[CRITIQUE] : La maison des égarées

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Shinya Kawatsura
Avec les voix originales de : Mana Ashida, Shinobu Ôtake,…
Distributeur : Les Films du Préau
Budget : -
Genre : Animation, Fantastique, Drame
Nationalité : Japonais
Durée : 1h45min
Synopsis :
Deux jeunes filles se retrouvent séparées de leurs familles à la suite d’un terrible cataclysme. Elles qui ne se connaissaient pas, se retrouvent perdues et sans toit. Elles rencontrent une vieille dame qui propose de les accueillir dans sa maison, vétuste mais bien entretenue. Cette opportunité de repartir à zéro est un grand soulagement, jusqu’au jour où d’étranges phénomènes commencent à apparaître.

Critique :

#LaMaisonDesÉgarées veut reconnecter ses personnages à leur quotidien mais aussi reconnecter la pensée spirituelle au cœur de toutes les générations. Entre deux atmosphères, une réaliste, l’autre surnaturelle, l’histoire permet de faire un pas vers la guérison. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/djt8ASL1BW

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) June 9, 2023

En mars 2011, une catastrophe naturelle secoue le Japon. Dix ans plus tard, un projet de trois œuvres audiovisuelles voit le jour pour rendre hommage aux nombreuses victimes, le Continuing Support Project 2011+10. La maison des égarées, réalisé par Shinya Kawatsura, pose sa narration à Iwate, l’une des trois préfectures les plus durement touchées en 2011. Adapté du roman jeunesse Misaki no Mayoiga, le film s’emploie à panser les plaies de blessures encore vivaces dans les esprits, par le biais de trois personnages très différents.

Copyright Les Films du Préau


Dans le paysage culturel japonais, une mayoiga est une maison aux propriétés magiques que l’on trouve principalement dans la région d’Iwate. Elle apparaît à ceux et celles qui en ressentent le besoin et leur octroie confort et couvert. Yui, l’adolescente éternellement bougonne, Hiyori, la petite fille silencieuse et Kiwa, la grand-mère adoptive un poil mystérieuse, ont bien besoin d’une mayoiga et de ses effets bénéfiques. Chacune porte son lot de souffrances, porte ses cicatrices et ses traumatismes enfouis au lendemain du raz-de-marée. Traversant une ville détruite, les trois personnages marchent vers leur nouveau destin au sein d’une campagne encore luxuriante. Au sommet d’une montagne se trouve ce qu’elles recherchent : un lieu sécurisant et chaleureux où elles pourront se permettre d’être heureuses, en dépit de tout.
Remonter la pente. C’est avec une métaphore toute littérale que La maison des égarées débute. Une longue ascension qu’entreprennent trois personnages issus de différentes générations, trois inconnues avec un but commun : retrouver du sens après le drame vécu. Grâce à un flash-back, le récit nous apprend de quelle façon les destins de Kiwa, Yui et Hiyori se sont croisés. Afin de se reconstruire, il leur faut se cloisonner et s’immerger dans des valeurs familiales traditionnelles. Avoir un foyer, partager un repas autour d’une table garnie. Aller à l’école, aller au travail, s’occuper de tâches ménagères, se raconter sa journée. Il existe des cloisons à l’image également, notamment les barrières qui délimitent le jardin de la campagne environnantes, l'aspect rectangulaire de la maison traditionnelle et les barrières de la falaise, pour empêcher quiconque d’y tomber. Tout est fait pour que Yui et Hiyori soient protégées par le quotidien, pour qu’elles puissent s’épanouir dans un cadre familier et bucolique.

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Au fur et à mesure, la narration distille une ambiance surnaturelle. La maison souffle, se répare toute seule. Des plats apparaissent, des draps aussi. Le public se fond dans cette atmosphère parce qu’on sent que la magie sera fondamentale dans le cheminement des personnages. Kiwa introduit ce surnaturel directement dans le récit en racontant des contes aux deux jeunes filles que la mise en scène anime avec un visuel plus saccadé et laqueux. Si bien que sans la voix de la grand-mère, nous serions incapable de comprendre ce qui se passe à l’image. Kiwa, personnage ô combien mystérieux surtout aux yeux suspicieux de Yui, reconnecte ses petites-filles adoptives à l’imaginaire. Si le quotidien apaise les blessures encore brûlantes, c’est avec l’aide de légendes, un folklore auquel plus personne ne croit, que la résilience naîtra. Kiwa invite d’abord des kappas à dîner (des monstres aquatiques), puis viendra un essaim de créatures mythologiques, mêlant Shintoïsme et Bouddhisme. À elle-seule, Kiwa démontre la diversité des croyances locales qui vivent généralement en belle harmonie parmi les habitant⋅es (comme nous apprend le dossier de presse du film). La région dévastée doit embrasser son histoire folklorique afin de combattre l’allégorie du traumatisme après le cataclysme.
Entre deux atmosphères, une réaliste, l’autre surnaturelle, l’histoire permet de faire un pas vers la guérison. La maison des égarées veut reconnecter les personnages à leur quotidien mais aussi reconnecter la pensée spirituelle au cœur de toutes les générations.
Laura Enjolvy