Attention, plusieurs films homonymes avec parmi les plus connus "Limbo" (1999) de John Sayles, "Limbo" (2020) de Ben Sharrock et bientôt "Limbo" (2023) de Ivan Sen... Ce nouveau film, production siglé Hong-Kong, est un projet de Soi Cheang, réalisateur hongkongais auquel on doit des films comme "Coq de Combat" (2007), "Motorway" (2012) ou la trilogie "The Monkey King" (2014-2018). Il collabore pour la première fois avec Au Kin-Yee scénariste fétiche du grand Johnnie To pour qui elle a signé entre autre "PTU" (2003), "Yesterday Once More" (2004) ou encore "Mad Detective" (2007). Le film a été le plus nommé au Hong Kong Films Awards 2022 avec 14 nominations et trois prix avec la meilleure Actrice, la meilleure Photographie et la meilleure Direction artistique. Attention, interdit au moins de 16 ans et c'est normal !...
Dans les bas-fonds de Hong-Kong, un flic vétéran doit accepter de faire équipe avec un supérieur tout juste sorti de formation afin de poursuivre une enquête qui s'avère difficile sur un tueur en série qui laisse comme signature une main coupée. L'enquête s'enlise, ne sachant bientôt plus quelle piste suivre ils décident d'utiliser une jeune délinquante comme appât... Au casting on retrouve la star hongkongaise Gordon Lam vu notamment dans "Infernal Affairs" (2002) de Andrew Lau et Alan Mak, "Election & et 2" (2005-2006) de Johnnie To ou "Drug War" (2012) de Longman Leung et Sunny Luk, il retrouve après "Ip Man" (2008) de Wilson Yip son partenaire et star japonaise Hiroyuki Ikeuchi vu entre autre dans "Charisma" (1999) de Kiyoshi Kurosawa, "LoveDeath" 2007) de Ryuhei Kitamura ou "Manhunt" (2017) de John Woo. Ils sont entourés de Mason Lee vu dans "Very Bad Trip 2" (2011) de Todd Phillips, "Lucy" (2014) de Luc Besson ou "Un Jour dans la Vie de Billy Lynn" (2016) de Ang Lee, Cya Liu remarqué récemment dans "Sakra, la Légende des Demi-Dieux" (2023) de et avec Donnie Yen, puis enfin citons Hanna Chan vue dans "Paradox" (2017) de Wilson Yip... Limbo, soit les Limbes, un joli mot à peine assez fort presque trop poétique face à cette histoire aussi tragique que morbide, car rarement on aura plongé aussi profondément dans des bas-fonds aussi sordides. Esthétiquement on est happé d'emblée avec un Noir et Blanc qui accentue la dimension "bienvenue en enfer" mais, paradoxalement, permet aussi d'atténuer les horreurs visuelles (sang, ordures...). L'enquête nous emmène dans un immense bidonville écoeurant, on est bel et bien en marge de la mégalopole Hong-Kong, le côté pile qu'on ne voit jamais et qu'on avait encore jamais vu à ce point. Une immense décharge publique qu'il va falloir fouillé pour trouver les victimes toutes en marges également, et évidemment le coupable qui est forcément issu de cet enfer.
Sur la forme le réalisateur assimile et se réapproprie tous les paramètres du thriller noir et pessimiste, le Noir et Blanc, mais aussi la pluie, le flic détruit émotionnellement, un tueur impitoyable et psychopathe, un pessimisme omniprésent. Ca a de la gueule, l'atmosphère est pesante, anxiogène, et on ressent cette puanteur qui transparaît littéralement via la pluie qui ruisselle entre les poubelles. Sur le fond même constat, l'enquête suit un tueur en série, qui allie fétichisme, pulsion sexuelle et acte de barbarie, le package classique et toujours aussi efficace du serial killer psychologiquement instable et c'est peu de le dire, avec le duo de flics diamétralement opposés dans leur vision du boulot. Dans les grandes lignes donc le réalisateur-scénariste reprend tous les codes du genre, mais avec un vrai regard, un style personnel comme si il avait vu les meilleurs thrillers du cinéma, appris et préparé un must avec un atout majeur qui change tout : la vengeance du flic envers une voleuse en quête de rédemption. Ce lien intangible entre eux sert une ligne directrice parallèle à l'enquête qui donne une dimension plutôt inédite dans sa violence, sa réflexion sur le pardon ou la perte de repère. Le film frôle le chef d'oeuvre mais il y a deux bémols dommageables... ATTENTION SPOILERS !... Le fait que le coupable soit de ce pays ou mère se dit "Oka-san" et qui rappelle et maintient un cliché triste et cette rivalité historique et toxique entre deux pays, puis cette fin un peu mièvre qui fait un peu bancal comparé à l'horreur et la noirceur du film... FIN SPOILERS !... Soi Cheang signe un thriller qui frôle la quintessence du genre, avec quelques passages malaisants (Attention âmes sensibles !), violents, avec des personnages tourmentés, fragiles même s'ils paraissent forts, dans un écrin glauque et stylé. À conseiller.
Note :