Compte-rendu de la la 41ème édition du Brussels International Fantastic Film Festival
Événement immanquable pour les personnes aimant le cinéma de genre, le BIFFF s'est refermé pour la 41ème fois dimanche avec une sélection des plus qualitatives. Alors que la 40ème édition avait mis les petits plats dans les grands aussi bien du côté des films diffusés que des invités reconnus, cette année s'est vite distinguée par un côté resserré niveau programmation, gérant au mieux les deux salles du Palais 10 après le déménagement en septembre 2022. L'une des soirées événements était évidemment la diffusion du dernier épisode de la saga Evil Dead, Evil Dead Rise (notre critique ici), dans une salle comble. L'occasion était évidemment bienvenue d'y célébrer son invité d'honneur, Juan Antonio Bayona, et de l'introniser nouveau Chevalier du Corbeau. Le réalisateur de Quelques minutes après minuit (qu'il est d'ailleurs venu proposer à la redécouverte le lendemain) et Jurassic World : Fallen Kingdom, que nous avons pu interroger rapidement comme vous le constaterez plus loin, a exprimé le besoin de découvrir le film de Lee Cronin en compagnie du public toujours survolté du BIFFF. Ce fut effectivement une séance particulièrement mémorable, peut-être même plus grâce à l'audience qu'un film quand même bien divertissement.
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Concernant les coups de cœur, il est impossible de passer à côté du suédois UFO Sweden, où une adolescente pense pouvoir retrouver son père disparu avec les anciens amis de celui-ci, spécialisés dans la recherche de phénomènes liés aux extraterrestres. On y reviendra plus en détail à l'occasion de sa sortie en VOD le 25 mai chez Dark Star Presse mais on peut déjà dire que c'est de la bonne science-fiction trouvant une certaine émotion tout en esquivant la facilité à la Stranger Things et en restant ancré dans une ambiance 90's, à l'instar du bien nommé V/H/S 99. Dernier opus de la série de films à sketchs, ce nouveau film use assez bien de son traitement d'une cassette parasitée par plusieurs enregistrements pour offrir des récits par moments inégaux mais assez divertissants à chaque fois pour fonctionner. Malgré tout, la palme du spectacle cette année revient sans doute au prix du public, Sisu. Cette histoire d'ancien soldat confronté à des nazis en fin d'existence profite de la simplicité de son intrigue pour y dépeindre un monde en feu, celui de l'après-guerre où chacun cherche une forme de paix en opposition à la violence des nombreux affrontements qui jonchent le récit. Celui-ci est assez recentré et premier degré, trouvant en son sérieux une certaine solidité malgré un climax un poil over the top, et offre une série B assez léchée visuellement pour offrir une séance clairement surexcitée.
UFO Sweden - REinvent International Sales
Irati traite également d'un certain rapport à la nature, ici dans un cadre d'affrontements religieux, et trouve dans la mise en scène de Paul Urkijo Alijo une certaine esthétique qui célèbre le fantastique ainsi qu'une forme de romantisme. Tout le contraire du très sec Ferocious Wolf, remake espagnol de Big Bad Wolves qui s'avère très brut visuellement, ce qui permet de développer une certaine rupture avec son humour noir assez efficace. C'est un titre somme toute intriguant sur lequel on devrait revenir prochainement en compagnie de son réalisateur, Gustavo Hernández. La séance de Bonne conduite nous permet également de souligner l'intérêt de l'essai de Jonathan Barré, commençant comme un hommage stylisé aux giallos pour s'orienter vers de la comédie policière assez drôle et portée par l'énergie de Laure Calamy. Pareil pour le film catastrophe Emergency Declaration (déjà passé en France sous le nom Défense d'atterrir), suivant un avion contaminé par un attentat bioterroriste, et disposant d'une certaine efficacité narrative transcendée par ses deux acteurs principaux, Lee Byung-hun et Song Kang-ho. C'est également le duo formé par Emilia Clarke et Chiwetel Echiofor qui permet à The Pod Generation de dresser un portrait de couple intéressant suite au développement de leur bébé ex utero par le biais des nouvelles technologies. Néanmoins, rien ne nous préparait à ce qui est peut-être LA claque du festival avec Talk to me. Le public pourtant régulièrement malicieux du BIFFF n'a su exprimer de blagues devant une telle maîtrise horrifique, développant sa propre mythologie tout en traçant des personnages extrêmement justes. Le casting est impeccable et la nature des scènes de possession devrait leur donner des récompenses, ne serait-ce qu'à l'excellente Sophie Wilde. Attention : c'est de la grosse bombe horrifique à ne manquer sous aucun prétexte et son Corbeau d'Or est amplement mérité.
Bonne Conduite- Copyright Pan Distribution/Waiting for cinéma/Alicélo/TF1 Production
Membre du jury international avec Roxane Mesquida et Karim Ouelhaj, Isaac Ezban profitait de l'occasion pour dévoiler son Evil Eye, qu'il décrivait sur scène comme son premier « vrai » film d'horreur. Si nous en parlerons plus longuement lors de son entretien, il faut admettre que le long-métrage ressasse certaines thématiques de son réalisateur avec un plaisir certain, jouant de sa nature de conte pour mieux y dresser une violence enfantine et un rapport à la vieillesse et aux histoires assez passionnant. Et si ses quelques accès graphiques pourraient rebuter les plus jeunes, on en viendrait à leur recommander le film, en particulier face à un titre bien moins réussi comme Aliens abducted my parents and now i feel kinda left out. D'un aspect téléfilmesque, le titre de Jake Van Wagoner laisse peu d'impact par sa nature trop effacée, bien que les plus gentils diront que cette bulle plus optimiste était nécessaire face à certains titres plus marqués dans leur rapport au genre.
