Un grand merci à Gaumont pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Capitaine Pantoufle » de Guy Lefranc.
« Je l’ai déjà vu dans cette position au bureau. Si ce n’était la faute d’un accident, on pourrait le croire en train de travailler ! »
Pour se donner l’impression d’être riche, Emmanuel Bonnavent, employé de banque, prélève 800 000 francs dans la caisse, avec l’intention de les rendre le lendemain. Mais le directeur prévient toute la famille de son forfait. Pour se soustraire aux reproches, Emmanuel feint un infarctus, reste prostré, découvrant ainsi les sentiments de chacun à son égard.
« Je n’avais pas besoin d’argent mais de croire que j’en avais ! »
Réalisateur quelque peu oublié de nos jours par la cinéphilie, Guy Lefranc n’en fut pas moins en son temps une figure du cinéma populaire français. Cet ancien assistant réalisateur qui a collaboré avec les plus grands (Marcel Carné, Raymond Bernard, Jean Grémillon, Robert Bresson, Jean Renoir) connut ainsi un succès fulgurant dès son premier film, « Knock » (1951), porté par une performance mémorable du grand Louis Jouvet (« ça vous gratouille ou ça vous chatouille ? »). A la suite de quoi il enchainera les films avec frénésie pendant une quinzaine d’années, avec un goût particulier pour les comédies et autres comédies policières, pour lesquelles il collabora régulièrement avec Michel Audiard et Fréderic Dard. Surtout, il dirigea la fine fleur des acteurs comiques de son temps, de Louis de Funès (« La bande à papa ») à Fernand Raynaud (« Fernand Cow-boy », « Salut Berthe ! ») en passant par Roger Pierre et Jean-Marc Thibault (« Les malabars sont au parfum »). Il adapta aussi plusieurs pièces de théâtre comiques à l’écran, telles « Un fil à la patte » d’après Feydeau ou encore « Capitaine Pantoufle » (1953) d’après la pièce « Many » d’Alfred Adam.
« En somme, c’est un gros bébé ! »
On a coutume de dire que l’Homme court toujours après ce qu’il n’a pas ou ne peut pas avoir, nourrissant ainsi son sentiment d’éternelle insatisfaction. Petit cadre bancaire nonchalant et velléitaire, Emmanuel Bonnavent semble subir sa vie qui s’installe dans une rassurante routine : une belle-famille aisée, une petite vie faussement bourgeoise et un mariage en apparence sans histoire. Pourtant, il passe son temps à rêver d’une autre existence, faite d’aventures au long court, de futilités onéreuses et d’amours tumultueuses. Ce qui le poussera à emprunter pour quelques heures une grosse somme d’argent dans la caisse de la banque où il travaille, juste pour éprouver le plaisir de se croire riche pendant quelques heures. Sans se douter un instant qu’il serait découvert, sa couardise ne lui laissant alors d’autre choix que de feindre un accident cardiaque le laissant dans un état semi-comateux. Tout le sel du scénario reposant dès lors sur la réaction de ses proches et sur leurs paroles qui se libèrent pensant que le héros, apathique, n’est pas en état de les entendre et encore moins de les comprendre. Ce qui aura pour conséquence de faire éclater les faux-semblants et de révéler les travers cachés et les compromissions de chacun de ses proches (son épouse aguicheuse, son meilleur ami qui a tenté de séduire sa femme, son collègue qui le déteste), exception faite de la petite bonne à tout faire, seul personnage réellement sincère envers le héros. Derrière la farce, évidemment, le réalisateur brocarde l’hypocrisie des conventions sociales – auxquelles il faut à tout prix se conformer – et la duplicité des rapports humains, comme autant de freins à l’épanouissement personnel et à la réalisation de ses rêves. Filmé comme une pièce de théâtre, le film souffre toutefois de quelques baisses de régime (sans doute aurait-il fallu réduire sa durée d’un bon quart d’heure pour gagner en efficacité), d’autant plus flagrantes que les enjeux scénaristiques demeurent assez limités. Il peut toutefois compter sur quelques répliques qui fusent efficacement ainsi que sur un formidable casting (citons pêle-mêle François Perrier, l’excellent Pierre Mondy, Noël Roquevert, Marthe Mercadier, et même Louis de Funès dans un petit rôle) qui lui apporte sa dose de truculence. Une petite comédie un peu datée, mais néanmoins fort sympathique.
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Le blu-ray : Le film est présenté dans un Master restauré 2k et proposé en version originale française (1.0), sans sous-titrage.
Côté bonus, le film est accompagné d’une Conversation autour du film entre Didier Griselain, spécialiste du cinéma français et Sylvain Perret, chargé d’édition.
Édité par Gaumont, « Capitaine Pantoufle » est disponible en blu-ray depuis le 22 mars 2023.
Le site Internet de Gaumont est ici. Sa page Facebook est ici.