Tourné juste après "Yakuza" (1974) Sydney Pollack revient avec un thriller politique qui surfe sur la période post-Watergate, une ère américaine où la paranoïa est omniprésente dans la société, les américains étant devenu particulièrement suspicieux envers leurs institutions. Il rejoint ainsi quelques grands films égratignant les institutions américaines comme "Serpico" (1973) de Sidney Lumet, "Conversation Secrète" (1974) de F.F. Coppola, et surtout "A Cause d'un Assassinat" (1974) ou "Les Hommes du Présidents" (1976) tous deux de Alan J. Pakula. Il s'agit de l'adaptation du roman "Six Days of the Condor" (1974) de James Grady, qui plus tard écrira une véritable enquête justement sur le Watergate avec "La Ville des Ombres" (2000). Sydney Pollack porte à l'écran un scénario qui a accentué l'aspect politique de l'intrigue, écrit par David Rayfiel fidèle à Pollack sur une dizaine de films entre "Propriété Interdite" (1966) à "Sabrina" (1995), puis par Lorenzo Semple Jr. connu pour le scénario de "Papillon" (1973) de Franklin J. Schaffner et surtout "A Cause d'un Assassinat" (1974) et qui signera ensuite "King Kong" (1976) de John Guillermin ou "Jamais plus Jamais" (1983) de Irvin Kershner... Joseph Turner est un agent analyste pour la CIA, son travail consistant à lire le maximum d'oeuvres pour en tirer des idées ou pour y trouver des éléments contre les pratiques des agences de renseignements des autres pays. Pour cela il travail dans une société écran qui a pignon sur rue. Mais un jour, alors qu'il est parti chercher le déjeuner de son équipe, il revient pour découvrir que tous ses collègues ont été tué méthodiquement. Devenu un fugitif et une cible, il tente de joindre ses supérieurs sans savoir à qui faire confiance. Sous son nom de code Condor, il va tenter de comprendre et surtout sauver sa vie...
Joseph Turner alias Condor est incarné par l'acteur Robert Redford qui retrouve ainsi son réalisateur fétiche pour le 4ème film sur les 7 films qu'il auront fait ensemble entre "Propriété Interdite" (1966) et "Havana" (1990), la star des films "Butch Cassidy et le Kid" (1969) de George Roy Hill ou "Gatsby le Magnifique" (1974) de Jack Clayton fera aussi face frontalement au Watergate peu de temps après dans "Les Hommes du Présidents" (1976). Ses collègues et/ou supérieurs et/ou ennemis (qui sait ?!) sont joués par Cliff Robertson vu entre autre dans "Picnic" (1955) de Joshua Logan, "La Brigade du Diable" (1968) de Andrew V. McLaglen ou "Obsession" (1976) de Brian De Palma, John Houseman vu dans "Sept Jours en Mai" (1964) de John Frankenheimer, "Rollerball" (1975) de Norman Jewison ou "Fog" (1980) de John Carpenter, Max Von Sydow acteur fétiche de Ingmar Bergman sur une dizaine de films après "Le Septième Sceau" (1957), et acteur culte de plusieurs films dont "L'Exorciste" (1973) de William Friedkin ou "Jamais plus Jamais" (1983). L'atout charme est assurée par Faye Dunaway star depuis "Bonnie and Clyde" (1967) de Arthur Penn ou avec "Chinatown" (1974) de Roman Polanski et avant son Oscar pour "Network" (1976) de Sidney Lumet, puis retrouve après "L'Affaire Thomas Crown" (1968) de Norman Jewison son partenaire Addison Powell vu notamment dans "A la Française" (1963) de Robert Parrish ou "La Mort en Rêve" (1975) de Jack Lee Thompson. Citons dans des rôles plus secondaires Walter McGinn juste après "A Cause d'un Assassinat" (1974), Jess Osuna juste avant "Les Hommes du Président" (1976), Helen Stenborg vue plus tard dans "Les Européens" (1979) de James Ivory ou "Il était une Fois" (2007) de Kevin Lima, Patrick Gorman remarqué ensuite dans les westerns "Gettysburg" (1993) de Ron Maxwell et "Wild Bill" (1995) de Walter Hill, Carlin Glynn vue dans "Jardins de Pierre" (1987) de Francis Ford Coppola ou "Babylon USA" (1999) de Eric Mendelsohn, Hank Garrett remarqué auparavant dans "Serpico" (1973) et "Un Justicier dans la Ville" (1974) de Michael Winner, puis enfin n'oublions pas les caméos du réalisateur lui-même (voix du petit ami de Katherine et chauffeur de taxi) pour un Sydney Pollack qui a d'abord débuté acteur rappelons-le et qu'on reverra par exemple dans "The Player" (1992) de Robert Altman ou "Eyes Wide Shut" (1999) de Stanley Kubrick... Ce qui est assez inédit encore jusqu'à aujourd'hui, c'est que le héros, agent de la CIA n'est pas du tout l'archétype de l'espion tel que le cinéma nous l'impose depuis toujours. En effet, ni James Bond, ni Jason Bourne ou issu des livres de John Le Carré, Jospeh Turner alias Condor n'est qu'un intellectuel engagé comme analyste qui doit éplucher des tonnes de paperasses chaque jour pour dénicher une perle rare qui serait utile au contre-espionnage. Bref, un col blanc, un bureaucrate, un gratte-papier qui ne part jamais en mission active ou réactive.
C'est la première force du film, la grande idée qui permet entre autre d'imposer un réalisme de fait, et qui permet au spectateur de mieux s'identifier à cet anti-héros lambda. D'ailleurs comme ce Condor nous sommes finalement qu'un pion dans un engrenage qu'on ne comprend pas tant les tenants et aboutissants d'un tel massacre nous dépasse. La mise en place est impitoyable, millimétrée comme doit l'être une exécution qui ne laisse place à aucune humanité. L'intrigue démarre avec cette sensation que cette fois c'est une affaire forcément énorme, la tension est d'autant plus forte. La plus grande déception est surprenante, c'est le personnage de Faye Dunaway (une fois n'est pas coutume !) qui reste très anecdotique et donc presque superflu. Nullement la faute de la star qui fait le job mais son personnage est clairement l'atout charme tant elle ne participe que peu au récit, à l'exception notable d'une séquence malheureusement la plus incohérente du film quand elle pénètre sans aucun soucis dans les locaux de la CIA. Néanmoins, le film est d'une crédibilité qui accentue sans mal la paranoïa des seventies qui ont amené, faut bien le dire, aux complotistes d'aujourd'hui. Précisons d'ailleurs que la production a reçu l'aide de réels agents de la CIA dont Richard Helms, ex-grand ponte de l'agence qui a particulièrement travaillé avec Redford. Le réalisateur Sydney Pollack a quant à lui éviter l'écueil du spectaculaire pour rester dans un authenticité prenante et en s'amusant à brouiller les pistes et ce, jusqu'au dernier moment. Un des plus grands films d'espionnage des années 70 à voir, à revoir et à conseiller.
Note :