Aliens abducted my parents and now i feel kinda left out
Il faut dire que des films comme Satanic hispanics et Lost in found nous ont laissé bien plus mitigé, malgré l'animation développée par le premier avec son ambiance. L'inégalité de ses histoires rendait le tout agréable, sans plus, tandis que le second était plutôt classique dans sa gestion narrative, en faisant un thriller sympathique mais peu mémorable. Heureusement, certains ont pu découvrir le très bon Roundup sur grand écran (les personnes déçues pourront se rattraper avec son édition physique chez Métropolitan) pour du bon polar bien construit. Concernant Nightsiren, son récit d'accusation de sorcellerie et de renfermement moral aurait pu fonctionner de manière plus appuyée si le récit n'était pas aussi inégal niveau rythme. Enfin, le documentaire King on screen a beau se reposer sur les adaptations les plus abordées du Maître de l'Horreur (alors qu'il y avait matière au vu des nombreux intervenants), le résultat est assez bien fourni pour enrichir un peu ses connaissances à son sujet. De quoi clôturer une édition des plus qualitatives d'un festival iconique, aussi bien par sa sélection réussie que par son public toujours aussi animé.
Satanic hispanics
3 questions à Juan Antonio Bayona
C'est lors de l'exercice de la table ronde, toujours compliqué pour toute interview, que nous avons pu interroger l'invité d'honneur de cette édition, Juan Antonio Bayona.
Votre cinéma, ainsi que vos incursions dans les séries, ont toujours une proximité avec les contes d'un point de vue narratif. Qu'est-ce qui vous fascine dans cet aspect ?
Juan Antonio Bayona : Je pense que les contes de fées, d'une certaine manière, conservent ce savoir de la connexion avec une audience. Quand vous êtes très jeunes, les contes de fées permettent de comprendre le monde dans lequel ils vivent et de l'appréhender d'une façon qui se ressent autant de manière primale qu'honnête. J'ai donc toujours été attiré par les contes de fées de cette façon, surtout quand j'ai travaillé sur Quelques minutes après minuit. Il y avait un peu de ça dans L'orphelinat mais je m'y suis plus concentré ici, après avoir plus lu sur les contes de fées et comment ces récits sont intelligents dans leur façon de nous connecter à notre part plus primale et consciente de notre cerveau d'une façon où on peut vraiment gérer la réalité dans laquelle on vit.
Dans Quelques minutes après minuit, l'art semble un moyen d'apaisement émotionnel. L'idée du cadre est ainsi importante dans le film, comme une ouverture vers la fiction. En quoi cette idée, évocatrice à souhait, vous a paru intéressante ?
Cela vient d'abord d'une intuition puis d'une recherche. C'est comme avoir un rêve puis lire sur la signification de ce rêve. Quand vous lisez à son sujet, vous pouvez atteindre et enrichir les visuels de ce rêve parce que vous savez ce dont il parlait. Mais pour moi, il y a d'abord le rêve puis l'interprétation de celui-ci. Aussi, les visuels restent pour moi des outils importants. J'aime à penser que les films peuvent être compris sans son car c'est la façon dont on se connecte réellement avec un média. Il y a tellement de films au cinéma en ce moment qui rappellent la télévision et auxquels on ne peut se connecter tant cela se repose trop sur le son et le « Bla, Bla, Bla », la caméra n'y raconte plus réellement l'histoire. Pour moi, c'est ce qui compte et tout ce qui fait l'importance des films.
Quelque chose que je trouve intéressant à propos de Jurassic World : Fallen Kingdom est son côté plus pratique et horrifique, avec son climax plus proche de l'horreur gothique. Était-ce important pour vous de recentrer le dinosaure, désormais plus une créature numérique, comme un monstre plus tangible du passé ?
En fait, quand vous regardez le film, il y a un grand nombre d'effets pratiques concernant les dinosaures. Il y a beaucoup d'effets visuels qui fonctionnent très bien et les gens ne se rendent pas comptent qu'ils sont digitaux. Je pense que c'est grâce au mélange entre effets numériques et pratiques. Si vous faites tout en concret, il y aura un moment où vous remarquez quelque chose qui n'est pas aussi parfait que vous ne le souhaiteriez. Si vous faites tout en numérique, vous allez finir par vous déconnecter du récit car il va manquer une partie, une âme dans le travail que vous faites. Je pense que le secret dans les effets visuels est de mélanger tout cela. En ce sens, j'ai eu beaucoup d'attention sur ce travail. Je me souviens que la première fois que je suis arrivé sur la pré-production, ces grosses têtes qu'ils montrent pour que les acteurs puissent les toucher étaient vertes. Les personnes des effets visuels disaient qu'il n'y avait pas besoin des textures car on pouvait remplacer cela numériquement. Je leur ai alors demandé de les peindre car, à chaque fois qu'on les touchait, il y avait un reflet de lumière sur la peau des acteurs et cela aide beaucoup dans leur intégration. J'ai donc été très méticuleux, pas seulement dans l'usage des effets pratiques et des animatroniques, mais aussi dans le fait d'avoir les effets digitaux accomplis de la bonne manière.
Un grand merci à l'équipe du BIFFF, notamment le service presse de Jonathan Lenaerts et ses stagiaires, pour l'accès au festival ainsi qu'aux interviews.