 000). Réalisatrice plutôt à la marge, Kelly Reichardt se retrouve en compétition officielle à Cannes 2022 pour la première fois, avec son huitième long métrage Showing Up. Dans son entière filmographie, la réalisatrice a filmé les paysages des États-Unis comme des personnages, que ce soit les plaines désertiques du Montana (Certaines Femmes) ou les forêts luxuriantes de l’Oregon. Dans ce nouveau film, c’est les quartiers tranquilles de Portland qu’elle capte de son œil avisé (l’Oregon, toujours lui), lieu saint des artistes de la ville.

[CRITIQUE] : Showing Up

Copyright Allyson Riggs/A24


À quelques jours de son vernissage (the showing en anglais), Lizzie est tendue. Le titre, Showing Up fait évidemment référence à l’exposition, il est aussi une façon de caractériser ce personnage peu sympathique. Elle a du mal à être présente sur le moment, toute concentrée qu'elle est sur ses sculptures. Lizzie est une femme fermée, solitaire, elle ne se déride que face à ses œuvres. Elle les considère même plus que les êtres vivants. Par le biais de Lizzie, Kelly Reichardt donne vie à un quartier par petite branche, comme l'artiste elle-même façonne ses œuvres. D'abord la maison de Lizzie, puis la rue, puis l'école d'art, et enfin, les différentes galeries qui parsèment le quartier. C'est un monde à part qu'elle nous dévoile avec beaucoup de douceur. Un monde totalement dédié à la création. Chez Reichardt, celle-ci n'est ni héroïque, ni exceptionnelle mais vient se greffer au quotidien.
La simplicité traverse la filmographie de la cinéaste, la marge et la solitude également. Lizzie incarne ces trois fondements. Showing Up se trouve être une nouvelle occasion de mettre en avant l'invisible et les petits riens. De mettre le geste avant la parole. Un geste avant tout créatif (Lizzie aimerait s'y adonner pleinement, tous les jours), mais aussi un geste de tendresse, peu instinctif chez le personnage quand on la sort de son atelier. C'est avec un pigeon que ce geste se déploie, blessé à l'aile à cause de Ricky, le chat rouquin et roublard de l'artiste. Vu d'abord comme un énième problème dont elle ne veut pas s'occuper, le pigeon devient une nouvelle œuvre dans sa vie, dont il faut répéter les gestes pour qu'apparaisse enfin la beauté cachée.

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Outre la création, Showing Up est tout entier consacré aux interactions sociales, qu'elles soient une corvée ou non. Le monde artistique que nous dépeint la réalisatrice se positionne aux antipodes de l'univers aseptisé et opportuniste des galeries new-yorkaises. Un troisième geste se détache du film, après la création et la tendresse : le soutien des autres artistes, formant un collectif soudé et engageant. Il n'y a pas d'amertume ni de tension (peut-être un peu de jalousie). Kelly Reichardt, comme à son habitude, aime réfléchir aux actions collectives dans ce grand pays individualiste. Ici, la dichotomie entre la froideur de Lizzie et cet univers artistique bienveillant, forme une sorte d'humour qui sied merveilleusement au film. À l'image des sculptures de l'artiste. Si les silhouettes qu'elle crée possèdent chacune une émotion qui lui est propre, l'exposition permet de les faire dialoguer entre elles, de donner une autre interprétation et une autre beauté aux œuvres. Les personnages de Showing Up fonctionnent également comme cela.
Avec son air blasé et ses crocs aux pieds, Michelle Williams nous invite (à contrecœur) dans son monde miniature qui foisonne de vie et d'émotion. On a souvent tendance à voir les films de Kelly Reichardt comme des petits tableaux, qui représentent des petites vies marginales. C'est au contraire, un monde immense que nous présente la réalisatrice, dans chacun de ses films. Au sein de Showing Up, elle nous montre la création jusque dans son moindre détail.
Laura Enjolvy
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