L'Improbable Voyage d'Harold Fry (2023) de Hettie MacDonald

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Plus de 25 ans après son premier film "Beautiful Thing" (1996) suivi d'une carrière essentiellement télévisuelle en réalisant des épisodes de séries TV aussi diverses et variées, la réalisatrice Hettie MacDonald revient avec un second long métrage adapté du roman "La Lettre qui allait changer le Destin d'Harold Fry arriva le mardi..." (2012) de Rachel Joyce dont c'était le premier livre. Cette dernière assume la transposition pour la grand écran. Rappelons que le roman a été un énorme succès en librairie dont pas moins de 160000 exemplaires vendus en France. La cinéaste explique l'importance des paysages anglais : "Je me suis dit que le meilleur moyen de s'y prendre consistait à faire nous-mêmes le voyage, si bien que Kate McCullough, notre directrice de la photo, et moi avons pris la route, et parcouru le périple d'Harold, de Kingsbridge à Berwikk-Upon-Tweed. C'était un formidable apprentissage de voir l'évolution des paysages et des villes à mesure qu'on se dirigeait vers le nord, et cela nous a permis de comprendre la nature du voyage d'Harold. Au bout du compte, c'ets ce voyage qui nous a convaincus qu'il fallait tourner ce film dans la continuité chronologique." Rappelons justement que Kate McCullough a récemment été remarquée pour son travail sur le film "The Quiet Girl" (2023) de Colm Bairéad... 

Tout juste retraité, Harold mène une vie monotone auprès de son épouse Maureen. Mais lorsqu'il apprend que sa vieille amie Queenie est mourante il s'en trouve particulièrement bouleversé. Il décide de lui écrire une lettre, mais au moment de la poster il ne s'arrête pas et poursuit sa route avec soudain la ferme intention de parcourir à travers l'Angleterre les 700 kms qui le sépare de son amie persuader que son effort maintiendra Queenie en vie... Pour le rôle titre, la cinéaste a eu l'idée en remarquant qu'un acteur talentueux était justement la voix de l'audiolivre créé pour la sortie du roman. Ainsi et logiquement Harold Fry est incarné par l'excellent et inénarrable Jim Broadbent vu notamment ces dernières années dans "The Renegade" (2018) de Lance Daly, "Gentlemen Cambrioleurs" (2018) de James Marsh ou "The Duke" (2022) de Roger Michell, puis retrouve après "Iris" (2001) de Richard Eyre sa partenaire alias son épouse Penelope Wilton vue récemment dans le dyptique "Downton Abbey" (2019-2022) et "La Ruse" (2022) de John Madden, elle retrouve de son côté sa "rivale" mourante après "Calendar Girls" (2003) de Nigel Cole, l'actrice Linda Bassett vue notamment dans les film "The Hours" (2002) et "The Reader" (2008) tous deux de Stephen Daldry. Citons le fils interprété par Earl Cave vu dans "Le Gang Kelly" (2020) de Justin Kurzel et "L'Ecole du Bien et du Mal" (2022) de Paul Feig, puis Joseph Mydell vu dans "Manderlay" (2005) de Lars Von Trier ou "Instead" (2011) de David Mackenzie, Paul Thornley acteur essentiellement connu outre-Manche pour le théâtre et à la télévision, en enfin Claire Rushbrook vue dans "Enola Holmes" (2020) de Harry Bradbeer, "Ammonite" (2021) de Francis Lee et surtout "Ali & Ava" (2021) de Clio Barnard... Le film débute doucement, avec quelques éléments qui nous font comprendre le quotidien du couple très routinier et ennuyeux, un couple dont on sent que le train train quotidien reste à la base. Et pourtant l'histoire démarre vite puisque Harold va reçoit la lettre et va poster sa réponse aussitôt. D'emblée une chose inexplicable se passe donc, une sorte de coup du destin qu'Harold s'empresse de suivre tout en étant lucide.

Nous voici sur les routes d'Angleterre, un road trip pédestre et champêtre où on va aussi en apprendre plus sur Harold, mais c'est aussi Harold qui va apprendre plus sur lui. On pense très fort à l'excellent "Une Histoire Vraie" (1999) de David Lynch en mode yankee. Si on est touché par Harold, on ne l'est pas moins par son épouse, déchirante dans sa solitude, dans sa lucidité aussi où elle va aussi aller vers le pardon et une certaine forme de rédemption en parallèle de son époux. Par son cheminement et son périple le film aborde tous les thèmes autour du deuil, comme la souffrance, la culpabilité ou le pardon. Ce n'est jamais moralisateur ou redondant mais par contre les flash-backs ne sont pas forcément judicieux. Sur le fond quelques dialogues, sous-entendus ou autre sont largement suffisants, et surtout sur la forme les 25 années sont particulièrement mal rendus, le rajeunissement du couple n'est pas soigné et donc pas crédible. L'autre petit bémol repose sur les paysages, un tel road movie à travers l'Angleterre on aurait aimé un côté contemplatif plus appuyé et surtout avec des paysages bien plus beaux. La traversée du pays est loin d'être un atout touristique sur ce film, un peu dommage pour ce qui aurait dû être un "troisième rôle principal". Néanmoins, les personnages sont attachants, l'histoire universelle et l'écriture assez subtile pour nous émouvoir sans tomber dans le pathos. Il manque juste un soupçon de fantaisie supplémentaire (comme le Lynch) pour atténuer le poids des tragédies passées. Ca reste un bon moment avec un merveilleux duo Wilton-Broadbent.

Note :      

14/20