L'Étrangleur de Boston (2023) de Matt Ruskin

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Parfois producteur comme pour "The Boy" (2015) de Craig William Macnell ou "Infiltrator" (2016) de Brad Furman mais surtout réalisateur-scénariste notamment de "Booster" (2012) et "Crown Heights" (2017), Matt Ruskin revient avec un projet passionnant qui a déjà été porté à l'écran avec  "Le Tueur de Boston" (1964) de Burt Topper et surtout le puissant "L'Étrangleur de Boston" (1968) de Richard Fleischer qui revenaient sur  l'affaire de l'Étrangleur de Boston (Tout savoir ICI !) alors encore toute récente. C'est certain que le cinéaste prend un risque tant le film de Fleischer a marqué les esprits aussi bien sur le fond que sur la forme. Néanmoins, après tant d'années on peut aussi se dire que de nouvelles informations sont venues étayées l'affaire, sans compter que le condamné Albert DeSalvo est mort assassiné en cellule en 1973 et que depuis de nombreuses voix s'élèvent et contredisent les éléments de l'enquête et du procès... 1963 à Boston, des femmes âgées sont retrouvées assassinées et violées de façon atroces. Après quelques mois la police semble n'avoir aucune piste valable et les victimes s'accumulent au point qu'une psychose s'est installée en ville surtout parmi les femmes. Reporter au sein du quotidien Record-American, Loretta McLaughlin commence à s'y intéresser malgré le blocage machiste de ses collègues. Avec sa collègue Jean Cole elles décident d'enquêter de leur côté et notamment en cherchant un lien entre les victimes ce que la police ne semble pas prendre au sérieux... 

Loretta McLaughlin est incarnée par Keira Knightley, star particulièrement discrète dans sa filmographie depuis quelques temps qui se résume à "Miss Revolution" (2020) de Philippa Lowthorpe, "Silent Night" (2021) de Camille Griffin et "Charlotte" (2021) de Eric Warin et Tahir Rana. Sa collègue Jean Cole est incarnée par Carrie Coon vue entre autre dans "Gone Girl" (2014) de David Fincher, "Pentagon Papers" (2017) de Steven Spielberg, "Les Veuves" (2018) de Steve McQueen ou "S.O.S. Fantômes : l'Héritage" (2021) de Jason Reitman. Le mis en cause Albert DeSalvo, faisant ainsi suite à l'excellent Tony Curtis, est interprété par David Dastmalchian vu dans "The Suicide Squad" (2021) de James Gunn et "Dune" (2021) de Denis Villeneuve. Citons pour les autres personnages, le directeur du journal joué par Chris Cooper vu dernièrement dans "Les Filles du Docteur March" (2019) de Greta Gerwig et "Irrésistible" (2020) de Jon Stewart, parmi les policiers Bill Camp qui retrouve son réalisateur de "Crown Heights" (2017) et vu depuis dans "Joker" (2019) de Todd Phillips, "Dark Waters" (2019) de Todd Haynes ou "Clair-Obscur" (2021) de Rebecca Hall, Alessandro Nivola vu dans "Many Saints of Newark - une Histoire des Soprano" (2021) de Alan Taylor et "Amsterdam" (2022) de David O. Russell puis Rory Cochrane vu dans "Les Sept de Chicago" (2020) de Aaron Sorkin ou "Affamés" (2021) de Scott Cooper. Citons aussi Robert John Burke vu dans la série TV "New-York Unité Spéciale" (2003-2017) et dans les films "BlacKKKlansman" (2018) de Spike Lee ou "L'Internat" (2018) de Boaz Yakin, puis enfin Morgan Spector vu dans "Outsider" (2016) de Philippe Falardeau ou "Nanny" (2022) de Nikyatu Jusu... Le film a une esthétique très classique, aux couleurs désaturées pour appuyer le fait qu'on ait bien dans les années 60, aux tons grisâtres pour accentuer le côté tragique. Mais d'emblée on constate surtout que le film va s'appuyer avant tout sur le message féministe, rappelant que deux femmes journalistes ont dû jouer des coudes et des mains pour se faire une place et surtout pour imposer la crédibilité de leur reportage. Surtout, le fait est qu'effectivement ces deux femmes ont été les oubliées de l'histoire.

Précisons que le film utilise le vrai nom des journaliste, Loretta McLaughlin comme le rôle principal simplement parce le statut de son actrice principal, sa collègue quant à elle écrivait sous son nom de jeune fille Jean Cole alors que son nom d'épouse était Jean Harris. Un paradoxe qui est d'ailleurs le point faible du film sur le traitement général de l'intrigue. En effet, on comprend et on salue le travail des deux journalistes qui restent les premières à avoir recouper les similitudes entre les crimes et démontrer que les différentes forces de police devaient réunir leurs informations et travailler de concert. Mais le film oublie qu'ensuite, les autorités réagissent dans le bon sens avec une enquête et des services dirigée par un substitut du procureur. Par contre le film donne l'impression que leur travail a duré de nombreuses années alors que ça n'a duré que quelques mois, on peut trouver étonnant aussi que le film occulte le travail de coordination du procureur et de l'emploi du parapsychologue Peter Hurkos. En fait, le film se focalise trop sur le sexisme ambiant qu'ont subi les deux journalistes plutôt que sur l'enquête, la mise en scène académique accentue ce côté donneur de leçon. Surtout, après la période 1965-1967 le film insinue que les deux femmes étaient encore à enquêter non stop, et que la police ne pouvait rien sans elles. La partie après 1967 paraît la moins vraisemblable, surtout que les deux journalistes avaient quitté le journal à la fin des années 60, notamment McLaughlin est devenue journaliste médicale. Mais le film reprend toute la partie que le film de 68 ne pouvait pas savoir ou n'avait pas les moyens de traiter, toute une partie qui étoffe donc forcément l'affaire et c'est ce qui sauve le film avec en prime un joli clin d'oeil au film de Fleischer. Un bon film qui pêche surtout par l'absence de tension, de suspense, ou d'un minimum d'inspiration formelle mais qui reste passionnant sur le fond quand on reste sur la période 1962-1965, mais la conclusion est juste un fantasme complotiste dangereux.

Note :  

13/20