Réalisatrice : Geneviève Albert
Avec : Kelly Depeault, James-Edward Métayer, Emi Chicoine,...Distributeur : Wayna Pitch
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Québécois.
Durée : 1h56min
Synopsis :
Noémie, une adolescente impétueuse de 15 ans, vit dans un centre jeunesse depuis trois ans. Lorsqu’elle perd tout espoir d’être reprise par sa mère, Noémie fugue du centre en quête de repères et de liberté. Elle va rejoindre son amie Léa, une ancienne du centre, qui l’introduit dans une bande de délinquants. Bientôt, elle tombe amoureuse du flamboyant Zach qui s’avère être un proxénète. Fin stratège aux sentiments amoureux ambigus, Zach incite Noémie à se prostituer. Récalcitrante au départ, Noémie dit oui.
Critique :
Réaliste et férocement percutant,#NoémieDitOui ne prend pas de gants dans sa manière de pointer cliniquement l'accroissement/banalisation de la pratique de la prostitution autant que l'objectivation et la sexualisation des jeunes filles et des femmes dans la société contemporaine pic.twitter.com/iXwD7BmNqu
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) April 28, 2023
À une heure où l'on fustige, plus par manque de connaissance que par pur acte de stupidité (quoique la question se pose parfois sur les réseaux sociaux... bon très souvent), le manque d'originalité et de diversité dans le paysage cinématographique francophone, pas une semaine ne passe pourtant où presque sans qu'un premier long-métrage ne pointe fièrement le bout de son nez dans une salle obscure, qu'un où qu'une cinéaste ne vienne potentiellement faire son trou et démontrer que talent est bien là, et qu'il ne demande qu'à être soutenu (surtout en salles).
Nouvelle preuve en date - si besoin était, pour les trois au fond qui ne suivent pas - avec Noémie dit oui, estampillé premier long-métrage de fiction écrit et réalisé par la cinéaste québécoises Geneviève Albert, lente descente aux enfers d'une adolescente paumée et confrontée frontalement à la prostitution dans un Montréal crépusculaire, une séance qui ne ménage jamais son auditoire dans sa quête viscérale de la dure réalité d'une société contemporaine encore plus sombre qu'elle n'en à l'air.
Copyright Wayna Pitch
Celle qui dit oui, c'est Noémie, à peine quinze au compteur et toute sa vie devant elle, placée dans un centre de jeunesse par une mère qui ne veut pas d'elle, qui trouve le moyen de s'enfuir de sa prison de verre pour tenter sa chance à Montréal.
Mais elle n'y trouvera qu'un monde violent fait de désolation, de manipulation, de drogue et de prostitution...
Profondément intime et immersif, le film est tout du long vissée sur une héroïne que l'on ne lâche pas d'une semelle, dans les bons (rares) moments comme dans les plus difficiles et douloureux (ce qui donne autant de profondeur que cela suscite de l'empathie pour elle, magistralement incarnée par l'impressionnante Kelly Depeault), petit bout de femme qui nous entraîne inévitablement dans le même flot de mauvaises décisions qu'elle, presque déjà lessivée par une vie qui n'a fait que de lui donner des coups, qui fait le dos rond tout en continuant à avancer, assurée qu'elle est que les lendemains ne seront jamais meilleurs.
La victime d'une existence où les mots confiance et amour n'ont jamais pu s'inscrire concrètement dans son quotidien.
Copyright Wayna Pitch
Douloureusement réaliste et percutant sans pour autant jouer la carte de la complaisance, Noémie dit oui impressionne dans sa manière de pointer cliniquement du bout de la caméra l'accroissement de la banalisation de la pratique de la prostitution (pas uniquement en terre canadienne) autant que l'objectivation et la sexualisation des jeunes filles et des femmes dans la société contemporaine, tout en interrogeant sur la
notion de consentement et la toxicité de notre rapport au sexe dans un monde où tout se consomme et s'exploite.
Plus fort, la cinéaste aurait même pu tacler l'indifférence, presque complice, des institutions et d'un système éducatif qui opprime et délaisse la jeunesse plus qu'il ne prend soin d'elle et ne lui donne les clés pour arpenter plus sereinement la vie d'adulte.
Un sacré premier effort donc.
Jonathan Chevrier