Surprenante même quand elle nous quitte, la franco-britannique favorite des français est morte sans prévenir ce 16 juillet 2023 à "seulement" 76 ans.
Née en 1946 à Londres au sein d'une famille aisée, la petite Jane est la fille de David Birkin un commandant de la Royal Navy (qui aurait sauvé François Mitterrand d'après un livre en 2004 de Gabrielle Crawford) et de l'actrice Judy Campbell muse du dramaturge Noël Coward. Elle a un frère aîné, Andrew Birkin qui sera réalisateur-acteur, et un soeur cadette Linda. Le poète et musicien Anno Birkin et l'acteur David Tristan Birkin sont ses cousins. Niveau familial, pour l'anecdote, Jane serait la descendante de Charles II d'Angleterre et de sa maîtresse Louise Renée de Penancoët de Keroual, et est la petite-nièce de Freda Dudley Ward maîtesse de Edouard VIII dont la fille épousera le réalisateur Carol Reed.
Alors âgée d'à peine 18 ans elle obtient un petit rôle non crédité dans "Le Knack... et Comment l'Avoir" (1965) de Richard Lester, film emblématique du Swinging London avec d'autres débutantes dont Charlotte Rampling et Jacqueline Bisset. Elle rencontre sur ce tournage un certain John Barry, compositeur du film et surtout connu pour avoir signé la musique culte des films James Bond. Elle l'épouse en 1965 alors qu'elle est "intacte et mineure" dixit Jane Birkin.
Elle enchaîne aussitôt les tournages dont "Blow-Up" (1966) de Michelangelo Antonioni avec David Hemmings, Jessica Redgrave et Sarah Miles. Son rôle est court mais devient aussi culte que scandaleux puisqu'elle y jour une jeune femme qui est dénudée de force, une première pour un film britannique ni érotique ni pornographique. Le film est un succès et remporte la Palme d'Or au Festival de Cannes 1967.
Le succès offre une popularité inédite pour la jeune actrice, elle pose pour le Harper's Bazaar, et alors que les projets affluent elle s'oblige à une pause car elle tombe enceinte. Elle accouche de sa fille, Kate Barry en 1967 avant de quitter le père peu de temps après.
Elle revient au cinéma avec "Wonderwall" (1968) de Joe Massot puis part en France. Elle passe des castings et des essais dont un pour le film "Slogan" (1968) de Pierre Grimblat pour lequel elle termine en pleurs. Néanmoins elle obtient le rôle et, surtout, rencontre un certain Serge Gainsbourg alors auteur-compositeur-acteur du film. Le couple se forme peu après.
Serge Gainsbourg devient son pygmalion, alors qu'il avait prévu une chanson pour Brigitte Bardot, leur rupture a eu raison de cette nouvelle collaboration et l'artiste offre alors la chanson à sa nouvelle conquête. Ainsi Jane Birkin chante "Je t'aime... Moi non Plus" (1969) qui devient un succès immédiat et cultissime, son côté sulfureux n'y étant pas pour rien, à tel point que le Vatican juge la chanson obscène. Mais ce succès ouvre la voix à l'une des collaborations musicales les plus marquantes des années 70 en France.
L'album "Serge Gainsbourg-jane Birkin" (1969 - avec entre autre les chansons "69 - Année Erotique" ou "Elisa") suit mais Jane Birkin est pourtant avant tout une actrice. Elle tourne avec Gainsbourg dans "Les Chemins de Katmandou" (1969) de André Cayatte mais surtout elle joue aux côtés de Alain Delon et Romy Schneider dans le chef d'oeuvre "La Piscine" (1969 - ci-dessous) de Jacques Deray.
Elle tourne alors beaucoup, et surtout avec Gainsbourg, citons "Cannabis" (1970) de Pierre Koralnik, "19 Filles et un Marin" (1971) de Milutin Kosovac, "Le Roman d'un Voleur de Chevaux" (1971 - ci-dessous) de Abraham Polonsky avec Yul Brynner et Eli Wallach ou "Melody" (1971) de Jean-Christophe Averty téléfilm pour lequel Gainsbourg compose l'album "Histoire de Melody Nelson" (1971) suivi de "Vue de l'Extérieur" (1971 - dont les titres "Je suis Venu te dire que je m'en Vais").
Jane Birkin fait alors une petite pause de quelques mois quand elle tombe enceinte, puis accouche en 1971 de Charlotte...
Elle reprend aussitôt le travail, avec un nouvel album de chanson toujours avec le génie de Gainsbourg, "Di Doo Dah" (1973 - dont les titres "Di Doo Dah" ou "Décadanse"), puis ironie du sort elle joue une amante de Brigitte Bardot dans "Don Juan 73 ou si Don Juan était une Femme" (1973 - ci-dessous) de Roger Vadim.
