[FUCKING SERIES] : Salade Grecque : Une macédoine au bon goût d'Espagne

Par Fuckcinephiles


(Critique - avec spoilers - de la saison 1)

Difficile de ne pas admettre que tous les films - ou presque - de Cédric Klapisch, se ressemblent, le cinéaste se faisant toujours l'observateur privilégié d'une poignée de jeunes hommes et femmes (souvent privilégiés) au carrefour de leur existence, se délectant de leurs aléas tant la comédie de la vie est peut-être celle la plus juste et universelle qui soit.
Mais gageons qu'il n'a, sans doute, jamais été aussi inspiré que lorsqu'il posa sa caméra dans le sillage de l'attachant et indécis Xavier, véritable alter-ego du cinéaste qui n'a faillit pourtant jamais voir le jour (L'Auberge Espagnole fut une réalisation imprévue et signée dans l'urgence, alors que le développement de Ni pour, ni contre (bien au contraire) prenait un poil plus de temps que prévu).

Copyright Jérôme Plon


Étudiant entrant de plein pied dans l'âge adulte dans L'Auberge Espagnole, scénariste de sitcoms/téléfilms goûtant aux joies de la trentaine dans Les Poupées Russes, c'est à l'aube de la quarantaine, toujours autant largué dans la vie, qu'il nous avait le plus touché dans le bien nommé Casse-tête Chinois, estampillé dernier opus d'une trilogie qui ne devait jamais avoir de suite - dixit Klapisch himself.
Mais, car il y a toujours un " mais ", si une suite des aventures de Xavier, Isabelle, Wendy où encore Martine semblait proscrite, un prolongement de la trilogie focalisée sur leur progéniture à elle sensiblement su titiller l'intérêt de son auteur, au point qu'il en a cornaqué non pas un film mais bien une série, sensiblement plus casse-gueule sur le papier.
Soit Salade Grecque, qui n'abandonne pas (heureusement) ses figures tutélaires tout en incarnant un agréable " et après ", scrutant les atermoiements de Tom et Mia fraîchement dans la vingtaine, dans ce qui peut se voir comme un remake contemporain de L'Auberge Espagnole (l'opus le plus faible des trois) catapulté à Athènes, où la découverte à la fois de soi et de la vie d'adulte de Tom (qui est le portrait craché de son paternel) et Mia (à l'écriture définitivement plus maladroite), se fait dans un cadre à la fois familier et accueillant que joliment propice à trouver sa place dans un monde où tout va définitivement trop vite.

Copyright Jérôme Plon


Mais si elle s'inscrit dans la droite lignée du matériau original dont elle reprend l'essence savoureusement burlesque et réaliste de sa peinture générationnelle, elle subit de facto les affres de la comparaison, tombant autant dans les travers faciles (une abondance de parallèles/clins d'œil) que dans une envie de trop en faire, fruit d'une durée sensiblement plus ample, mais pas toujours bien négociée.
S'il a le bon ton d'explorer les thèmes de patrimoine et d'héritage familial esquissés dans Casse-tête Chinois (la relation paternel entre Xavier et son père, qui a un impact direct entre celle qui entretenait avec Tom) tout en permettant à la saga de nourrir encore un petit peu plus la complexité de la famille Rousseau (la très belle et crédible relation Tom/Mia), il pêche néanmoins dans son désir d'aborder tous les maux de la société actuelle (comme s'ils impactaient/concernaient toute la jeunesse d'aujourd'hui), allant de la crise/instabilité économique à la crise écologique, en passant par le sort des migrants, la transidentité où encore les violences sexistes et sexuelles; le tout abordé en parallèle du voyage émotionnel et initiatique des deux jeunes adultes, aux parcours sensiblement distincts (le premier vient de créer sa start-up à New York, la seconde vient de lâcher ses études en Grèce pour s'engager dans des associations d'aide aux migrants).

Copyright Jérôme Plon


Une envie de diversité certes louable, mais qui se heurte à une écriture pas toujours adroite (qui survole plus qu'elle n'aborde ses thèmes, un comble avec plusieurs heures au compteur) quant elle n'est pas irritante (ses sous-intrigues conclues à l'arrachée en tête), dont le cahier des charges transpire un peu trop à l'écran.
Pire, si l'on peine un brin à s'attacher à toutes les figures nouvelles et éclectiques qui émanent de cette collocation 2.0 (un souci il est vrai déjà rencontré dans le film original, même si chacun ici à suffisamment le temps de s'exprimer), c'est in fine dans les apparitions timides mais essentielles du casting original, que le show trouve continuellement un second souffle salutaire.
Des menus défauts qui, comme souvent chez Klapisch, sont constamment contrebalancés par une bonne humeur férocement communicative, qui booste son canevas romantico-politico-éclaté aussi pétillant qu'intelligent et optimiste dans sa solidarité profonde et exacerbée, bourrées d'idées de génies et de touches " Klapischienne " savoureuses.
Du pur feel good charmant et attachant qui nous donne une furieuse envie de voyager, d'aimer et de se laisser-aller dans un Athènes cosmopolite et en pleine reconstruction.

Copyright Jérôme Plon


Tout n'est pas bien parfaitement assaisonné dans cette Salade Grecque, faite de huit épisodes comme autant d'envie de présenter de la même manière les enfants d'aujourd'hui, vingt ans après avoir ausculté une jeunesse de l'instant qui sont désormais des parents aux récits homériques, marqués par une sagesse pétillante et des souvenirs toujours aussi vifs.
Alors non, il n'y a pas le feu Martine, mais on a quand-même (très) chaud dans nos petits cœurs fragiles et nostalgiques.

Jonathan Chevrier