Queimada (1969) de Gillo Pontevorvo

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Ancien journaliste, militant anti-fascite Gillo Pontecrovo est devenu un cinéaste engagé avec le travail social dans "Un Nommé Squarcio" (1957), les camps de la mort dans "Kapo" (1961) ou la guerre d'Algérie avec "La Bataille d'Alger" (1966). Cette fois le réalisateur-scénariste aborde le colonialisme en imaginant une île des Antilles qui serait sous domination portugaise. Cette île est alors nommée Queimada, un mot portugais qui signifie "brûlé", et c'est aussi en espagnol un alcool fort de Galice que l'on boit après l'avoir enflammée. Le scénario est écrit par un fidèle de Pontecorvo pour qui il a déjà signé ses films précédents, Franco Solinas scénariste également de films comme "Salvatore Giuliano" (1962) de Francesco Rosi ou "El Chuncho" (1966) de Damiano Damiani, qui signera plus tard des films pour d'autres réalisateurs politiques comme Joseph Losey ou Costa Gravas, il retrouve après "El Mercenario" (1968) de Sergio Corbucci son co-scénariste, Giorgio Arlorio qui écrira aussi les films "Zorro" (1975) de Duccio Tessari ou "Cent Jours à Palerme" (1984) de Giuseppe Ferrara. Le film reçu le soutien de poids de la star Marlon Brando qui appréciait le message politique du projet... 1840, Sir William Walker débarque aux Antilles à Queimada qui est sous domination portugaise. Officiellement en voyage pour son plaisir il est en fait un agent britannique qui doit pousser les esclaves à la révolte et dans le même temps pousser les grands propriétaires terriens à rejeter les directives portugaises et donc leur gouvernement afin de fragiliser la position des portugais. Après cette mission, une dizaine d'années s'écoulent quand Walker est engagé par une compagnie sucrière pour qu'il les aide à gérer une révolte menée par José Dolores, celui-là même que Walker avait positionné à la tête des esclaves...

Au casting un monstre sacré alors dans une phase un peu moins faste de sa carrière, entouré d'une majorité d'amateurs et non-professionnels locaux repérés sur les lieux même du tournage à Carthagène des Indes en Colombie. L'agent britannique est incarné par Marlon Brando qui après l'excellent "La Poursuite Impitoyable" (1966) de Arthur Penn n'a tourné que des échecs avec "La Comtesse de Hong-Kong" (1967) de Charles Chaplin, "Reflets dans un Oeil d'Or" (1967) de John Huston, "Candy" (1968) de Christian Marquand et "La Nuit du Lendemain" (1968) de Hubert Cornfield et Richard Boone. Le leader des esclaves est interprété par Evaristo Marquez qui ne tournera qu'un autre film avec "La Possédée du Vice" (1970) de Piero Vivarelli, tandis que le leader des grands propriétaires est joué par Renato Salvatori vu notamment dans "Rocco et ses Frères" (1960) de Luchino Visconti, "La Ciociara" (1960) de Vittorio De Sica, "Le Harem" (1967) de Marco Ferreri et retrouve après "Les Camarades" (1963) de Mario Monicelli son partenaire Giampiero Albertini vu dans "Jeux d'Adultes" (1967) de Nanni Loy et plus tard aux côtés de Alain Delon dans "Zorro" (1975) de Duccio Tessari, "Flic Story" (1975) et "Le Gang" (1977) tous deux de Jacques Deray, Dana Ghia remarquée dans "Deguejo" (1966) de Giuseppe Vari et vue ensuite dans "La Femme du Prêtre" (1970) de Dino Risi, "Cran d'Arrêt" (1971) de Duccio Tessari ou "La Mort en Sursis" (1976) de Umberto Lenzi, Valeria Ferran Wanani aperçue dans "Juliette des Esprits" (1965) de Federico Fellini, puis enfin Carlo Palmucci aperçue dans "Darling Chérie" (1965) de John Schlesinger... La musique entêtante est signée du maestro Ennio Morricone qui a déjà collaboré avec Pontecorvo sur "La Bataille d'Alger" (1966) et suivra le prochain "Opération Ogre" (1979)... On est séduit par le contexte imaginé par les scénaristes autour de Queimada, île incendiée par les portugais pour châtier les indiens, puis repeuplée par des esclaves à la solde de grands propriétaires terriens portugais. On peut préciser qu'il s'agit bel et bien une fiction même si Pontecorvo et ses scénaristes ont puisé dans divers faits historiques pour étoffer leur histoire.

De façon classique on pense aussi à un film d'espionnage sur fond de colonialisme, où comment un espion britannique va tenter de renverser les forces en présence pour se débarrasser des portugais et laisser ainsi la place aux britanniques. On reconnaît bien là le cynisme du réalisateur, son intelligence toute en ambiguité laissant croire à la libération des esclaves et à une justice forcément plus évidente avec les britanniques (ironie !), et finalement il s'agit juste d'une changement de propriétaire. Là est toute l'acuité et la justesse de cette histoire. Par contre, la photographie est médiocre, l'image ne séduit pas même si on pourrait y voir un "grain de vieillissement". Mais surtout l'âpreté du récit transpire trop sur tous les autres paramètres ce qui empêche toute émotion. Même Marlon Brando semble très et trop détaché, presque en dilettante. Les autres protagonistes sont soit sous-exploités (la plupart) soit trop caricaturaux (le leader des esclaves). Résultat le film est aussi froid qu'austère, trop clinique presque, ça manque de souffle, de chair, de passion voir de sang même si l'iconographie colonialiste habille de façon judicieuse le récit. En conclusion un film qui laisse sur notre faim malgré l'ambition et l'idée générale. Dommage.

Note :      

10/20