Elle enchaîne 2-3 films par an durant les seventies. Citons "Les Diablesses" (1973) de Antonio Margheriti encore avec Gainsbourg, "Projection Privée" (1973) de François Leterrier puis "Le Mouton Enragé" (1974 - ci-dessous) de Michel Deville avec Jean-Louis Trintignant et retrouvant Romy Schneider.
Elle devient une actrice populaire notamment grâce à son arrivée dans la comédie franchouillarde et grand public grâce à deux succès avec Pierre Richard, "La Moutarde me monte au Nez" (1974 - ci-dessous) et "La Course à l'Echalotte" (1975) tous deux de Claude Zidi, mais aussi "Comment réussir quand on est Con et Pleurnichard" (1974) de Michel Audiard avec Jean Carmet, Jean-Pierre Marielle ou Jean Rochefort.
Elle retourne outre-Manche pour "Le Manoir des Fantasmes" (1974) de Don Sharp avec Christopher Lee et Joan Collins, mais elle revient aussi vite en France et tourne "Catherine et Compagnie" (1975 - ci-dessous) de Michel Boisrond avec Patrick Dewaere ou "Sept Morts sur Ordonnance" (1975) de Jacques Rouffio avec Gérard Depardieu et Michel Piccoli.
Un nouvel album sort "Lolita Go Home" (1975 - dont les titres "Lolita Go Home" ou "La Fille aux Claquettes). Alors que désormais Jane Birkin est connu est reconnue comme actrice, saluée par la critique comme le public un nouveau film suscite le scandale avec "Je t'aime Moi non Plus" (1976 - ci-dessous) de Serge Gainsbourg qui évoque de façon frontale l'ambiguité sexuelle et la sodomie.
L'actrice abord tous les genres avec le drame "Le Diable au Coeur" (1976) de Bernard Queysanne, la comédie "L'Amour c'est Quoi au Juste ?" (1976) de Giorgio Capitani avec Aldo Maccione et Catherine Spaak ou "L'Animal" (1977) de Claude Zidi avec Jean-Paul Belmondo et Raquel Welsh, le mélo "Melancoly Baby" (1978 - ci-dessous) de Clarisse Gabus retrouvant Jean-Louis Trintignant ou la superproduction internationale "Mort sur le Nil" (1978) de John Guillermin au sein d'un casting prestigieux dont Bette Davis, Peter Ustinov, Mia Farrow ou David Niven.
Elle collabore encore avec Gainsbourg pour l'album "Ex-Fan des Sixties" (1978 - dont "Ex-Fan des Sixties", "Nicotine" ou "Le Velour des Vierges"), mais leur relation devient compliquée à cause de l'alcool voir même de la violence (reconnue par Gainsbourg). Le tournant se fait suite au tournage du film "La Fille Prodigue" (1980 - ci-dessous) de Jacques Doillon, après lequel elle quitte Gainsbourg pour Doillon.
Elle tourne entre autre "Rends-Moi la Clé" (1981) de Gérard Pirès avec Jacques Dutronc ou "Meurtre au Soleil" (1982 - ci-dessous) de Guy Hamilton avec Peter Ustinov.
Elle accouche d'une troisième fille, Lou Doillon en 1982. Toujours proche de son pygmalion, Gainsbourg lui propose un nouvel album "Baby Alone in Babylone" (1983 - dont les titres "Norma Jean Baker" et "Les Dessous Chics").
Elle reste toujours aussi prolifique sur grand écran, avec les films "L'Ami de Vincent" (1983) de Pierre Granier-Deferre, "Circulez y'a Rien à Voir" (1983) de Patrice Leconte, "La Pirate" (1984 - ci-dessous) de Jacques Doillon avec son frère Andrew Birkin, "Souvenirs Secrets" (1985) de John Reid, "La Femme de ma Vie" (1986) de Régis Wargnier et retrouve son conjoint Jacques Doillon pour "Comédie !" (1987).
Elle retrouve artistiquement Gainsbourg pour l'album "Lost Song" (1987 - dont "La Couteau dans le Play" et "Physique et Sans Issue"). Une année particulière pour la chanteuse-actrice puisqu'elle joue et écrit le scénario du film "Kung-Fu Master" (1987 - ci-dessous avec sa fille Charlotte) de Agnès Varda où elle joue avec ses filles Charlotte Gainsbourg et Lou Doillon. Elle retrouve aussitôt après Varda pour "Jane B. par Agnès V." (1988) biopic singulier.
