L'Envol (2023) de Pietro Marcello

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Nouveau film de Pietro Marcello qui adapte très librement du roman "Les Voiles Ecarlates" (1923) de Alexandre Grine qui lui a été proposé par ses producteurs Charles Gillibert et Romain Blondeau. Le cinéaste explique : "Ce qui m'intéresse en premier dans le roman, c'est le rapport entre le père et la fille. La mère meurt, c'est au père de s'occuper de l'enfant. Le lien qui se crée entre eux me passionnait. Et il me passionnait encore plus d'imaginer ce qui arrive à partir du moment où le père meurt. Car, dans le roman, la fille passe d'un homme, son père, à un autre, son mari - qui entre dans sa vie comme un prince charmant. Dans mon film j'ai voulu que les choses se passent différemment. Un homme arrive, en effet. Il s'agit d'un aviateur, mais il n'est pas du tout un prince charmant." Le réalisateur-scénariste co-signe le scénario avec Maurizio Braucci auquel on doit "Gomorra" (2008) de Matteo Garrone ou "Pasolini" (2014) de Abel Ferrara et qui retrouve Pietro Marcello après "Bella e Perduta" (2015) et "Martin Eden" (2019), avec Maud Ameline qui a écrit les films récemment "Un Divan à Tunis" (2019) de Manele Labidi, "La Place d'une Autre" (2021) de Aurélia Georges et "Les Passagers de la Nuit" (2022) de Mikhaël Hers, puis avec Geneviève Brisac scénariste du film "Non ma Fille tu n'iras pas Danser" (2009) de Christophe Honoré... 

Dans le nord de la France, Juliette grandit seule avec son père, Raphaël vétéran de 14-18. Passionnée de chant et de musique, la fillette rencontre un été une magicienne qui lui prédit qu'un homme viendra à bord d'un navire aux voiles écarlates qui l'emmèneront loin. Juliette ne cessera d'y croire jusqu'au jour où... Juliette est incarnée par Juliette Jouan dans son premier rôle. Son père est interprété par Raphaël Thiéry aperçu dans "La Révolte des Innocents" (2018) de Philippe Niang, "Amanda" (2018) de Mikhaël Hers et "De nos Frères Blessés" (2022) de Hélier Cisterne. Citons ensuite Lolita Chammah vue récemment aux côtés de sa mère Isabelle Huppert dans "EO" (2022) de Jerzy Skolimowski et "Caravage" (2022) de Michele Placido, retrouvant aussi après ce dernier son partenaire Louis Garrel vu récemment dans son propre film "L'Innocent" (2022), et retrouvant également sa scénariste du film "Les Amandiers" (2022) de Valeria Bruni-Tedeschi, l'actrice Noémie Lvovski vue dernièrement dans "Teddy" (2021) des frères Boukherma, elle retrouve après son film "Camille Redouble" (2012) sa partenaire Yolande Moreau vu récemment dans "En Même Temps" (2022) du duo grolandais Kervern-Delépine et "Les Sans-Dents" (2022) de pascal Rabaté, puis retrouve elle aussi après le film "Dans la Maison" (2012) de François Ozon l'acteur Ernst Umhauer vu notamment dans "La Crème de la Crème" (2014) de Kim Chapiron ou "Médecin de Nuit" (2020) de Elie Wajeman, puis citons encore François Négret vu dans "Les Confins du Monde" (2018) de Guillaume Nicloux ou "Les Estivants" (2018) de Valeria Bruni-Tedeschi, et enfin Bernard Blancan vu dernièrement dans "Nos Frangins" (2022) de Rachid Bouchareb et "Simone, le Voyage du Siècle" (2022) de Olivier Dahan... Le film débute avec des images d'archives colorisées de poilus qui rentrent chez eux, comme pour rappeler que malgré une histoire de sorcière ou de voyante le récit reste ancré dans une réalité abrupte. Le retour difficile du soldat, son retour au travail, à un quotidien "normal" d'autant plus singulier qu'un bébé l'attend. Mais en vérité, le film suit surtout cet enfant du premier âge jusqu'à l'âge adulte. Juliette est issu pourtant d'un drame qui hante tout le village.

Juliette qui est aussi mignonne que son père est hideux, un soldat qui porte le poids des tragédies et des horreurs de la guerre. Un homme (dont on a bien du mal à croire qu'un tel homme puisse séduire une jolie femme) au visage buriné et creusé, sans doute prématurément vieilli, aux mains cailleuses et difformes tel un ogre qui aurait pris sous sa protection un petit ange. Un homme qui n'est pas vraiment accepté dans un village qui ne le connaît pas. Durant des années cet homme va tout faire pour que Juliette soit heureuse malgré les médisances, les secrets, tandis qu'entre temps un autre homme a un fils qui grandit aussi. Quand on arrive sur la seconde partie on pense très fort à "Manon des Sources" (1986) de Claude Berri. La reconstitution historique est soignée, l'immersion dans le quotidien des ouvriers de province est très réussie, les relations humaines sont crédibles et cohérentes mais quelques passages laissent perplexes notamment et surtout le fait que Juliette prennent autant les devants pour séduire l'aviateur alors qu'on devine qu'elle reste une fille de la campagne des années 1920, vierge de toutes "sciences" amoureuses. Mais on savoure par contre le fait qu'elle est une jeune femme forte qui veut se faire une place dans ce monde machiste et patriarcal. La partie musicale donne une dimension onirique et légère alors qu'on sent toujours le malaise ambiant. Un joli film qui a des éléments qui rappellent les contes de Grimm, si il y a des horreurs et des drames humains il y a aussi de la tendresse et un peu de poésie avec en prime la magnifique révélation Juliette Jouan. 

Note :                 

14/20