Ils étaient tous mes fils

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Éléphant Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Ils étaient tous mes fils » de Irving Reis.

« Parfois, il vaut mieux ne pas changer les choses. Ne surtout rien déranger. »

Joe Keller, ancien soldat, est devenu directeur d’une usine d’armement. Connaissant un immense succès au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il coule des jours paisibles dans une petite banlieue typique américaine. Quand son second fils, Chris, décide d’épouser Anne, la fiancée de son frère disparu à la guerre, la petite bulle de tranquillité de la vie de Joe éclate…

« Pendant mes études, le droit avait du sens. Mais maintenant, plus vraiment… »

Cinéaste quelque peu oublié par la cinéphilie, l’américain Irving Reis connut d’abord une longue ascension au sein de l’industrie du spectacle et du divertissement : d’abord photographe pour les studios de cinéma, il travaillera ensuite pour la radio où il se fera un nom comme scénariste puis comme acteur, avant de revenir au cinéma à la veille de la Seconde Guerre Mondiale comme scénariste à la Paramount. Mais ce sera finalement le studio RKO qui lui offrira de faire ses premiers pas de réalisateur quelques mois plus tard. Si on lui assigne tout d’abord des films noirs de série B (il initie ainsi la saga policière « The falcon » en réalisant les trois premiers opus portés par l’acteur Georges Sanders), il s’illustre rapidement dans les registres du mélodrame (« La poupée brisée » avec Henry Fonda, « Vous qui avez vingt ans » avec David Niven) et de la comédie (« Deux sœurs vivaient en paix » avec Cary Grant, Myrna Loy et Shirley Temple). En 1948, il est embauché par le studio Universal pour réaliser l’adaptation cinématographique de la pièce « Ils étaient tous mes fils » créée deux ans plus tôt par Arthur Miller, jeune et prometteur dramaturge qui obtiendra le Prix Pulitzer l’année suivante pour sa pièce « Mort d’un commis voyageur ». Il s’agira là du dernier coup d’éclat du cinéaste dont les films suivants seront moins en vue et qui décèdera prématurément d’un cancer en 1953 à l’âge de quarante-sept ans.

« A quoi bon affronter la vérité si elle nous détruit ? »

Premier grand succès de Miller, « Ils étaient tous mes fils » est une œuvre matricielle en ce qu’elle condense tous les éléments ou presque qui apparaitront au fil de ses pièces comme les obsessions de l’auteur : des héros tourmentés, déchirés entre une obligation de dévouement envers une famille toxique et la volonté de s’émanciper et de s’ouvrir au monde. Ce qui peut parfois conduire à un véritable dilemme sans possibilité de compromis, si ce n’est la compromission. Fils d’un prospère industriel de province, Joe Keller se retrouve ainsi devant un choix cornélien : rester loyal envers son père malgré des méfaits dont il s’est rendu coupable (il a sciemment vendu des équipements défectueux à l’armée qui ont coûté la vie à des soldats) ou épouser la femme qu’il aime, ex-fiancée de son défunt frère et qui n’est autre que la fille de l’ancien associé de son père, accusé à tort et emprisonné à la place de celui-ci. Ce qui donnera lieu à un véritable drame moral autant que social, souvent inconfortable (terrible scène du repas de famille où l’on tente de « séduire » le fils de l’associé à coups de mensonges et de nostalgie afin de le rendre inoffensif), centré sur les questions de culpabilité et de justice. En creux, le film est aussi une violente charge contre la société américaine, immorale et totalement corrompue par la cupidité et cette course effrénée à l’argent comme unique moteur de vie. Avec cette idée qu’on ne peut pas réussir en restant intègre. Un film fort, mais, comme souvent quand il s’agit d’adaptation de pièces contemporaines, sans doute un peu trop statique et « théâtral » pour nous séduire totalement. Un peu dommage, parce que le casting – luxueux – est clairement séduisant, avec en tête d’affiche un tout jeune Burt Lancaster quasi débutant mais déjà flamboyant face au monstre sacré Edward G. Robinson, toujours aussi impeccable.   

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Le blu-ray : Le film est présenté dans un nouveau Master restauré Haute-Définition et proposé en version originale américaine (2.0). Des sous-titres français et anglais sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’une présentation signée Laurent Aknin (2022, 18 min.) et d’une Bande-annonce de la restauration (1 min.).

Édité par Éléphant Films, « Ils étaient tous mes fils » est disponible en combo blu-ray + DVD ainsi qu’en édition DVD depuis le 6 décembre 2022. Il est également disponible en édition blu-ray depuis le 21 mars 2023.

Le site Internet d’Éléphant Films est ici. Sa page Facebook est ici.