Elle joue dans "Soigne ta Droite" (1987 - ci-dessous) de Jean-Luc Godard au sein d'un casting quatre étoile pour des sketchs où les acteurs incarnent des rôles fictifs ou réels. Cette même année elle fait ses débuts, à 40 ans, sur scène pour des concerts au Bataclan.
Elle retrouve une ultime fois Gainsbourg pour l'album "Amour des Feintes" (1990 - dont les titres "Asphalte", "Un Amour peut en Cacher un Autre" ou "Love Fifteen"), en parallèle elle tourne dans "Daddy Nostalgie" (1990) de Bertrand Tavernier avec Dirk Bogarde avant de tourner dans le magnifique "La Belle Noiseuse" (1991 - ci-dessous) de Jacques Rivette avec Michel Piccoli et Emmanuelle Béart.
Cette belle période est pourtant endeuillée de terrible façon puisqu'elle perd coup sur coup son pygmalion qui meurt le 2 mars 1991, suivi aussitôt après le 7 mars 1991 de son père qui meurt donc le jour des obsèques de Serge...
Dévastée, Jane Birkin change de nombreuses choses dans sa vie. Elle écrit et réalise son premier téléfilm "Oh Pardon tu Dormais" (1992), qui va rester confidentiel avant d'être joué sur scène en 1999. Elle rend hommage à Gainsbourg avec une série de concerts en 1992 au Casino de Paris qui précède l'album "Je suis Venue te Dire que je l'en Vais" (1992). Elle achète une maison au Finistère non loin d'une plage d'où son père embarquait des résistants ou des soldats alliés. Puis elle commence à multiplier les actions humanitaires en participant pour la première fois au concert des Enfoirés (1994 suivi des éditions 96, 97 et 2023), elle devient aussi porte-parole de Amnesty International et marraine du Téléthon 2001.
Elle revient au cinéma avec "Noir comme le Souvenir" (1995 - ci-dessous) de Jean-Pierre Mocky, retrouve Agnès Varda pour "Les Cents et une Nuits de Simon Cinéma" (1995), participe à la comédie musicale "On connaît la Chanson" (1997) de Alain Resnais avec André Dussolier, Lambert Wilson ou Sabine Azéma, joue dans "la Fille d'un Soldat ne pleure Jamais" (1998) de James Ivory avec Leelee Sobiesky et Virginie Ledoyen.
Elle sort un album de reprises de titres de Gainsbourg "Versions Jane" (1996), suivi de "À la Légère" (1998) premier album de Jane Birkin qui ne contient aucun titre de son pygmalion et pour lequel elle collabore avec la crème des artistes de l'époque dont Sinclair, McSolaar ou Miossec. Elle devient une ambassadrice des oeuvres de Gainsbourg et ce, pour le monde entier effectuant des concerts à travers la planète comme à New-York, Tel-Aviv ou Tokyo qui vont permettre entre autre la sortie des albums "Jane en concert au Japon" (2000) et "Arabesque" (2002).
Elle reprend la direction des plateaux de tournage avec "Ceci est mon Corps" (2001) de Rodolphe Marconi avec Louis Garrel et Annie Girardot, "Reines d'un Jour" (2001) de Marion Vernoux avec Karin Viard, "Merci Docteur Rey" (2002) de Andrew Litvack où elle retrouve Vanessa Redgrave et Bulle Ogier, puis "Mariées mais Pas Trop" (2003 - ci-dessous) de Catherine Corsini où elle retrouve Pierre Richard.
Elle sort l'album "Rendez-Vous" (2004) avec des reprises en duo avec des artistes aussi divers que Mickey 3D, Alain Souchon, Miossec, Manu Chao ou encore Françoise Hardy. Elle sort ensuite un album plus personnel "Fictions" (2006) où des artistes comme Cali, Neil Young, Dominique A ou Kate Bush lui écrivent des chansons.
Elle revient à la réalisation avec le film "Boxes" (2006 - ci-dessous) où elle joue aux côtés de Géraldine Chaplin, Michel Piccoli et sa fille Lou. La même année elle joue son propre rôle dans "La Tête à Maman" (2006) de Carine Tardieu.
Elle favorise en cette période sa carrière musicale. Elle sort "Enfants d'Hiver" (2008) premier album où elle signe tous les textes inspirés ou issus de ses cahiers intimes qu'elle écrit depuis son adolescence. L'album est aussi en hommage à Aung San Suu Kyi personnalité birmane Prix Nobel de la Paix 1991. Juste après sort l'album "Au Palace" (2009) d'après ses concerts.
