De trois amies qui se rendent en Grèce pour passer quelques jours de vacances dans une station balnéaire en attendant les résultats de leurs examens. Par “vacances”, il faut moins comprendre plage/visites touristiques que soirées alcoolisées en boîte de nuit/farniente comateux au bord de la piscine. L’une des trois amis, Tamara (Mia McKenna-Bruce) entend profiter du séjour pour perdre sa virginité et elle jette son dévolu sur l’un des garçons hébergés dans la chambre voisine de la leur. Mais les choses ne vont pas tout à fait se dérouler comme prévu et si l’expérience va bien lui faire “perdre son innocence”, elle va en garder un souvenir douloureux.
Pourquoi on se couche dès le premier film ?
How to have sex rappelle un peu, de par sa thématique et son déroulement, Ces folles filles d’Eve, que Henry Levin réalisa en 1960 et qui était l’un des premiers films à s’intéresser à ce moment-charnière de la vie de jeunes femmes et à leur sexualité.
La musique électro a remplacé les chansons jazzy, les night-clubs feutrés ont cédé la place à des discothèques gigantesques, temples de la nuit dédiés aux orgies et tous ces jeunes gens sont beaucoup plus délurés et décomplexés, forçant sur l’alcool et la drogue. Mais fondamentalement, rien n’a changé, malgré l’essor du mouvement #metoo. Les adolescents ressentent une sorte de pression à perdre leur virginité, comme si c’était un rite de passage obligé vers l’âge adulte et cela les pousse le plus souvent, dans ce type de lieu favorisant les rencontres de passage, à accepter le sexe comme quelque chose de séparé de tout sentiment. Autant dire que l’expérience n’est pas forcément très agréable, ni un sommet de romantisme.
Et la nature humaine n’a pas non plus fondamentalement évolué. Il se trouve toujours des types faisant passer leur plaisir avant celui de leur partenaire et ayant une conception très personnelle du consentement…
Molly Manning Walker, bien aidée par la performance de sa jeune actrice, Mia McKenna-Bruce, parvient à capter toutes les émotions traversant le personnage de Tamara. Cette adolescente voit ces vacances comme un vrai moment de lâcher-prise. Elle ne se fait guère d’illusion sur ses résultats d’examen et s’inquiète un peu de son avenir. Elle se sent inférieure à ses copines qui vont bientôt continuer leur vie, chacune de leur côté. Em (Enva Lewis) est une élève brillante, promise à une belle carrière de vétérinaire. Lesbienne assumée, elle vit sa sexualité de façon épanouie. De son côté, Skye (Lara Peake) dégage une forte confiance en elle et a un fort potentiel de séduction. Tamara a envie de perdre sa virginité pour se sentir enfin femme, enfin adulte et se mettre au diapason de ses camarades. Elle pense trouver le partenaire adéquat en “Badger”, le beau gosse d’à-côté, à qui elle a tapé dans l’oeil. Mais les circonstances et le comportement inconstant du garçon (“Badger” veut dire “Blaireau” en anglais, tout un programme…) les éloignent et la font tomber dans les bras d’un partenaire un peu moins sentimental. A partir de là, Tamara affiche sa fierté d’être enfin passée à l’acte, mais ce n’est qu’une façade, une façon de cacher son désarroi.
La cinéaste la filme au plus près, traquant les signes de fêlure, les émotions contraires qui la parcourent, et l’accompagne dans ce séjour de rêve en groupe qui tourne au cauchemar individuel.
Elle filme une jeunesse en quête de sensation fortes, s’abandonnant au vertige de la nuit, à l’alcool et aux frites au fromage, sans jamais porter de jugement sur ses personnages. Pour autant, on devine qu’elle n’a guère de sympathie (et nous non plus) pour le garçon qui a défloré la jeune femme. A l’écran, il agit comme un vrai salaud, égocentrique et bravache. Il provoque à chaque fois l’acte sexuel, en mettant sa partenaire en situation de faiblesse. Et il a une fâcheuse tendance à prendre sa partenaire pour un objet, un simple morceau de viande. #BalanceTonPorc.
Le film parle aussi de la notion de consentement. Tamara dit peut-être « oui » à son partenaire lors de son premier rapport, mais son corps, son attitude laissent à penser qu’elle n’est pas à l’aise avec l’acte sexuel. Par ailleurs, ce n’est pas l’acceptation de tout et n’importe quoi et cela n’exonère pas le garçon d’être tendre et prévenant. Surtout, cela ne fait de la jeune femme sa propriété, un objet dont on dispose à sa guise.
Pour un premier long-métrage, c’est une belle réussite, d’autant que la cinéaste a à peine trente ans. Il y a ici une énergie qui rappelle un peu les premiers films de sa compatriote Andrea Arnold, mais aussi une sensibilité singulière, très personnelle, qui ne demande qu’à s’exprimer dans d’autres oeuvres. Le Grand Prix Un Certain Regard, accordé par le jury présidé par John C. Reilly, devrait l’aider à amorcer une belle carrière. On lui souhaite, ainsi qu’à ses jeunes actrices, épatantes.
Contrepoints critiques :
”Que How To Have Sex remporte Un Certain Regard est une aberration. À filmer la beauferie hétéronormée et re-sacraliser ridiculement une 1ere fois. Anachronique.”
(Pierig L. – @Mister_ig sur Twitter)
”How to have Sex raconte ainsi de manière quasi documentaire la manière dont on s’inscrit en tant qu’individu dans une histoire écrite par la société ; une histoire distordue qui devient une légende : perdre sa virginité c’est passer d’enfant à femme, la garder c’est ne pas grandir. Dans cette légende, les termes désir, plaisir et consentement ne sont évidemment pas prononcés.”
(Amande Dionne – Abus de ciné)
”En s’appropriant les codes du teen movie et les relisant à l’aune des enjeux contemporains de la sexualité adolescente, Molly Manning Walker signe un premier long assez bluffant de maîtrise, très affirmé dans son fond comme dans sa forme.”
(Julien Lada – Cinématraque)
Crédits photos : Copyright Nikopoulos Nikos