[CRITIQUE] : Désordres

[CRITIQUE] : Désordres
Réalisateur : Cyril Schäublin
Acteurs : Clara GostynskiAlexei EvstratovMonika Stalder,...
Budget : -
Distributeur : Shellac
Genre : Drame
Nationalité : Suisse.
Durée : 1h33min
Synopsis :
Dans une horlogerie suisse où commencent à poindre les bouleversements induits par les avancées technologiques du XIXe siècle, Josephine, une jeune ouvrière, fabrique le balancier, véritable cœur des mécanismes. Alors que les dirigeants y réorganisent le travail, le temps et les salaires pour rester compétitifs, elle se retrouve mêlée à un mouvement local d’horlogers anarchistes où elle rencontre l’aventurier russe Pierre Kropotkine.

Critique :

Dépouillé et burlesque tout en étant infiniment juste dans sa vision de l'aliénation causé par le travail à la chaîne, #Désordres se fait un étonnant portrait de la lutte des classes mais aussi sociétal, presque Loachien s'il ne refusait pas tous les atours du drame conventionnel pic.twitter.com/xDOov3U7JK

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) April 16, 2023

Le tableau austère qu'incarne le second long-métrage de Cyril Schäublin, Désordres, s'inspire plus où moins vaguement des écrits du penseur politique et essayiste russe Pierre Kropotkine, présent au cœur de la narration sans pour autant en être le sujet dans une sorte de biopic et/où portrait imbibé par son idéologie.
Un second effort qui peut se voir in fine comme une singulière mais prenante étude sociale d'une communauté suisse - et plus directement ceux faisant vivre une usine de fabrication de montre - de la vallée du Jura à la fin du XIXème siècle (fonctionnant selon quatre horaires distincts : l'horaire de l'usine horlogère étant en avance de huit bonnes minutes sur l'horaire municipal, qui est fixé à la poste locale), qui embrasse lentement mais sûrement les principes de l'anarchisme.
Une oeuvre pas si éloignée de l'excellent et post-mai 1968 L'Établide Mathias Gokalp, en salles depuis mercredi dernier, Schäublin, lui-même fils d'horlogers, prenant ici les pièces mobiles du mécanisme de la montre comme une métaphore de l'usine - à l'aube de son industrialisation - et de son travail à la chaîne, où chaque ouvrier représente le moindre petit rouage d'une montre, un rôle à la fois un brin ostentatoire mais furieusement essentiel.

[CRITIQUE] : Désordres

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Cela dit, bien plus que le film porté par Swan Arlaud, Désordres en décontenancera plus d'un de par son approche volontairement détachée, presque dénuée de tout lien émotionnel et/où de rigueur intellectuelle, embaumé qu'il est par un humour aussi subtil qu'absurde et une mise en scène minimaliste qui, lorsqu'elle ne scrute pas avec minutie les rouages ​​du mécanisme de la montre, se fait plus abstraite en positionnant les personnages et l'action à la périphérie même du cadre.
Dépouillé et burlesque tout en étant infiniment juste dans sa vision de l'aliénation causé par l'oppressant travail à la chaîne, alors qu'en plein processus d'industrialisation, apparaissent en même temps des interrogations contestataires qui questionnent non seulement le système du travail mais aussi celui du fonctionnement social, Désordres se fait un étonnant portrait de la lutte des classes mais aussi sociétal, presque Loachien s'il ne refusait pas tous les atours du drame conventionnel.
Un effort politique à la fois subtil et intelligent - même si (très) mécanique - dans sa volonté d'aborder l'oppression et les humiliations constantes subies par les travailleurs, ravages d'un capitalisme toujours aussi actuel. 

Jonathan Chevrier
[CRITIQUE] : Désordres