[ENTRETIEN] : Entretien avec Roxane Mesquida (Membre du Jury International du BIFFF)

Par Fuckcinephiles

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Actrice à la carrière éclectique, Roxane Mesquida nous a accordé quelques minutes pour revenir sur sa présence au BIFFF ainsi que sur sa carrière avec autant de franchise que de sympathie.

Je ne mets pas vraiment de films dans des cases. J'aime le cinéma en général. Je n'ai pas de pays que j'aime plus, je n'aime pas plus le cinéma asiatique que le cinéma européen par exemple.


Quel est ton sentiment par rapport au BIFFF et ta présence dans le jury international cette année ?

Je dirais que c'est la position la plus confortable d'être membre du jury. Je n'ai pas d'enjeu, je ne viens pas présenter un film avec l'angoisse de savoir si les gens vont l'aimer. Je suis juste là, je m'assois tranquille, je regarde des films toute la semaine -ce que j'adore faire- et ensuite, je vais donner mon avis. Il n'y a que lorsqu'on est jury que ça compte en fait. Sinon, on s'en fout un peu de mon avis sur les films. Donc j'aime bien car cela va compter un petit peu.

Comment tu décrirais ton propre rapport au cinéma de genre ?

Je ne sais pas vraiment car pour moi, ça m'est égal, genre ou pas genre, qu'un film fasse partie d'une catégorie. Je ne mets pas vraiment de films dans des cases. J'aime le cinéma en général. Je n'ai pas de pays que j'aime plus, je n'aime pas plus le cinéma asiatique que le cinéma européen par exemple. Même carrément, pour te dire, je rentre ici dans la salle et je ne sais absolument pas ce que je vais voir. Je ne veux pas savoir quelle est son origine, qui est le réalisateur, ... Je veux être assise et le plus neutre possible quand je vais voir un film. Je fais souvent ça aussi. Mon mari, quand il m'emmène au cinéma, il ne me dit pas ce qu'on va voir. Je ne sais même pas si on va voir un film d'horreur, un film d'auteur, rien. Et j'adore car après, on a des à priori en mettant les films dans des cases et je n'ai pas envie de faire ça. J'ai envie de donner ma chance à tous les films.

Tu as joué dans Sheitan, qui a gagné une certaine réputation au fur et à mesure des années. Est-ce que tu peux parler de ton expérience sur ce film ?

C'est marrant car je n'ai pas parlé de Sheitan pendant des années et maintenant, on m'en parle énormément ! C'était le premier film de genre que je faisais et c'était intéressant pour moi car ce personnage était tellement étrange. J'ai pu travailler sur une espèce d'ambiguïté, on ne sait pas trop qui était cette fille... Et c'était un personnage hyper intéressant à faire du coup. J'ai remarqué que, souvent, les personnages les plus intéressants qu'on me propose sont dans le cinéma de genre.

Kaboom - Copyright Why Not Productions


Est-ce qu'il y a moyen de revenir sur Kaboom, un film qui m'a personnellement beaucoup marqué la première fois que je l'ai vu?

C'était mon premier film américain. Moi, j'étais une très très grande fan de Gregg Araki et en fait, je l'ai rencontré à un dîner, et c'est un très grand fan du cinéma de Catherine Breillat, avec qui j'ai fait beaucoup de films. Il m'a alors proposé de travailler sur Kaboom. J'avais du mal à y croire car, quand on est fan d'un réalisateur, c'est bizarre de le rencontrer et qu'il nous dise « J'ai un rôle pour toi dans mon prochain film ». Effectivement, il m'a envoyé son scénario, j'ai fait son film et, ce qu'il y a de plus incroyable, c'est que j'ai eu la chance de continuer un peu l'aventure avec la série Now Apocalypse, qui est très inspirée du film. Là carrément, il a écrit mon rôle en pensant à moi et c'était hyper facile pour moi d'interpréter ce personnage hyper désagréable (rires), sexy, genre... Tout ce que j'adore faire ! Je ne sais pas comment expliquer mais Gregg Araki, c'est quelqu'un que j'adore, qui est un réalisateur à l'image de ses films je trouve. C'est quelqu'un d'hyper positif et c'était la première fois que je faisais un film avec une personne aussi positive en fait. C'est-à-dire que, chaque fois qu'on tournait, à chaque plan, il me disait « Ah, c'est génial ! » et donc, ça te donne toujours envie de donner plus en fait. Il est tellement content en fait qu'on a envie de le rendre encore plus content alors qu'il y a des réalisateurs qui disent tout le temps « Ah non, ça ne va pas » ou « Fais autre chose ». Donc on se sent perdu alors que travailler avec lui, c'est toujours hyper facile et hyper familier.

