[CRITIQUE] : 99 moons

[CRITIQUE] : 99 moons
Réalisateur : Jan Gassmann
Avec : Valentina Di Pace, Dominik Fellmann, Danny Exnar, Jessica Huber, …
Distributeur : La Vingt-Cinquième Heure
Budget : -
Genre : Drame, Romance
Nationalité : Suisse
Durée : 1h51min
Synopsis :
Bigna, sismologue de 28 ans, veut tout contrôler, jusqu’à ses jeux érotiques où elle domine ses partenaires. Frank, 33 ans, travaille de nuit dans des clubs où il s’évade dans les paradis artificiels et les relations sans lendemain. Ces deux mondes que tout oppose entrent en collision, puis s’unissent, entre attraction sexuelle et désir de liberté, déclenchant une folle histoire d'amour qui s’égrène sur 99 lunes.
Critique :

Avec #99Moons, le cinéaste Jan Gassmann esquisse un portrait de la génération Y dans toute sa complexité, autant qu'il confronte la volonté de faire couple et le désir de liberté, explorant les limites des relations amoureuses. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/hOP1fMOLNj

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 5, 2023

L’amour est la seule passion qui ne souffre ni passé ni avenir” nous apprenait Balzac. Il existe pourtant une temporalité dans le nouveau film de Jan Gassmann, 99 moons, sorti au cinéma presque un an après son passage à l’ACID 2022. La rencontre de Bigna et Frank est à la fois explosive et transcendantale. Elle, sismologue, étudie la rencontre de façon terrestre. Lui, barman et DJ, voit la rencontre comme une chose charnelle et naturelle. Elle aime le contrôle, il aime le chaos.

[CRITIQUE] : 99 moons

Copyright Zodiac Pictures Ltd



99 moons, soit 99 lunes, est le temps global de leur relation. Choisir la lune comme marqueur s'avère pertinent dans le cas présent tant leur couple se construit comme un cycle. Chaque séparation dévoile une part d’ombre mais Bigna et Frank ne peuvent échapper à la lumière qui se dégage de leur rencontre, comme on ne peut échapper à la nuit. Jan Gassmann les filme tel les plaques tectoniques de nos cours de SVT, le rapprochement de leur corps avec comme conséquence un (petit) séisme ressenti dans le cadre. Un tremblement réel mais aussi métaphorique. C’est tout leur monde bien défini qui vole en éclat. Un monde où le sexe est scénarisé et planifié. Frank est presque le cliché du hipster ouvert à toute forme de relation mais dont la sexualité tourne autour de la pénétration (que Jan Gassmann filme presque comme un porno ennuyeux), tandis que Bigna refuse la pénétration dans des rencontres brèves et uniques dont la violence est consentie.
Les deux personnages essayent de faire couple de différentes manières pendant ces 99 lunes. Plan cul, couple ouvert, couple monogame, couple adultère. Rien ne fonctionne vraiment pourtant chacune de leur rencontre se solde par une nouvelle tentative de couple, en fonction de leur position dans leur vie respective, de leur évolution professionnelle et intime. La crudité de leur ébats sexuels à l’écran témoigne de cette évolution et de leur combat dans les normes sociétales quand on parle de couple hétérosexuel. Le récit se montre particulièrement cruel dans leur tentative de ménager la chèvre et le chou, c’est-à-dire de mettre en relation leur envie de liberté et leur envie d’être ensemble. C’est comme si le réalisateur leur donnait la possibilité de tester les différents choix de relations que nous permet la civilisation moderne mais que ces choix finissent, d’une façon inéluctable, par un échec car le couple (hétérosexuel) est toujours synonyme de renoncement ou de sacrifice, surtout de la part de Bigna. Elle sacrifie une opportunité de carrière, elle sacrifie son corps (pénétration et grossesse). Leur relation s’engage dans une impasse à chaque fois que Bigna se révolte contre cela. 99 moons ne mettrait pas en lumière la condition sine qua non du couple moderne hétéro qui serait le sacrifice suprême de la femme ? “Moderne” dans le sens où, contrairement à l’époque, maintenant on sait ce que le couple hétérosexuel a comme conséquences (psychologiques, physiques et/ou professionnelles) pour la femme, en lui demandant quand même de s’y engager.

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Plus qu’une histoire d’amour et de sexe, le réalisateur suisse esquisse le portrait de la génération Y dans toute sa complexité. La sexualité libre jusqu’à un certain point. Le couple libre jusqu’à un certain point. L’égalité homme-femme jusqu’à un certain point. La mise en scène joue constamment sur la solitude, en sur-encadrant les personnages dans une foule ou en les isolant par la musique (cette surprenante boîte clandestine où chacun est isolé avec son casque mais en écoutant la même musique). La forme cyclique de la narration permet d’importantes ellipses qui empêchent de sentir la redondance du récit. Chaque ellipse est comme un nouveau monde où les personnages se montrent sous un nouveau jour. La luminosité évolue en fonction de ces mondes. Désaturée et sombre, colorée et patinée ou douce et naturelle. Avec 99 moons, Jan Gassmann confronte la volonté de faire couple et le désir de liberté, explorant les limites des relations amoureuses.
Laura Enjolvy
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