La Fille à la Valise (1961) de Valerio Zurlini

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Troisième long métrage du réalisateur italien Valerio Zurlini tourné entre le très réussi "Eté Violent" (1959) et "Journal Intime" (1962), le cinéaste conforme avec ce film tout son talent et une certaine modernité dans le traitement de son sujet. Le réalisateut-scénariste co-signe son scénario à plusieurs mains, d'abord avec le duo Leonardo Benvenuti-Piero De Bernardi qui retrouve leur réalisateur de "Les Jeunes Filles de San Frediano" (1955) et qui signeront entre autre le chef d'oeuvre "L'Incompris" (1966) de Luigi Comencini, Enrico Medioli scénariste fidèle du maestro Luchino Visconti de "Rocco et ses Frères" (1960) à "L'Innocent" (1976) et qui retrouvera Zurlini pour "Le Professeur" (1972), puis enfin le scénariste Giuseppe Patroni Griffi qui réalisera plus tard "Dommage qu'elle soit une Putain" (1971), "Identikit" (1974) ou "Divine Créature" (1975). Le film fut présenté en compétition au Festival de Cannes 1961 mais sans obtenir de prix, par contre l'actrice principal gagnera le David Di Donatello (équivalent César italien) spécial pour sa perfomance... Alors qu'ils sont dans une magnifique décapotable, un séducteur sans scrupule abandonne sans vergogne Aida sa conquête à qui il a pourtant fait des tonnes de promesses. Cette dernière, avec le peu d'informations sur son belâtre tente de le retrouver malgré tout. Elle rencontre alors Lorenzo 16 ans qui ne lui dit pas que l'amant est en fait son frère aîné. Ebloui par la beauté de Aida l'ado se met dans l'idée de réparer le mal causé par son frère mais le jeune homme tombe surtout amoureux d'une femme qui n'est sans doute pas fait pour lui... 

La fille à la valise est incarnée pour son premier vrai grand rôle au cinéma par Claudia Cardinale, déjà apparue dans quelques films dont surtout "Le Pigeon" (1958) de Mario Monicelli, mais l'actrice va exploser en quelques mois en enchaînant avec "Rocco et ses Frères" (1960) de Luchino Visconti et "Le Bel Antonio" (1960) de Mauro Bolognini. Le jeune Lorenzo est incarné par le tout aussi jeune Jacques Perrin, également apparu dans de petits rôles comme dans "Les Portes de la Nuit" (1946) ou "Les Tricheurs" (1958) tous deux de Marcel Carné et qui deviendra un acteur de premier plan mais aussi un producteur de talent en retrouvant ainsi Valerio Zurlini devant et derrière la caméra pour "Le Désert des Tartares" (1976). Citons ensuite Luciana Angiolillo entre "Premier Amour" (1958) de Mario Camerini et "Le Fanfaron" (1962) de Dino Risi, Renato Baldini vu dans "Theodora Impératrice de Byzance" (1954) de Riccardo Freda et retrouvera dans "La Mort sonne Toujours Deux Fois" (1969) de Harald Philipp  son partenaire Riccardo Garrone vu aussi dans "Le Capitaine Fracasse" (1960) de Pierre Gaspard-Huit et "La Dolce Vita" (1960) de Federico Fellini, Elsa Albani vue ensuite dans "Vénus Impériale" (1963) de Jean Delannoy, "Les Sorcières" (1967) de Luchino Visconti et "La Bataille pour Anzio" (1968) de Edward Dmytryk, Gian Maria Volonte alors encore peu connu qui va exploser avec les westerns spaghettis "Pour une Poignée de Dollars" (1964) et "Et pour Quelques Dollars de Plus" (1965) tous deux de Sergio Leone, puis Corrado Pani vu dans "Le Chemin de l'Espérance" (1953) de Dino Risi, "Nuits Blanches" (1957) de Luchino Visconti avant de retrouver la jeune Claudia Cardinale à l'affiche de "Rocco et ses Frères" (1960), à l'instar de Romolo Valli qui retrouvera l'actrice devenue star dans "Le Mauvais Chemin" (1961) de Mauro Bolognini, "Le Guépard" (1963) et "Violence et Passion" (1974) tous deux de Luchino Visconti... La musique du film est signée de Mario Nascimbene compositeur notamment de "Les Vikings" (1958) et "Barabbas" (1961) tous deux de Richard Fleischer, et qui retrouve et retrouvera Zurlini après "Eté Violent" (1959) et "Le Professeur" (1972). Pour l'anecdote, on peut reconnaître touefois dans la B.O. une reprise du thème "Deguello" de Dimitri Tiomkin tiré du chef d'oeuvre "Rio Bravo" (1959) de Howard Hawks... La scène d'ouverture donne deux informations essentielles, une sur le fond l'autre sur la forme. En quelques instants le film impose une modernité étonnante dans une Italie encore très patriarchale, très catholique et très conservatrice. Ainsi on voit pour la première fois dans un film italien une jeune femme aller faire ses besoins, tandis qu'on devine la goujaterie à laquelle l'homme se prépare.Mais dans un premier temps on pourrait croire à une comédie à l'italienne alors très à la mode mais très vite le ton change avec une famille riche qui semble aussi peu heureuse que superficielle dans une demeure cossue et austère, puis l'arrivée inattendue et gênante de la Fille à la Valise qui cherche son amant de façon aussi désespérée que pathétique.

Soudain, le film se voile d'un genre plus dramatique mais aussi plus mélancolique. Aida se retrouve seule et sans ressource face à un ado tout aussi seul, orphelin sans doute solitaire dans une famille peu chaleureuse. On décèle aussi la différence sociale comme les premiers émois du jeune frère, mais surtout le récit montre les déboires d'une jeune femme victime des hommes, de leur égoïsme, de leur mensonge, de leur goujaterie, leur lâcheté, leurs désirs aussi à tel point qu'elle est la cible de leur vices bien camouflés dans une société faites par et pour eux. On sent une femme qui aimerait s'affranchir de ces codes mais elle reste soumise et/ou exploitée par les hommes, des hommes dont le salut semble venir par un ado qui est encore vierge de tous vices et alors qu'elle n'est pas la déception de Aida quand elle ouvre la lettre. Dans ce film Valerio Zurlini décrit des hommes prêt à toutes les bassesses, ce qui est drôlement audacieux dans l'Italie de 1960. Un film qui prend une dimension singulière quand on connaît la vie de Claudia Cardinale ; en effet, alors qu'elle tourne la scène difficile de la confession de Aida l'actrice vit alors à la même période la même situation (accouchement en secret et abandon) qu'elle ne pouvait dévoiler par contrat. L'actrice avouera plus tard que cette scène fut la plus dure à jouer. L'actrice elle-même victime d'une société dénoncer par le film offre alors un poids certain eu film qui reste intelligent dans le traitement, amer et plein d'acuité dans le propos. Evidemment Claudia Cardinale est resplendissante mais elle est aussi émouvante, et forme un couple pleine de tendresse et de douceur avec un Jacques Perrin juvénile à souhait. Un film à voir et à conseiller qui a été cité dans les 100 films italiens à sauver.

Note :                 

16/20