Le fait que tu parles de série me permet de te demander la différence de travail selon toi entre des films indépendants comme Sheitan, Kaboom ou les Dupieux et des séries qui sont plus marquées comme Gossip Girl ?

Quelle est la différence ? (réfléchit). C'est juste que la série a un rythme différent. On travaille parfois 17 heures dans la journée, ça va très très très très vite, on tourne tellement de choses dans une journée. Il y a souvent plusieurs caméras en même temps, c'est complètement différent d'un cinéma d'auteur où l'on prend une journée entière pour tourner un plan séquence. Clairement, le rythme n'a rien à voir. En fait, c'est drôle car j'ai fait Now Apocalypse, et juste après, j'ai fait un film d'auteur français qui s'appelle Méduse et qui est sorti il n'y a pas longtemps et genre, mon niveau d'énergie était très haut quand je suis arrivée sur Méduse, car je sortais d'une série où l'on faisait des heures et des heures à n'en plus finir et qu'on tournait très très vite. D'un coup, me retrouver sur un cinéma français d'auteur, où l'on prenait le temps pour tourner un plan, cela me faisait très bizarre en fait. J'avais l'impression d'avoir trop d'énergie en fait, comme si j'avais couru tellement de marathons que j'étais prête à faire les Jeux Olympiques. Donc c'est un truc d'énergie en fait Now Apocalypse, on tournait un épisode en trois jours donc on a intérêt à aller très très très très vite. C'est facile car avec Gregg Araki, il monte tout donc il sait exactement ce qu'il veut, ce dont il a besoin. Il ne va pas nous faire refaire cent cinquante fois la même scène s'il sait qu'il a exactement ce qu'il veut, ce qu'il va avoir au montage. Peut-être que la séquence en entier n'est pas parfaite mais il sait qu'au montage, il aura ce qu'il veut. Il y a des réalisateurs comme ça qui sont très techniques et donc cela va plus vite.

Justement, quelle est la mécanique de travail de Quentin Dupieux ?

Alors, c'est pareil. Quentin, c'est quelqu'un qui a beaucoup d'énergie, qui est vraiment dans l'instinct et dans l'instant, et je pense aussi que c'est pour ça qu'il tourne très vite. Il m'avait dit un jour « Je ne peux pas rester longtemps sur le même projet, il faut que le film se fasse sinon j'aurai envie de faire autre chose en fait. » Donc, c'est pareil, Rubber, il a écrit des scènes pour mon personnage pendant qu'on tournait puis il l'a un peu plus étoffé. Pendant qu'on le faisait, il y avait des choses qui se passaient en plus, ce que j'aime car ça rend le film très vivant. Il continue de vivre pendant le tournage, il n'est pas bloqué sur un scénario écrit et qui ne bougera pas en fait.

Copyright UFO Distribution

Qu'est-ce qui te motive dans tes choix de carrière ? Tu as une filmographie assez atypique.

Oui, c'est ce que tout le monde me dit. Est-ce que c'est une bonne chose ?

Pour moi, c'est une excellente chose !

Merci beaucoup ! C'est gentil ! (rires). Moi aussi, j'adore. Je travaille avec des gens tellement différents, dans le monde entier, que les gens en France ne comprennent pas spécialement. Kiss of the Damned, j'adore ce film, j'ai adoré le personnage, mais c'est un film qui n'est pas sorti en France. Donc, du coup, on a l'impression que, parce qu'il n'est pas sorti en France, il n'existe pas. Je suis désolée en fait mais les gens m'en parlent beaucoup dans ce festival. C'est un film qui a beaucoup voyagé, il est venu dans ce festival, on est allé à Venise, il a fait Gérardmer, Sitges, ... C'est un film qui a fait beaucoup de festivals. Un peu, parfois, mon travail dans le cinéma de genre, je réalise en étant aujourd'hui dans ce festival que j'en ai fait beaucoup, est un cinéma qui a été énormément snobbé par le cinéma français et ça ne m'a pas forcément aidée à avoir des propositions de cinéma en France. Mais c'est la vie, moi, je m'en fous. J'ai travaillé avec des gens que j'admire et je m'éclate.

Quels sont tes projets actuellement en cours ?

Je travaille sur une série en ce moment et j'ai produit un long-métrage qui va bientôt sortir (car je produis aussi des films), qui s'appelle Isaiah's phone, réalisé par Frédéric Da. J'ai très envie de réaliser mon propre film. Donc j'ai écrit un long-métrage et je suis en recherche de financement. J'espère le tourner très bientôt.

Un grand merci à l'équipe du BIFFF, notamment le service presse de Jonathan Lenaerts et ses stagiaires, pour l'accès au festival ainsi qu'aux interviews.