Elle tourne ensuite "36 Vues du Pic Saint-Loup" (2009) de Jacques Rivette, le road movie "Thelma, Louise et Chantal" (2010 - ci-dessous) de Benoît Pétré, "Si tu Meurs, je te Tue" (2011) de Hiner Saleem puis "Venir au Monde" (2012) de Sergio Castellitto.
Alors qu'une série de concerts est prévue en 2012 la tournée est annulée en raison d'une péricardite aiguë avec des récidives multiples. Néanmoins, sort l'album de concerts "Jane Birkin sings Serge Gainsbourg in Japan" (2012).
Elle joue une fois de plus son propre rôle dans "Haewon et les Hommes" (2013 - ci-dessous) de Hong Sang-Soo avant un petit rôle dans "Quai d'Orsay" (2013) de Bertrand Tavernier avec Thierry Lhermitte et Raphaël Personnaz.
Un nouveau drame touche l'artiste avec la mort soudaine de sa fille Kate Barry en 2014 (ci-dessous). Elle tourne presque plus et chante de moins en moins.
Elle joue ainsi dans le court métrage "La Femme et le TGV" (2016) de Timo Von Gunten, puis revient avec un énième album hommage "Birkin/Gainsbourg : le Symphonique" (2017), puis sort l'album "Oh ! Pardon tu Dormais..." (2020) en collaboration avec Etienne Daho, inspiré de son film mais qui évoque la mort de sa fille. L'album concert sort dans la foulée.
Début 2021 elle reçoit une Victoire d'Honneur lors de la 36ème cérémonie des Victoires de la Musique, prix remis par sa fille Lou Doillon, qui avait elle-même reçu un pris en 2013 des mains de sa mère (ci-dessous). Alors qu'une série de concerts était prévue en septembre 2021 son agent annonce que Jane Birkin a été victime d'un léger AVC.
Cette même année, sort le documentaire "Jane par Charlotte" (2021) de Charlotte Gainsbourg qui a suivi sa mère durant plusieurs mois. C'est le dernier film de Jane Birkin. Si elle ne peut se présenter au Festival de Deauville 2021 elle accompagne Charlotte à la 48ème Cérémonie des Césars début 2023 (ci-dessous). Il s'agit là de sa dernière apparition publique.
Jane Birkin a aussi tourné quelques fois pour la télévision, et a aussi joué sur les planches. La première fois au théâtre en 1985 dans une pièce de Marivaux sous la direction de Patrice Chéreau. Citons aussi sa propre oeuvre "Oh ! Pardon tu Dormais" (1999), et sa dernière apparition sur les planches pour une lecture des oeuvres de son éternel pygmalion, "Gainsbourg, Poète Majeur" (2014).
Jane Birkin aura toujours été une militante active de ses premières manifestations contre la peine de mort à Londres alors qu'elle était encore adolescente à la tribune en 2018 avec L'Appel de 200 Personnalités pour sauver la Planète, en passant par son soutien à la lycéenne Marie-Claire Chevalier qui a dû avorter clandestinement suite à un viol en 1972, ou son engagement constant contre Jean-Marie Le Pen.
Citons aussi l'origine du sac Birkin de la marque Hermès. En 1981, elle rencontre lors d'un vol aérien Jean-Louis Dumas à qui elle se plaint que son sac à main n'est pas adapté à la vie moderne, sans savoir qu'il est Directeur Général chez Hermès. Il se présente alors et lui propose de travailler ensemble pour créer un sac spécialement inspiré par ses recommandations. Ainsi naît le sac Birkin qui devient une icône de la marque au succès mondial. A tel point, qu'un exemplaire Diamond Birkin 35 en crocodile porosus en vendu en 2015 aux enchères adjugé à 202000 euros ce qui devient le sac Hermès le plus cher au monde. Juste après, pourtant, l'association de défense des animaux Peta rappelle les conditions de vie et d'abattage des crocodiles. Jane Birkin demande alors à la marque de débaptiser le sac de son nom "jusqu'à ce que de meilleures pratiques répondant aux normes internationales puissent être mises en place pour la fabrication de ce sacs" - ce qui n'aura pas grand effet faut bien l'avouer...
Jane Birkin aura eu une carrière musicale essentiellement riche de sa collaboration icônique et mythique avec Serge Gainsbourg, à tel point qu'on oublie un peu sa carrière d'actrice qui est pourtant plus personnelle, voir plus populaire avec une réelle reconnaissance de la profession et une popularité certaine auprès du public.
Jane Birkin est morte ce dimanche 16 juillet 2023 dans son domicile de la rue d'Assas à paris à l'âge de 76 ans.