[CRITIQUE] : Un an, une nuit

[CRITIQUE] : Un an, une nuitRéalisateur : Isaki Lacuesta
Acteurs : Nahuel Perez Biscayart, Noémie Merlant, Quim Gutiérrez,...
Distributeur : StudioCanal
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Espagnol, Français.
Durée : 2h10min
Synopsis :
Le soir du 13 novembre 2015, Ramón et Céline, un jeune couple, assistent au concert du Bataclan. Ils réchappent à l’attaque terroriste, mais ne parviennent pas à reprendre une vie normale. Tandis que Céline cherche désespérément à oublier cette nuit cauchemardesque, Ramón se repasse inlassablement les événements dans la tête, comme pour trouver un sens à l’horreur. ​ ​Pourtant, ils doivent désormais affronter la même question : comment surmonter l’épreuve et se tourner de nouveau, ensemble, vers la vie ?

Critique :

S'il se rêvait comme une auscultation captivante sur les ravages individuels et collectifs causés par le terrorisme, #UnAnUneNuit incarne in fine un pâle et maladroit récit de
reconstruction psychologique au mysticisme férocement décousu, d'un couple littéralement à la dérive. pic.twitter.com/U1iPFLeNkU

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 1, 2023

L'ombre des attentats du 13 novembre 2015 est tellement prégnante (son procès ne s'est clôt il y a une poignée de mois seulement), qu'il est difficile de ne pas ressentir quelque chose de profondément voyeuriste, voire même de sournoisement opportuniste, dans la propension qu'a le septième art à vouloir raviver cette blessure - qui ne se fermera jamais vraiment - où décortiquer sous toutes les coutures ces tragiques événements, d'autant plus si ce n'est pour rien ne présenter face caméra, qu'une simple mise en images des faits.
Si l'on peut très vite disculper Alice Winocour et son magnifique Revoir Paris, dont les intentions intimes (son frère a survécu à l'attaque du Bataclan) ont débouchées sur une médiation subtile sur le traumatisme, le deuil de soi et l'importance de la réappropriation des souvenirs pour avancer, comprendre et accepter que plus rien ne sera jamais pareil; pour Novembre de Cédric Jimenez et Vous n'aurez pas ma haine de Kilian Riedhof en revanche, ce n'était pas tout à fait la même limonade.

[CRITIQUE] : Un an, une nuit

Copyright 2022 UNA NOCHE LA PELICULA A.I.E, BAMBU PRODUCCIONES, S.L, MR. FIELDS AND FRIENDS CINEMA, S.L, LA TERMITA FILMS, S.L, NOODLES PRODUCTIONS, S.A.R.L


Si le premier enfermait sa reconstruction stricto sensu des événements du 13 novembre dans le prisme du polar sec et conventionnel où il n'y a de place que pour l'action et non pour la réflexion, abandonnant tout regard sociétal où même tout ancrage à des personnages taillés à la serpe; le second lui, se voulant comme une mise en images douloureuse et factuelle des conséquences et de la gestion du deuil d'un père suite à ce traumatisme collectif, ne se faisait qu'une illustration plate et sans âme d'une histoire intime pourtant furieusement bouleversante, jouant bien trop la carte du symbolisme et s'avérant même ridicule dans sa simplification à outrance des émotions complexes qu'il était censé porter et susciter.
Au tour désormais du nouveau long-métrage d'Isaki Lacuesta, Un an, une nuit, de passer sous le couperet, libre adaptation du roman de Ramón González, l'un des survivants du drame, un projet qui laissait planer plusieurs interrogations/craintes pour quiconque est au fait du cinéma de son auteur, habitué jusqu'ici à un hyperréalisme et une quête extrême d'authenticité.

[CRITIQUE] : Un an, une nuit

Copyright 2022 UNA NOCHE LA PELICULA A.I.E, BAMBU PRODUCCIONES, S.L, MR. FIELDS AND FRIENDS CINEMA, S.L, LA TERMITA FILMS, S.L, NOODLES PRODUCTIONS, S.A.R.L


Des craintes légitimes tant le cinéaste se laisse aller à la mauvaise idée de reconstituer les faits à coups de flash-backs qui ne viennent même pas nourrir le pâle et rachitique récit de la tentative de reconstruction psychologique d'un couple de survivants - aux traumatismes diamétralement opposés -, glissant lentement mais sûrement vers le mélodrame ronronnant au mysticisme férocement décousu.
Comme s'il était conscient autant de l'aspect binaire de l'opposition entre ses deux protagonistes principaux (l'un est victime de stress post-traumatique, l'autre s'enferme dans le déni), à l'incompréhension de plus en plus croissante, que de sa propre stagnation émotionnelle et de son incapacité à retranscrire l'isolement psychologique qui frappe , Lacuesta multiplie les artifices (flash-backs, confrontations avec d'autres victimes,...) et s'avère même tellement prudent dans son discours qu'il en est presque apolitique.

[CRITIQUE] : Un an, une nuit

Copyright 2022 UNA NOCHE LA PELICULA A.I.E, BAMBU PRODUCCIONES, S.L, MR. FIELDS AND FRIENDS CINEMA, S.L, LA TERMITA FILMS, S.L, NOODLES PRODUCTIONS, S.A.R.L


Tout cela culmine à une vision inconfortable des événements puisque totalement abstraite (et donc en complète contradiction avec presque tout ce qui le précède) qui dessert des intentions au demeurant sincères et humaines, pour un film qui se rêvait comme une auscultation captivante sur les ravages individuels et collectifs causés par le terrorisme, et la dure vérité qu'un tel traumatisme sépare et brise tout, même l'amour (comme le montre la déchirante conversation finale entre une très juste Noémie Merlant et un vulnérable Nahuel Pérez Biscayart).

Jonathan Chevrier
[CRITIQUE] : Un an, une nuit