Avec : avec les voix de Makoto Nonomura, Yuriko Ishida, Akira Kamiya,...
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Budget : -
Genre : Animation, Comédie Dramatique.
Nationalité : Japonais.
Durée : 1h54min
Date de sortie : 18 janvier 2006
Date de ressortie : 19 avril 2023
Synopsis :
Espèce mi-raton laveur mi-blaireau, les Tanukis partageaient aisément leur espace vital avec les paysans. Entrecoupée de batailles entre tribus, leur vie insouciante leur faisait ignorer la présence toujours plus proche des hommes… Jusqu’au jour où ces derniers décident de s’approprier leur territoire et de faire de la montagne une ville. Capables de se métamorphoser à volonté, les Tanukis vont tenter d’effrayer les humains grâce à leurs pouvoirs extraordinaires. Cependant, il en faudra plus pour que les hommes renoncent à la destruction de la forêt. Face à la menace expansionniste, la riposte des Tanukis s’organise mais les animaux ne sont pas au bout de leurs peines !
Critique :
Merveilleuse et dense fable à la fois follement humoristique et profondément désabusé, savoureusement grotesque et tragique, #Pompoko, visuellement complètement fou et décomplexé, tente de réconcilier avec tendresse passé et présent, humanité et nature, mythes et modernité. pic.twitter.com/CRIl1Fs8dj
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) April 20, 2023
À l'heure de sa ressortie presque trente ans après son arrivée en salles nippones, Pompoko se fait, rétrospectivement, autant un petit miracle sur pellicule que le point d'orgue de la carrière de son auteur, feu Isao Takahata.
Tellement que sa présence par la suite au cœur de l'industrie de l'animation nippone se fera furieusement sporadique - deux films en vingt ans, Mes voisins les Yamada en 1999 et Le Conte de la princesse Kaguyaen 2013.
Un petit miracle tant il est autant embaumé de tous les pores de sa pellicule, par le fantastique parfum d'aventure derrière tous les films bénis du studio Ghibli (il met ici en images des figures importantes du panthéon folklorique du shintoïsme et des traditions japonaises, les tanuki, qu'il avait déjà mis en scène dans Goshu le violoncelliste) que viscéralement animé par leur engagement politique, écologique et social (une nouvelle fois la lutte contre les abus et les dérives du monde contemporain).
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Où comment faire se percuter les réminiscences du passé de la culture japonaise à la vérité de la fin du XXème siècle et de l'ère Heisei, mué par le repositionnement progressif de la nation dans l'axe géopolitique international.
Une ère du grand changement et de la nouvelle industrialisation - dans toutes les contradictions que cela impose -, de la croissance économique et de l'urbanisation extrême où les campagnes se transforment en villes.
Une ère où les tanuki n'ont pas leur place, à la fois dans la croyance populaire (ils ne sont plus vénérés après l'abandon du shintoïsme) que dans une nature de plus en plus dévastés, eux dont l'attitude à la fois ingénieuse et maladroite, marque déjà les signes d'une disparition annoncée.
En les (re)plaçant au cœur de l'histoire, Pompoko revêtit alors les courbes d'une ode à la rébellion, d'une ode à la lutte pour revendiquer son existence, ses droits et son histoire autant qu'une humble élégie sur une extinction inévitable et une impuissance déchirante; une métaphore d'un Japon fracturé entre tradition et modernité, d'une nation happée par le cynisme d'un capitalisme et de son libéralisme économique qui détruit tout.
Si le tanuki peut - un temps - résister dans la bulle de fantaisie qu'incarne le cinéma " Ghiblesque ", il n'a plus du tout aucune prise dans la réalité.
Même s'il est furieusement pessimiste, il ne faut pas pourtant lire dans l'anti-modernisme de Takahata un déni de réalité, ni une mélancolie envers un passé impérial et guerrier, mais bien un regard mélancolique vers un passé pas si lointain où les traditions n'entravaient pas la quiétude du quotidien, où le modernisme ne ravageait pas le monde - et ses croyances - qui nous entoure.
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Comme dans la majorité de ses efforts, il y a toujours une déchirure vibrante entre le rêve que l'on fait de la réalité et ce qu'elle est réellement, une opposition entre celles dont on peut franchir les barrières et celle avec laquelle on doit composer (et où les illusions, les transformations, ne sont que des coups d'épées dans l'eau), mais rarement cette frontière poreuse aura eu aussi d'impact que dans Pompoko et ses âmes multiples, sa manière de prôner les valeurs perdues d'un monde où l'humanité et le respect avaient encore un sens, où elles n'étaient pas encore pervertie par l'individualisme et l'inconscience (de l'autre, de la nature, des traditions).
Merveilleuse et dense fable à la fois follement humoristique et profondément désabusé, savoureusement grotesque et tragique, Pompoko, visuellement complètement fou et décomplexé, tente de réconcilier avec tendresse passé et présent, humains et nature, mythes et modernité, et ces tanuki ont paradoxalement plus d'humanité (et de corones, oui) que nous n'en auront peut-être jamais.
Les vrais blaireaux, c'est nous...
Jonathan Chevrier