Troisième long métrage en tant que réalisateur pour Andrea Di Stefano après "Paradise Lost" (2014) et "The Informer" (2019), rappelons toutefois qu'il a d'abord été acteur notamment dans des films comme "Avant la Nuit" (2001) de Julian Schnabel, "Nine" (2009) de Rob Marshall ou "L'Odyssée de Pi" (2012) de Ang Lee. Le réalisateur-scénariste explique son projet : "Les agents de police ont tendance à partir à la retraite très tôt et à ressentir, en fin de carrière, une certaine amertume car ils ont le sentiment que l'Etat ne reconnaît pas pleinement les sacrifices qu'ils ont faits en son nom. Cet argument m' particulièrement touché. En Italie, que ce soit au cinéma ou dans les séries télévisées, les carabiniers et les policiers sont très souvent présentés comme "les nigauds du village", alors que la réalité est plus complexe. Il faut une certaine dose de courage et de sang-froid pour glisser un pistolet dans l'étui avant de commencer son service, le tout pour 1800 euros par mois. J'ai écrit ce film en m'aidant du vécu de certaines personnes. Je voulais raconter, avec le plus grand respect, leurs faiblesses, traumas, rêves et histoires d'amour." Le cinéaste a aussi rencontré des agents de la D.I.A. (Direction des Enquêtes Antimafia) pour parfaire son histoire...
Franco Amore est policier depuis plus de 35 ans, et après une carrière exemplaire il s'apprête à vivre sa dernière nuit de service. Il a préparé son discours d'adieu mais il doit encore une nuit au service de l'Etat. Malheureusement sa dernière nuit ne sera pas celle dont il a espéré, elle va être éprouvante et risque de détruire tous les honneurs de sa carrière et surtout risque de mettre en danger ses proches... Ce flic est incarné par la star italienne Pierfrancisco Favino qui a déjà abordé le genre parfois de l'autre côté de la barrière avec les films "Romanzo Criminale" (2005) de Michele Placido, "A.C.A.B. All Cops Are Bastards" (2012) et "Suburra" (2015) tous deux de Stefano Sollima, "Le Traître" (2019) de Marco Bellochio voir le récent "Nostalgia" (2022) de Mario Martone. Son épouse est jouée par Linda Caridi vue entre autre dans "Les Liens qui nous unissent" (2020) de Daniele Lucheti, "Amants Super-Héroïques" (2021) de Paolo Genovese ou "Diabolik : Ginko All'Attacco" (2022) de Marco et Antonio Manetti. Citons ensuite Antonio Gerardi vu dans "L'Heure de Pointe" (2007) de Vincenzo Marra, "Les Equilibristes" (2012) de Ivano De Matteo ou "La Fille dans le Brouillard" (2017) de Donato Carrisi, Francesco Di Leva vu dans "Frères d'Italie" (2010) et "Il Sindaco del Rione Sanita" (2019) tous deux de Mario Martone et retrouve son partenaire Pierfrancisco Favino après "Nostalgia" (2022), Martin Francesco Montero Baez aperçu dans "L'Homme sans Pitié" (2022) de Renato De Maria, Shi Yang Shi vu dans "Affreux et Méchants" (2019) de Cosimo Gomez et "Le Nid du Tigre" (2023) de Brando Quilici, Katia Mironova remarquée dans "Il Vegetale" (2018) de Gennaro Nunziante, Carlo Gallo vu dans l'excellent "L'Immensita" (2023) de Emanuele Crialese, Fabrizio Rocchi vu dans "Traces of Madness" (2021) de Michele Di Rienzo et "Ferite" (2022) de Vittorio Rifranti, puis enfin Camilla Semino Favro aperçue dans "Le Défi du Champion" (2020) de Leonardo D'Agostini... La descente aux enfers d'un homme de loi est un thème récurrent au cinéma, parmi les meilleurs du genre on peut citer "Bad Lieutenant" (1992) de Abel Ferrara ou "Training Day" (2001) de Antoine Fuqua, mais dans ces derniers il s'agit d'emblée de ripoux qui s'enfoncent encore, et donc plus récemment il y a le très bon film turc "Burning Days" (2023) de Emin Alper où un procureur "incorruptible" est plus ou moins piégé. Dans ce film italien, en V.O. "L'Ultima Notte di Amore" plus juste, c'est un flic honnête et droit qui va chuter juste quelques heures avant sa mise à la retraite. Le plus intéressant donc, c'est qu'il s'agit d'un flic apprécié de tous qui a dû lutter pour ne jamais franchir la ligne jaune malgré ses liens compliqués et tangents avec les cousins de son épouse.
Le film s'ouvre sur un générique absolument sublime, visuellement et avec une musique singulière qui participe à cette séquence hypnotique. Un plan séquence aérien magnifique dans un écrin musical qui allie une composition digne des thrillers italiens des seventies avec une sorte de souffle étouffé qui impose une atmosphère anxiogène et angoissante. Sans doute le plus beau générique de ces derniers mois. Le récit se met en place avec malice, débutant simplement et en virant soudainement dans le vif du sujet. En deux scènes on décèle deux facettes de ce flic intègre, il est influençable et soumis à l'amour de sa femme, et doit faire avec deux cousins dont les activités ont freiné les avancements de sa carrière de flic. On devine alors toute la frustration de ce flic qui ne peut dire non à sa femme, et qui a dû faire avec deux cousins parasites. Et pourtant, alors que le retraite arrive il accepte une mission qui, c'est la base, paraît simple. La narration s'inverse, offrant une césure avec une partie qui repart façon flash-back pour une vision sous un autre angle. Ce système déjà bien connu sur d'autres films est ici mis en place de façon judicieuse et fluide qui accentue la dimension intime du couple, leur amour sincère pourrait en effet s'effriter face à ces rebondissements aussi violents que soudains. Les pressions professionnelles d'un côté, la Triade de l'autre, les cousins au milieu, l'intrigue s'imbrique parfaitement et de façon efficace dans une ambiance stressante avec le point d'orgue de la scène autoroutière (fusillade et post-fusillade) où Franco Amore/Favino court et s'agite au milieu d'une circulation folle et filmé à 360°. Andrea Di Stefano signe un thriller puissant et prenant qui ne pêche que par de minuscules détails comme certaines réactions qui pourraient paraît stupides ou inadéquates (mais forcément explicables et/ou excusables devant le stress des protagonistes) ou par (peut-être) un manque d'étincelles au sein du couple. Néanmoins, ce film est un must du genre à voir, revoir et à conseiller.
Note :
16/20