« Bonne conduite » de Jonathan Barré

Bonne conduite - affichePauline (Laure Calamy) a perdu son compagnon suite à un accident de la route provoqué par un chauffard. Quand elle apprend que celui-ci s’apprête à être bientôt libéré pour “bonne conduite”, après seulement quelques années de détention, elle monte dans les tours et pète une durite. Elle quitte son travail de psychologue et devient formatrice pour la prévention routière, intervenant dans des stages de récupération de points de permis pour les mauvais conducteurs. Bon, après tout pourquoi pas… Sauf que cette activité diurne lui sert surtout à repérer les conducteurs les plus nuisibles, accros à la vitesse, réfractaires à la ceinture de sécurité ou adeptes de l’alcool au volant. La nuit venue, au volant d’une voiture de sport, elle les prend en chasse sur la route et prend un pied fou (sur le champignon) à les faire quitter la route… définitivement. S’il n’y a plus de chauffard, il n’y a plus de risques. Ca c’est de la prévention routière!
Et, c’est une très belle idée qui pourrait s’appliquer à tous les nuisibles : les machos, les brutes épaisses, les chefaillons tyranniques, les escrocs, les harceleurs téléphoniques, les saligauds qui se goinfrent de popcorn pendant les films pour le plus grand supplice des oreilles des cinéphiles, les maniaques du 49.3… Ca en fait du monde à envoyer dans le fossé…

Le hic, c’est que si on avait dû aussi se débarrasser des scénaristes ayant trop forcé sur le chouchen, alors Bonne conduite n’existerait pas. Car malgré ce point de départ brillant, le script de Jonathan Barré et Laurent Vayriot ne tient pas la route, hélas. S’ils s’étaient circonscrits à cette histoire de vengeance motorisée jubilatoire, un peu dans l’esprit du Boulevard de la mort  de Quentin Tarantino, cela aurait pu donner un film savoureux. L’idée d’y ajouter une touche de comédie policière loufoque passe aussi au vert. Grégoire Ludig et Davis Marsais, héros des deux précédents films du réalisateur (1), sont encore de la partie et incarnent le duo d’enquêteurs bas du casque chargé d’arrêter la sérial-killeuse mais qui galère à recoller les morceaux du puzzle, quand bien même les indices sont sous leurs yeux. Leur humour absurde fait souvent mouche, mais donne parfois l’impression d’assister à une succession de sketches du Palmashow (2), et oriente le récit vers la parodie assez “gentille”, loin de l’humour noir décapant que laissait présager la scène d’introduction.

En revanche, on retire des points à toute la partie annexe, autour d’un gangster et ses trafics crapuleux. On comprend bien l’idée des auteurs qui était de complexifier les choses en y ajoutant d’autres histoires, d’autres personnages hauts en couleurs, un peu comme dans le Fargo des frères Coen – et les séries dérivées. Mais ici, cela ne fonctionne absolument pas. Déjà parce que cette sous-intrigue n’est guère crédible. Et ensuite parce que le film ne prend pas le temps de s’attacher à ses personnages – ce qui faisait la force du film des frères Coen. Il est vrai que les numéros de cabotinage des acteurs (Tchéky Karyo, David Salles, Rudy Cabrol) ou la performance guère trans-cendante d’Alex Ramirès en chef de gang irlandais(e) n’aident pas vraiment. A vouloir mettre trop de choses dans leur intrigue, les auteurs ne parviennent qu’à diluer le récit et perdre le côté mordant de leur idée de départ.
Si encore cela se terminait par un final grandiloquent où tous les fils tissés venaient joyeusement s’emmêler, on pourrait y trouver un intérêt, mais cela n’est pas le cas, hélas…

Malgré l’énergie de Laure Calamy, impeccable dans ce rôle de tueuse vengeresse, la complicité du duo Ludig-Marsais avec le réalisateur et de jolis clins d’oeil pour cinéphiles (Usual Suspects, Les Oiseaux; Boulevard de la mort…), Bonne conduite laisse au final une impression mitigée. Comme si, après un démarrage en trombe, puis un ralentissement sur des petites routes de campagne (bretonnes), le film finissait par tomber en panne sèche. Dommage.

(1) : “La Folle histoire de Max & Léon”, “Les Vedettes”.
(2) : Emission télévisée à laquelle Jonathan Barré a activement collaboré, comme les acteurs Grégoire Ludig et Davis Marsais.


Bonne conduite
Bonne conduite

Réalisateur : Jonathan Barré
Avec : Laure Calamy, Tchéky Karyo, Thomas VdB, Grégoire Ludig, David Marsais, Sixtine Aupetit, Olivier Marchal, Ragnar Le Breton, David Salles, Rudy Cabrol, Alex Ramirès
Genre : Boulevard de l’Armor
Origine : France
Durée : 1h35
Date de sortie France : 29/03/2023

Contrepoints critiques :

“Avec son message malicieusement féministe et sa morale très personnelle, Bonne Conduite fait du bien en offrant aussi des apparitions savoureuses de stars qu’on s’amuse à reconnaître.”
(Caroline Vié – 20 minutes)

”David Marsais et Grégoire Ludig nous arrachent certes un sourire en duo de flics lunaires, mais avec un côté Bullitt et Riper qui leur donne un furieux air de déjà vu et symbolise l’aspect un peu daté de cette comédie noire poussive.”
(Thierry Chèze – Première)

Crédits photos : Copyright Pan Distribution / Copyright Waiting For Cinéma – Aliceléo – TF1 Films Production